Du hast mich (Ernest Lenoir)

22 heures, Neko était là, appuyée contre un mur dans les égouts, à l'endroit même où elle avait vu Vermine la veille. Elle avait mis un jean et un petit haut rouge, sexy mais pas vulgaire. Elle avait coiffé ses cheveux en tresse, et collé un sparadrap sur sa blessure au crâne. Elle avait à peine dormi, la nuit dernière, et beaucoup cauchemardé. Son cœur était encore lourd de colère. Dans son sac, elle avait un revolver de .38 à canon court, à présent elle ne sortait plus sans arme. Elle n'était pas venue à ce rendez-vous en amoureuse, mais en combattante. Au diable le passé, elle allait reconquérir Vermine d'elle-même. Et si elle n'y arrivait pas, elle le tuerait avant de se tuer elle-même. Pendant la journée, elle avait pris quelques disposition pour organiser les activités de la soirée. Puis avant de venir, elle s'était préparée psychologiquement à l'affrontement, et avait avalé un verre de saké avant de claquer la porte de sa chambre, comme un kamikaze de préparant pour Pearl Harbor. Et en effet, elle aurait été prête à jeter son Zéro sur un croiseur américain si ça avait été nécessaire. Ce soir, elle ne laisserait rien ni personne se mettre entre elle et Vermine. Il était devenu sa proie, et cette fois ça n'avait rien à voir avec le petit jeu innocent auquel ils se livraient avant. Vermine lui appartenait, et personne n'avait le droit de le lui voler d'une façon aussi ignoble.
Elle attendit patiemment. Et enfin, elle entendit approcher.

Effectivement, Ernest s’approchait, annoncé par le bruit régulier de ses pieds nus et griffus sur le sol froid et humide des égouts. Il avait la démarche légère, dégagée. Entre ses lèvres, un infime sifflotement filtrait, signe réel ou illusoire que son esprit errait au gré de pensées apaisées. D’une façon générale, ce calme qui désormais le qualifiait tant le rendait plus détestable que jamais.

Il s’approchait donc, par un étroit conduit. Sa sombre silhouette se détachait à peine dans la pénombre du lieu. Mais autant lui que Neko étaient habitué à l’obscurité. Il était vêtu exactement comme la veille : un short, un t-shirt, un veston, le tout vert pomme et bien ajusté. La propreté laissait un peu à désirer mais qui voulez-vous ? En trainant dans les égouts, c’était logique.

Une fois à proximité, il considéra la féline avec neutralité avant de prendre la parole.

-Bonsoir. Alors tu es venue ? Hier, tu peinais à masquer ton ébranlement. Maintenant, je lis en toi la détermination. Bien. Très bien.

Toujours cette douceur dans ces mots qui pourtant, quand on parvenait à cerner le personnage, semblait un peu froides. Après une brève pause, il reprit.

-La balle est dans ton camp. J’attends.

HRP : si tu désire changez de lieu, Ernest te suis sans discuter (sauf si évidement, cela devien louche).

Neko serra les dents. Cette bonne humeur artificielle, cette légèreté inhabituelle, ce mépris total, ça lui donnait envie d'étrangler Vermine. De toutes façons, elle s'était attendue à ce qu'il soit encore dans cet état, et s'était mentalement préparée en conséquence. Elle tiendrait bon. Elle guérirait Vermine, parce qu'elle était la seule à pouvoir le faire. Elle le protégerait de lui-même et des autres, parce qu'elle était la seule à pouvoir le faire. Et si même elle n'y arrivait pas, c'était que personne ne pouvait arriver. Et alors elle l'abattrait, car elle préférait encore le tuer de ses propres mains que le laisser à ceux qui voulaient le lui voler.

-Bref. J'ai préparé une soirée que tu devrais aimer normalement. Après, je ne sais pas ce qu'ils sont allés de mettre dans le cerveau... Suis-moi.

Ils sortirent des égouts. Neko ne dit pas un mot de tout le trajet. Elle emmena Vermine jusqu'à la pizzeria où ils s'étaient connus : Chez Mario, l'endroit où ils faisaient les meilleures pizzas de New York. Elle était venue tôt dans la matinée pour réserver une table, et rembourser la pizza qu'elle n'avait pas eu le temps de payer la dernière fois. Ils auraient la même table que la dernière fois.

Neko s'installa en face de Vermine, et on leur apporta les menus. Ils commandèrent, et le serveur repartit. Enfin seul à seule, Neko put attaquer.

-Alors où est-ce que tu as passé la nuit ? demanda-t-elle tout naturellement.

Ha, la fameuse pizzeria Chez Mario, celle où ils s’étaient certainement rencontrés pour la première fois. C’était d’un classique… Avait-elle en tête de reconstituer le passé oublié d’Ernest ? En tout cas, l’enfant-rat ne dit rien, ne fit rien de particulier. Il se contenta de suivre et de se comporter correctement, ni plus ni moins.

Ce qu’il se garda de mentionner, c’était que depuis la dernière fois, il avait mené ses petites recherches. Celles-ci s’étaient avérées aisées. En tout cas, sitôt fructueuses, il n’avait pas approfondit, jugeant cela inutile. Ce qu’il avait trouvé, c’était une coupure de journal mentionnant sa relation avec Neko. Il y avait à peine quelques phrases plutôt critiques. Le journaliste se voulait polémique en mettant l’accent sur l’indécente différence d’âge des deux jeunes gens. Le mutant rongeur s’en contentait. La féline ne lui avait pas menti. Le plus effroyable dans cette histoire, c’est qu’il s’en fichait. Ho, bien sûr, il n’aurait pas apprécié cette tentative de manipulation mais cela aurait rajouté un peu de piment à la situation. En attendant, il s’ennuyait sans le montrer à cette table. La demoiselle le questionna. Il répondit sans attendre, toujours avec calme.

-Aucune importance. C’est cette nuit qui compte.

Fin de la réponse. Et il ne chercha pas à entretenir la discussion. Pizza en main, il commença à manger. Quelques longues minutes plus tard, cependant, il alla chercher dans sa poche pour en tirer un petit morceau de journal plié en quatre. Il le fit glisser sur la table. Il s’agissait de l’extrait de l’article traitant de leur relation.

-C’est très insuffisant, commenta-t-il.

Il sous-entendait qu’il se fichait éperdument du passé. Seul comptait le présent. Avait-il tant changé que ça ? Oui et non. Il aimait toujours les mêmes choses, sexe et alcool, ses deux faiblesses, ses deux vices.

Évidement, Vermine éluda la question. Il n'était pas difficile de deviner qu'il y avait quelque chose de louche là-dessous. Il lui tendit une coupure de journal. Neko lut. C'était cet article sorti dans un journal new yorkais pendant la période où Vermine avait eu ses ennuis avec la justice. Elle l'avait déjà lu. Au dessus du texte, on voyait une photo de la jeune féline, prise à son insu. Le fouille-merde qui avait rédigé l'article était particulièrement médisant. Il parlait de pédophilie, et même de zoophilie. Elle se demandait bien pourquoi Vermine lui montrait ça. à l'époque, il se moquait de ce que pensaient les gens, il cherchait même volontairement à choquer. Neko roula le papier en boule et le jeta par terre.

-Décidément, il y a des journalistes qui devraient se lancer dans la fabrication du papier-cul...

Elle manga sa pizza, mais la trouva amère. Elle n'arrivait pas à comprendre la réaction de Vermine. Il était amnésique, mais au lieu de se réfugier vers ceux qui l'avaient connus et qui voulaient l'aider à retrouver la mémoire, il se renfermait, et jouait à une sorte de jeu aux règles difficiles à cerner. Quelqu'un le manipulait, sans doute celui qui était responsable de son amnésie, et il était évident que cette personne ferait tout pour l'éloigner de Neko. Il fallait qu'elle en sache plus, pour pouvoir tenter de trouver ce salaud et lui faire avaler son bulletin de naissance.

-Qu'est-ce que tu attends de ce rendez-vous, exactement ? Savoir si je suis vraiment ta copine, ou savoir si tu veux toujours que je sois ta copine ?

-Je sais que tu étais ma copine, répondit simplement Vermine. Comme tu viens de le constater, j’ai mené un semblant de recherche et je suis tombé sur cet article. C’est une preuve suffisante. La n’est plus la question. La question, c’est : est-ce que tu peux le redevenir.

Ernest acheva de manger sa pizza bien avant Neko. Contrairement à elle, il avait mangé avec appétit. Il se lécha les doigts et reprit.

-Note que pour l’instant, je n’attends rien de ce rendez-vous. Il ne tient qu’à toi que je me mette
A en attendre quelque chose. Si tu commences à m’interroger de la sorte, c’est peut-être que tu doutes. On peut arrêter là. Ou continuer. A toi de voir.

L’enfant-rat s’adossa à sa chaise, très décontracté.

-J’attends lui suite.

Le regard des autres, il s’en fichait tout autant qu’avant. Il en donnait peut-être moins l’impression du fait de son comportement. Cependant, sa propreté n’était déjà pas exemplaire et il ne s’en souciait guère.

-Tu as changé. Et pas en bien...

Neko bouillonnait d'envie d’attraper Vermine par la gorge et de le secouer comme un prunier en criant "Réveille-toi ! Réveille-toi !", mais elle prit bien soin de dissimuler toute sa colère derrière un masque impassible. C'est donc comme une parfaite geisha qu'elle finit de manger et paya.

-Très bien. dit-elle en se levant. Si c'est comme ça on va laisser tomber tout le tralala que j'avais prévu. Ça aurait certainement plu au Vermine que j'ai connu, mais puisque c'est ainsi on va passer à autre chose.

Elle entraîna Vermine ailleurs, refusant de donner la moindre indication sur ce qu'elle avait en tête. Ils se rendirent dans un entrepôt abandonné (complétement abandonné, même les clochards ne le squattaient pas). Elle ne le savait pas, mais cet entrepôt était celui où Léo et Vermine s'étaient entraînés pendant un moment. Elle avait repéré l'endroit tout à fait par hasard, et ne s'était pas doutée que le matériel sportif, les cibles et les douilles laissées là avaient appartenu à son frère. Elle avait disposé deux petites caisses de part et d'autre d'une plus grosse, en guise de table et de chaises. Elle s'assit sur l'une d'elles et invita Vermine à faire de même. Là, elle ouvrit son sac et en sortit son revolver. Elle ouvrit le barillet et retira les balles, puis en remit une seule et referma le barillet avec un claquement sec. Puis elle posa le revolver devant Vermine.

-Tu disais que tu aimais la roulette russe, et moi je veux que tu m'en dises plus, alors on va essayer de se faire plaisir tous les deux. On va chacun notre tour tenter notre chance, et chaque fois que l'un de nous gagnera, il aura le droit de poser une question à l'autre et l'autre devra y répondre franchement. On avait déjà joué à "action, vérité, et ta sœur", mais comme ça c'est plus amusant, non ? Commence, si tu n'as pas peur.

Elle n'avait pas prévu ça, mais de toutes façons à situations désespérées mesures désespérées. La balle était une ogive à tête creuse, qui se déforme à l'impact et cause un maximum de dégâts. Au moins, si l'un des deux perdait il ne souffrirait pas.

Neko haussa les épaules.

-Un suicide ? Oh, non. Non, en fait j'ai surtout l'intention de te monter que je suis capable d'aller bien plus loin que mes petites habitudes. Avant de te retrouver dans les égouts, je pensais que je devrais me battre avec tes ravisseurs, au risque d'être blessée ou tuée. Donc, je n'aurais finalement pas à me battre contre quelqu'un, mais ça ne change rien au fait que je suis prête à prendre une balle pour te retrouver.

Ce disant, elle prit l'arme, fit tourner le barillet d'un geste souple qui trahissait une certaine habitude, et se colla le canon non pas sur une main ou une jambe comme les trouillards, mais bien directement sous le menton. Elle fit un petit clin d'œil aguicheur à Vermine, puis elle appuya sur la détente.

*CLIC*

Pas de coup de feu. Tant mieux, Neko n'aurait pas voulu se couvrir de ridicule en mourant dès la première manche.

-Si tu te montres aussi distant, est-ce que ce ne serait pas parce que tu as un peu peur de te souvenir de certaines choses ?

Autant se lancer directement dans les choses sérieuses, sinon ce ne serait pas drôle.

-Remarque, je ne peux pas t'en blâmer. Je sais mieux que personne que tu en as vu des vertes et des pas mûres.

Et elle avait d'autant plus mal qu'avant son amnésie Vermine lui répétait qu'elle était la meilleure chose qui lui soit jamais arrivée.

(C'est bon, je ne suis pas bête ! Pas la peine de répéter deux fois ! ^^)

-Très bien. Si c'est ainsi...

Neko rangea l'arme dans son sac, résistant à l'envie de la jeter dans la gueule de Vermine. Il était temps pour elle de jouer sa dernière carte. Elle farfouilla dans son petit sac à dos qui devait avoir appartenu à Mary Poppins, et en sortit une grosse bouteille en verre qu'elle posa sur la table. C'était du saké Arisaka, le meilleur saké disponible sur le marché. Ils s'en étaient bu une rasade la première fois qu'ils avaient fait l'amour. Car en effet, après ça elle avait l'intention de refaire l'amour avec Vermine. Depuis le temps qu'elle le connaissait, elle savait que l'alcool et le sexe étaient ses points faibles. Et il y avait peu de chance que le nouveau Vermine ait changé de ce côté là. Elle avait même prévu une deuxième bouteille au cas où la première ne suffisait pas. Elle disposa deux verres et les remplit à ras-bord.

-Tu en veux, ou bien je m'enfile tout toute seule ? Ne me défie pas, j'en serais capable.

Elle afficha un demi-sourire de sphinx en disant cela.

-C'est souverain, avant les relations sexuelles.

Autant annoncer la couleur. Oui, elle allait bien réussir à retrouver un peu de l'état d'esprit qu'elle avait lorsqu'elle avait ses chaleurs. En espérant juste qu'elle n'essaierait pas encore de le dévorer. Elle porta son verre à ses lèvres et le but d'un trait.

"Kempaï !"

Ça marchait, l'alcool l'aidait à se sentir un peu plus en confiance.

-Allez. Ferme ta gueule et bois ça ! dit-elle en se resservant un verre.

Ernest eut un petit sourire en voyant apparaitre la bouteille. Ha, voilà ! Quand même ! Ce n’était pas trop tôt ! Neko commençait enfin à employer des arguments plaisants. Inutile de le nier, Vermine n’était venu QUE pour ça. Après, on était en droit de se demander si au fond, il ne cherchait pas tout simplement qu’à profiter de cette pauvre féline. La perspective de la voir exaucer ses quatre volontés juste pour avoir l’illusion qu’il l’appréciait encore lui avait effectivement effloré l’esprit. Il y pensait en se moment même. Son sourire était né de cette réflexion. Il avait cependant également songé à la possibilité qu’il puisse se faire avoir à son propre jeu. L’enfant-rat était lucide sur ses faiblesses. Mais il était prêt à courir le risque. C’était ce qui donnait, au final, tout le piment de la chose. Cette fille-chatte allait-elle avoir sa subtilité nécessaire pour tourner la situation à son avantage ? Ou ne serait-elle qu’un objet entre les griffes de l’horrible garçon. Ce dernier s’exposait volontairement mais il n’était pas prêt à céder artificiellement. Il poursuivrait son plan machiavélique jusqu’au bout tant qu’on ne lui aurait pas donné l’envie du contraire.
C’était le réel défi, le jeu invisible dont il avait fixé les règes.

Il laissa boire la demoiselle, laissant presque croire que l’alcool ne l’intéressait pas. Puis, tout d’un coup, lorsqu’on lui demanda de boire, il subtilisa la bouteille d’un geste aussi vif qu’habile.

-Je te laisse mon verre.

Et il se mit à boire au goulot. Plus le temps passait et plus il était ignoble. Ça aussi, c’était dans son plan. Car Ernest, surdoué il ne fallait pas l’oublié, ne laissait rien au hasard. Il testait sa compagne, il voulait voir ce qu’elle donnait quand on la poussait jusqu’à ses derniers retranchements. Et s’il allait trop loin ? Il aviserait. Il avait de quoi se défendre. Il n’avait pas peur d’elle.

-On dirait que tu aimes bien ce qui est japonais, commenta-t-il entre deux gorgées. Je n’ai jamais eu d’affinité pour cette culture. Mais c’est un détail.

[i]Neko parlait sexe ? Ce n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Mais y arriverait-elle face à une peste pareille ? Vermine ne la ménageait pas. Il voulait qu’elle perde son jeu. Et si elle ne perdait pas, alors seulement il commencerait à la voir sous un autre regard.

Quand Neko vit Vermine attrapper la bouteille et la boire goulûment, elle sut tout de suite qu'elle était sur la bonne voie. Elle but quant à elle le verre destiné à Vermine (elle savait qu'il choisirait la bouteille, mais n'avait rempli un verre que pour la mise en scène), puis ouvrit la deuxième bouteille pour se mettre à boire comme Vermine.

-On dirait que tu aimes bien ce qui est japonais. Je n’ai jamais eu d’affinité pour cette culture. Mais c’est un détail.
-Je sais. Mais la vodka c'est trop banal, le whisky c'est pour les tapettes, et le saké, par contre, ça me donne envie de baiser. Et puis j'avais envie de te faire chier avec ça, aussi.

Elle but les trois quarts de la bouteille avant d'abandonner le reste à l'enfant-rat. Elle regarda son adversaire boire, en souriant. L'alcool aiderait à le désinhiber, mais ça ne suffirait pas puisqu'il était naturellement moins sensible aux drogues diverse. Le reste du travail, elle devrait le faire elle-même avec son corps comme instrument. Elle pouvait le faire.

-A la une...

Elle avait lâché ça, comme ça, sans la moindre explication.

-A la deux...

Toujours rien, à part une petite lueur prédatrice dans le regard.

-A la trois ! WEOW !

Elle bondit par dessus la caisse et renversa Vermine. Là, elle le plaqua par terre et commença à lui arracher ses vêtements d'une main, tandis qu'avec l'autre main elle arrachait les siens

Et ils firent l’amour comme des bêtes…

…enfin, ça, c’était ce que prévoyait Neko. Mais Ernest ne l’entendait pas de cette oreille. Certes, la perspective ne lui déplaisait pas, au contraire. Il était venu pour ça, après tout. Mais à présent, le plaisir de contrarier cette demoiselle était devenu tel que le plaisir charnel pouvait attendre. Alors que la fille-chatte jouait sa dernière carte, qu’elle se raccrochait à se fin espoir de le faire faillir par ses vices, il allait frapper encore une fois.

La féline, de par sa façon d’agir, ne bénéficia d’aucun effet de surprise. Boire puis faire l’amour, elle l’avait elle-même annoncé. Elle parvint cependant à plaquer l’enfant-rat au sol. Ce fut la suite qui ne se déroula pas comme prévu. Le Confrériste, en un réflexe de défense, frappa. Deux coups rapides en plain visage. Et il n’y alla pas de main morte le bougre. Profitant de l’instant suivant, il s’arracha à la prise de Neko, exécuta un dégagement latéral et, en moins de deux secondes, fut de nouveau sur ses pieds. Ceci fait, il bondit encore en arrière afin de prendre ses distances. C’était presque effrayant de le voir bouger ainsi. Il était bien loin le Ernest Lenoir qui ne savait pas se battre. Le rat remit en place son veston, de nouveau avec calme. Quand il reprit la parole, ce fut de nouveau avec cette voix apaisée.

-Je suis navré mais nous n’irons pas plus loin. L’alcool était appréciable mais je doute fort que le sexe, avec toi, le soit tout autant. Il y a des gens qui, pour quelques billets, en ont fait un art. On s’habitue vite au luxe.

Il mentait. Depuis son « accident », il n’avait pas eu l’occasion de s’adonner à ce genre de plaisirs. Mais peu importait. De toute façon, il était tout à fait prêt à payer pour ça. Et, en l’instant présent, il voulait achever ce qu’il avait commencé.

-Tu as été trop longue, trop mole, trop fade. J’ai oublié qui tu étais, ce que j’aimais en toi. Ce que je sais, c’est que je ne t’aime plus. Je t’ai oublié, alors oublie-moi. De toute façon, j’ai cru comprendre que je n’étais plus le même. Ton Ernest n’existe plus. Adieux.

Il coupait par ces mots le dernier fil d’espoir, il refermait la porte qu’il avait lui-même entrouverte. C’était maintenant que les choses allaient devenir intéressantes. Allait-elle renoncer ou pas ? Allait-elle craquer ou pas ? L’alcool l’avait déjà rendu un peu plus amusante. En attendant, il était sur le départ. Déjà il se tournait vers la sortie du hangar.

HRP : si jamais tu décide de te battre contre Ernest afin par exemple de le neutraliser, ça ne va pas être facile. Neko garde quand même un léger avantage (surtout au niveau de la force physique).

Neko recula, surprise par les coups. Elle n'avait pas si mal que ça, mais était surprise qu'il l'ait frappée vraiment, pas par jeu. Et le voilà qui se rhabillait en l'insultant, puis qui se dirigea vers la sortie sans plus se soucier d'elle. La gamine qu'elle était en arrivant sur le continent américain se serait écroulée en pleurant toutes les larmes de son corps, en suppliant. Mais il ne fallait pas oublier qu'entretemps elle avait connu l'ancien Vermine qui, s'il n'était pas aussi cruel que celui-là, n'avait pas été tous les jours facile à vivre. Elle l'avait aimé, avait grandi pour pouvoir l'aimer. En quelque sorte, le Vermine d'avant avait été un vaccin en prévision du méchant Vermine. Elle savait depuis le début qu'en choisissant l'enfant-rat comme conjoint elle allait au devant de gros ennuis. Et elle l'avait accepté, avec les très nombreux désavantages qui l'accompagnaient. Tout cela pour dire qu'elle n'allait pas abandonner comme ça !
Elle se releva d'un bond, et d'un coup de patte l'attrapa par le col de son veston. Elle le mit à terre et tout de suite l'écrasa de tout son poids. La lutte fut difficile, puisque Vermine réagit immédiatement en se débattant comme un beau diable, luttant des pieds et des mains et ne retenant pas ses coups. Par contre, Neko avait l'avantage de la force, et elle non plus ne retenait pas ses coups. Neko put mettre toute sa rage dans la bagarre, et ça lui faisait un bien fou, enfin elle pouvait se battre concrètement contre celui qui lui avait volé son rat chéri. Vermine défendit donc chèrement sa peau, mais finit par céder face à la hargne de la fille-chatte. Arrivant enfin à maîtriser Dark Vermine, Neko recommença à le déshabiller de force.

-Tu es à moi !

C'était...une sorte de viol... Elle aurait hurlé si on lui avait dit six mois plus tôt qu'elle ferait ça un jour. Pourtant, elle était bel et bien en train de l'agresser sexuellement. Elle tint bien fort Vermine contre sa poitrine pour l'empêcher de fuir. Il était sa propriété, sa chose, sa peluche.

Curieusement, sitôt qu’Ernest se retrouva nu malgré lui, il cessa rapidement de luter. Certes, il fatiguait ; certes continuer ce combat perdu d’avance n’aurait rien apporté de plus ; mais tout de même, sa détermination à résister s’effaça bien vite. S’agissait-il vraiment d’un viol ? Ce serait beaucoup dire. Non, ce qui se déroulait était tout simplement le résultat escompté, l’aboutissement du plan de l’enfant-rat. La demoiselle chatte en avait-elle conscience ? « Tu es à moi, » disait-elle, persuadée d’avoir contraint le garçon à sa volonté. Or c’était elle, elle qui depuis le début, depuis hier, se faisait diriger par Vermine. Pas un seul instant elle remit en cause le jeu implicite. Elle n’avait en fait pas idée du machiavélisme de celui qu’elle serrait contre elle et qui, maintenant, ne se refusait plus à elle. La seule chose qu’elle avait prouvé ce soir, c’était qu’elle était prête à aller jusqu’au bout. Ce n’était pas rien. Mais sans discernement, cette particularité s’apparentait à un défaut.

-Pas mal.

Ce calme, toujours ce calme. L’enfant-rat avait reprit son souffle. A présent, il profitait. Il était le rongeur, elle la chasseresse. Mais des deux, c’était lui le prédateur. Dans son esprit, il commençait à planifier à plus long terme.

-Tu n’es pas banal. L’idée que j’ai pu être ton petit ami ne m’apparait plus comme absurde. Beaucoup de choses sont à reconsidérer. Cependant, ma situation n’est pas aisée à gérer. Comprends qu’il ne faudra du temps.

[i]Il tomba dans le silence, se laissant un instant aller à son plaisir. Mais il ne s’excita pas outre mesure. Cette retenue ne lui ressemblait pas. Il finit par reprendre :

-A présent, lâches-moi. On c’est assez amusé.

Neko était heureuse. Ce n'était pas aussi bon qu'avec le vrai Vermine, mais au moins elle se sentait mieux d'avoir pu connaître un moment de douceur. Bien sûr, le Vermine cruel façonné par ses bourreaux ne le voyait pas comme ça, et une fois qu'il eut tiré son coup il voulut s'en aller. Mais Neko ne l'entendait pas de cette oreille. Elle maintint sur elle une étreinte solide pour l'immobiliser complètement. Elle le serrait contre elle en ronronnant doucement. Vermine pensait pouvoir la soumettre, mais en fait sur le territoire sexuel c'était toujours elle qui dominait. Rien qu'à la voir emprisonner son amour entre ses bras avec douceur et fermeté, il n'était pas difficile de comprendre qui des deux était la chose de l'autre. Après tout, c'était comme ça depuis leur première fois. Maëlys adorait plus que tout ces moments-là, où Vermine lui paraissait si faible comparé à elle, elle le sentait vulnérable.
Bien sûr, dans la pratique, avec un Vermine changé qui se débattait, c'était moins tendre, mais qu'importe ! Elle pouvait bien se permettre de faire durer un peu le plaisir, et par la même occasion montrer à l'être abject qui avait pris la place de Vermine qu'elle n'était pas aussi malléable qu'elle n'en avait l'air.

Voyant qu'il ne pouvait pas s'échapper, Vermine demanda directement à Neko, avec une politesse empoisonnée. S'il voulait arriver à ses fins, il pouvait tout de même éviter d'employer la menace alors qu'il était en position d'infériorité. Des clous ! Neko avait payé pour avoir droit à cet instant, autant en profiter un max.

-Mmmmmh... Encore quelques minutes, s'il te plaît.

Bien sûr, si elle disait "s'il te plaît", c'était surtout pour la forme. En réalité elle était bien décidée à grappiller encore quelques instants, de gré ou de force. De plus, elle avait tout de même pris des précautions. De la façon dont elle tenait Vermine, avec un bras sous son menton, il ne pouvait pas la mordre. Pour elle, l'altérium n'avait jamais été qu'un poison aux effets variés et potentiellement drôles. Mais seulement, quoi que ce soit en réalité, ça attirait tous les kidnappeurs de rat aux alentours. Donc, inutile de préciser qu'à ce moment-là l'altérium n'était pas convié (d'autant qu'elle avait failli mourir la fois où il l'avait mordue).
Cependant, son bonheur n'était pas complet, quelque chose la dérangeait. Maintenant qu'elle était collée à Vermine et qu'ils n'étaient plus dans un égout puant, elle sentait une drôle d'odeur sur lui, un odeur de femme adulte. Est-ce qu'il voyait quelqu'un ? Est-ce que ça devait expliquer son comportement distant ?
Elle renonça à lui poser la question tout de suite, mais ça gâcha un peu le bonheur qu'elle ressentait à tenir son rat dans ses bras, et elle finit par le libérer.

Mordre ? Oui, Neko avait raison de se méfier de l’Altérium. Ernest avait effectivement songé à mordre la féline. Cependant, même s’il en avait eu l’occasion, il ne l’aurait pas fait. L’alétium était trop imprévisible. Potentiellement mortel mais également susceptible de se prêter à la plus grande inefficacité, y avoir recourt signifiait ne plus pouvoir planifier à court terme. C’était un inconvénient de taille pour quelqu’un d’aussi méthodique que l’enfant-rat. Non, ce dernier avait autre chose en tête, quelque chose de plus brutal mais de plus contrôlable.

-Comme tu voudras, répondit de sa voix douce l’ignoble garçon, après la dernière réplique de la fille-chatte.

Il poursuivit sa concentration à la recherche d’une sensation bien particulière. Il n’avait pas oublié comment provoquer ses crises, ses surproductions d’Altérium… il n’avait pas oublié l’effet que cela engendrait. Ce qu’il ignorait, par contre, c’était si la féline avait connaissance de cette faculté. Il ne tarderait pas à le savoir.

Apr7s quelques minutes de recherche en lui-même, Vermine trouva cette excitation si spéciale. Impossible de la confondre avec une sensation ordinaire. Elle ne ressemblait à aucune autre. Voilà le processus amorcé. Le corps du jeune mutant fut traversé par un frisson que put percevoir Neko. Ce fut à cet instant que cette dernière le lâcha. Zut. Que faire à présent ? Faire marche arrière était impossible pour Ernest. Il pouvait par contre minimiser sa crise, celle-ci étant devenue inutile.

Sitôt libre, Vermine se leva, recula, titubant presque. Sa gestuelle était devenue étrange, si soudainement nerveuse. On le sentait les nerfs à fleur de peau. Pire encore, l’air lui-même devint éclectique. Le poil du rat se hérissa. Une légère convulsion traversa son corps. S’il avait été encore emprisonné par Neko, il aurait persisté dans cet état, il aurait accumulé d’avantage d’énergie. Au lieu de cela, il relâcha la pression sur l’instant. Quelques modestes étincelles parcoururent son poil. Le mutant eut un dernier tremblement avant que tout ne revienne normal. Il porta alors son regard sur la demoiselle.

-Chère Neko, je conçois que je te manque. Mais ne t’avise plus, à l’avenir, d’agir de la sorte. Cela pourrait… jeter un froid entre nous.

Il rit.

-Je ne t’appartiens pas. Je n’appartiens à personne.

(i]Ceci dit, l’enfant-rat se détourna afin de s’approcher de ses habits étalés au sol. La lute les avait quelque peu amochés mais il estiment encore pouvoir les porter. Il se mit donc en devoir de se vêtir.[/i]

Vermine tituba, son poil se hérissa, et des étincelles jaillirent de son corps. Un rat électrique ! Il lui avait déjà dit auparavant qu'il lui arrivait d'avoir des crises en cas de trop plein d'altérium, mais elle n'avait jamais vu ça en action. Elle se demanda si cette surcharge, si peu de temps après qu'elle l'ait lâché, ne lui était pas destinée. Non, jamais il ne se serait permis de lui faire du mal. Il fallait vraiment qu'elle le ramène à lui-même.
Elle ignora ce qu'il dit, encore des méchancetés qu'elle ne voulait pas entendre.

*Tu ne m'appartiens pas, mais apparemment ça ne te déranges pas d'appartenir à des connards qui t'ont fait tant de mal...*

L'enfant-rat alla se rhabiller, et Neko fit de même.

-Tu vois une femme ? demanda-t-elle en reboutonnant son jean. Pas la peine de mentir, il y a une odeur de femme sur toi.

Avec le physique de Vermine (bien qu'elle-même le trouve beau), il était peu probable que ce soit une amoureuse, ou même une simple prostituée comme il l'avait déjà laissé entendre. Non, l'explication la plus crédible était encore que Vermine était effectivement sous l'emprise de ses ravisseurs, et que cette femme en faisait partie.

-C’est possible, répondit Ernest.

Il savait le sujet sensible. Alors il se fit un devoir de l’aborder avec son insupportable légèreté. Ceci dit, il répondit quand même, en sachant pertinemment qu’il donnait ainsi à Neko une information loin d’être négligeable. Il avait pesé le pour et le contre et avait décidé en toute connaissance de cause. Et il ne s’arrêta pas là. Il enfonça le clou. Alors qu’il réajustait son t-shirt dont les coutures avaient quelque peu souffert de la lute, il reprit.

-Ce doux parfum de Jasmin est si enivrant, n’est pas ? Elle aime la nature. Elle aime la « verdure ».

Il insista curieusement sur ce dernier mot. La féline allait-elle faire le rapprochement entre cette mystérieuse femme et la couleur verte de la tenue d’Ernest ? Si c’était le cas, elle commencerait à prendre la mesure de l’influence de Cérès sur l’enfant-rat.

Le jeune mutant n’insista pas plus que ça. Il était allé assez loin. Il posa sur lui-même un œil critique. A présent habillé, il ressemblait à un sac à patates. Ce n’était pas super. Mais il ferait avec.

-Bon, et bien, peut-être à la prochaine, lança-t-il. Qui sait, tu auras certainement l’occasion de me violer encore une fois. Tu sais, j’aime bien quand tu me frappe.

Et il rit. Neko avait-elle remarqué que son amour était un peu maso sur les bords ? Elle pouvait ainsi mieux comprendre le plan du rat qui venait d’être exécuté ce soir. En attendant, le gamin prenait la direction de la sortie du hangar.

Non seulement il ne cherchait pas à se justifier, mais en plus il en remettait une couche. Elle aimait la verdure, hein ?

-Quoi ? C'est elle qui t'as forcé à t'habiller en haricot vert ?

Vermine s'en alla en rigolant. Mais il était con ou quoi ? Furieuse, Neko fouilla dans son sac et en sortit un ananas. Elle le lança de toutes ses forces en direction de Vermine, et fit mouche. BUNK, le gros fruit atterit directement sur la tête de l'enfant-rat, l'interceptant net à la sortie de l'entrepôt. C'était un geste assez puéril, mais pouvoir assommer le faux Vermine avec un ananas aida au moins Neko à évacuer un peu sa colère. Et puis elle avait encore à lui parler avant qu'il ne parte.

-Tu ne vas quand même pas retourner chez cette sorcière ! C'est sûrement elle qui t'as lavé le cerveau ! Moi qui suis ta petite amie de façon avérée tu te méfies de moi, mais par contre tu n'as aucun mal à te jeter dans les bras de la première pute venue. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond, chez toi ?!

-Hé ! Vas-y molo minou ou je vais me fâcher pour de vrai, fit Vermine, toujours avec calme et c’était là le plus incroyable, après s’être reçu l’ananas.

Il ne s’y attendait pas et il hésita un instant à répliquer. Mais il s’abstint. Au lieu de cela, il se frotta la tête d’une main, car il avait quand même eu un peu mal, puis il récupéra le fruit, le plaçant sous son bras.

-Enfin, je prendrais ça pour un cadeau. J’avais un petit creux, cela tombe bien.

Il dégaina un sourire moqueur parfaitement détestable, avant de poursuivre sur sa lancée.

-Et en ce qui concerne tes insultes, j’ai la vive impression qu’il s’agit là de l’expression de la jalousie. Je devrais certainement me sentir flatté d’être autant désiré. Ceci dit, ce n’est pas en agissant de la sorte que tu arriveras à quoi que ce soit. La colère est également un vœu d’impuissance. Si tu veux que je sois de nouveau ton petit ami, il va falloir le mériter. Ce soir, tu as marqué quelques points, tu en as perdu aussi. On verra ce que donnera ta prochaine prestation. Sur ce, minou, je te laisse. Et ne t’avise pas de me suivre.

Et il disparu.

HRP : dernier post pour moi.