Les rues, ecrans géants publicitaires FLASH SPECIAL (libre)

- Bon alors récapitulons, déclara Mélo en se retournant au beau milieu de la rue pour continuer à marcher en arrière, il nous faut deux ou trois appartements dans le même immeuble, qui soient à la vente et non à la location, aussi confortable, moderne et luxueux que ce que nous avons à la Nouvelle-Orléans... A Manhattan de préférence.
- C'est à peu de choses près ce que nous recherchons oui, confirma Lilian.
- Bon à la limite, je peux continuer à m'arranger en coloc' avec Iphigénie comme on le fait déjà...
Il se tourna vers une adolescente de seize ans aux cheveux teints en bleus et dont le corps était légèrement transparent.
- ça m'ira très bien, pas la peine de vous embêter pour moi..., souffla-t-elle.
- Oui bon... Est-ce que tu visualises quand même le caractère complètement irréaliste du projet Lilian ? On est à New-York, on ne trouvera jamais deux, même trois, appartements de première classe sur le même palier. Et même si j'utilisais mon pouvoir pour virer les occupants... Oh mince, regardez ce truc !
Il pointa un doigt derrière leurs épaules, là où toute l'attention de la foule convergeait soudain. Des images sanglantes étaient apparues sur le grand écran d'un building. Iphigénie posa une main choquée sur sa bouche et Lilian essaya de porter son attention sur le commentaire du journaliste. L'information était assez troublante pour jeter un étrange silence dans le quartier. D'un coup, tout s'immobilisa. Mais le silence ne dura pas. Le massacre concernait les mutants et nombreux furent ceux qui jugèrent, à la seule écoute de ce mot, que l'affaire ne les concernait pas. En effet, les humains n'étaient pas visés par cette provocation. On avait de plus éliminé un groupuscule extrémiste poursuivi par le B.A.M. Il était donc aisé de se dire que les individus touchés l'avaient mérité. Seulement, un homme, un certain Stryker, se réclamait l'auteur de ces crimes. Le petit règlement de comptes prenait dès lors une toute autre envergure. Ce qu'il voulait ? Il l'annonçait clairement, sans la moindre subtilité, l'extermination pure et simple des mutants au nom de Dieu, semblait-il.
- Oh génial ! Un fanatique qui s'est donné pour mission d’évangéliser le monde, ironisa Mélo sans émotion.
- Et c'est parti pour une nouvelle chasse aux sorcières... Soupira Lilian.
- N'empêche que si je meurs en martyr sur la croix comme ces pauvres gars, j'espère quand même être canonisé...
- Sanctus Dominus, Deus Sabaoth, pleni sunt caeli et terra gloria tua...
- J'ai rien compris mais amen.
- Dites vous deux, les interrompit Iphigénie, comment vous pouvez prendre la nouvelle sur un ton aussi léger. Ça a l'air grave ce qui se passe non ? Vous avez pas l'impression qu'on pourrait peut-être bien être en danger ?
- Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augures, je dirais que c'est une possibilité oui, répondit Lilian d'une voix terne.

Il ne s'était jamais vraiment mêlé des conflits entre humains et mutants même si un article récemment publié dans sa revue contre un journaliste conservateur faisant polémique sur la place des détenteurs du gène x dans les musées lui avait valu quelques soupçons. S'il fallait lutter contre de Stryker, ce n'était ni à lui, ni à Mélo de le faire. Il avait une vie tranquille, à l'abri des regards indiscrets, à poursuivre. Son compagnon traduisit d'ailleurs très bien sa pensée à ce sujet :
- C'est moche, mais de toute façon, les types de Magneto vont forcément faire un truc pour le calmer non ? Je ne vois pas pourquoi on s’inquiéterait, tout le monde nous a toujours considéré comme des humains.
- Parlez pour vous ! S'exclama-t-elle.
- Ouais bon... Au pire, tu peux essayer de te faire passer pour un hologramme !
- Je n'ai absolument pas envie de rire Paul-Alexandre...
- Mais comment tu oses... Liliaaaaaaan !! – Il s'appuya brusquement sur son épaule. - Elle m'a appelé par mon ignoble prénom, mon cerveau va exploser !
Lilian le repoussa avec un agacement non dissimulé. Ce genre de gamineries le lassaient très vite et il sentait que, si ses deux comparses continuaient sur cette voie, le point de saturation serait très rapidement atteint. Heureusement, l'arrivée d'une seconde jeune femme, de leur âge cette fois, mit un terme à la chamaillerie. Délia était d'une beauté à couper le souffle ou, plutôt, à glacer le sang. Il y avait au fond de ses prunelles d'émeraude un il-ne-savait-quoi de maléfique qui était terriblement attirant. Une superbe chevelure cuivrée encadrait un visage d'ivoire aux os fragiles. Il s'agissait peut-être de la seule femme qu'il n'avait jamais vraiment quittée, sans doute parce qu'ils n'étaient jamais vraiment ensemble. Que pensait-elle de cette situation ? Il n'en savait rien, ils n'en parlaient pas et il la revoyait pour la première fois depuis six mois, ce qui était un délai raisonnable. Ils avaient déjà passé une année entière sans se donner l'ombre d'une nouvelle. Le plus dérangeant, lorsqu'il y pensait, c'était qu'il ne lui avait jamais connu d'autre relation. Il avait rapidement réglé le problème en supposant qu'elle était trop secrète, trop pudique pour évoquer ce genre de choses, mais qu'une femme aussi séduisante qu'elle ne devait pas se refuser aux aventures nocturnes mais, parfois, un doute le saisissait. Sous les apparences sulfureuses, Délia était véritablement froide, et Lilian avait davantage d'estime que d'amour pour elle. Ils étaient de la même espèce, quoiqu'elle ait creusé les ténèbres beaucoup plus profondément que lui.
- Délia ?? - Mélo ne pouvait cacher sa surprise de la voir. - Depuis quand as-tu des rencarts avec Lilian au milieu de la rue ?
- Depuis qu'il m'a donné pour mission de vous aider à trouver un immeuble, et bonjour soit dit en passant.
- C'est bon, c'est bon, je plaisantais tout à l'heure quand je disais que même avec mon pouvoir je ne pouvais pas y arriver, je vais le faire, pas la peine de l'engager Elle..., marmonna-t-il boudeur.
Lilian eut un rire très bref.
- Ta place ne craint rien Mélo, tu es un associé tout à fait irremplaçable. Néanmoins, j'aimerais mettre toutes les chances de notre côté s'il faut expulser un ou deux locataires. Nous ne pouvons pas toujours procéder de la même façon. Toi, je te réserve pour les discussions avec les agences. Délia, je te présente Iphigénie, une mutante capable de téléporter ce qu'elle veut où elle le souhaite...
- Pour un petit remake de maison hantée ? Je vois..., murmura-t-elle. Il y a de quoi bien s'amuser. Ravie de travailler avec toi Iphigénie. Moi, je suis comme la reine d'une vaste fourmilière... Tu as déjà entendu parler de ces insectes qui pondent des œufs sous la peau ? Eh bien... - Elle ouvrit une paume devant l'adolescente. Une cloque s'y forma et un cafard la creva en s'en extirpant. - J'en ai toute une réserve. Tu peux m'appeler Deadlyswarm.
- T'ai-je déjà dit que je trouvais Délia absolument charmante Lilian ? Lança Mélo en apparté.
Bien, maintenant que les présentations sont faites, ne perdons plus un instant, déclara ce dernier en reprenant son chemin.
Il ne restait déjà plus personne devant l'écran, mis à part quelques groupes encore tremblants qui étaient sûrement composés de mutants. Iphigénie essaya de leur sourire, mais les autres ne leur accordèrent pas la moindre attention. L'information avait déjà intégré la catégorie « faits divers » dans l'esprit de Lilian. Il s'y intéresserait peut-être plus tard, si la situation venait à changer pour lui ou ses proches.