[PLAN NERON] La loi des hommes contre la loi de dieu

Dernière édition par Aline Hortz le Dim 29 Jan 2012 - 19:34, édité 2 fois

La voiture de patrouille 03 du NYPD roulait à une allure tranquille dans les rues du centre-ville. L'agent Hortz regardait défiler les rues, accoudée contre la portière passager avant, mâchouillant nonchalamment un stylobille usé. Bernard, son coéquipier, conduisait souplement. Il se disait que ce serait encore une journée tranquille, et pensait au bracelet qu'il avait vu dans l'étalage d'une bijouterie et qu'il envisageait d'aller acheter à la fin de son service nocturne pour l'offrir à sa femme. Aline, elle était concentrée sur tout autre chose. Toutes les 20 secondes, elle louchait vers le rétroviseur pour surveiller l'agent du BAM qui se tenait sur la banquette arrière. Cette nuit-là, les deux policiers avaient eu comme mission d'escorter et de soutenir un agent des affaires mutantes dans l'interpellation d'un suspect mutant. Aline n'aimait pas les Bameux. Elle les voyait comme des gens louches, un peu pervers et un peu sadiques sur les bords, comme les agents fédéraux dans les films.
Cependant, la femme qui se tenait à l'arrière du véhicule ne ressemblait pas au stéréotype de l'agent Smith. Elle n'avait même pas l'air très sûre d'elle pour un agent fédéral. Ce devait être une nouvelle recrue. Mais malgré ça, Aline se sentait nerveuse de l'avoir derrière elle. Les agents du BAM étaient les plus à même de deviner qu'elle était une mutante, et ne manqueraient alors pas l'occasion de le mentionner à leur hiérarchie, réduisant à néant la carrière policière de la jeune lycanthrope.
Elle ne quittait pas des yeux l'agent Strauss (si c'était bien son vrai nom). Était-ce aussi une mutante ? Sans doute. Ça augmentait encore les risques d'être percée à jour. Aline allait devoir être sacrément prudente.
Le groupe revenait donc de sa mission, bredouille. Le suspect avait été prévenu, et les policiers n'avaient trouvé qu'un appartement vide. Bien sûr, ce n'était pas fini. Il y aurait une enquête, et tout, et tout, mais au moins ce n'était plus du ressort de Hortz et de son collègue. Deux heures du matin, ils allaient pouvoir rentrer au commissariat, larguer cette pimbêche et rentrer chez eux. Du moins...c'est ce qui était prévu.
La voiture était à mi-chemin quand la radio grésilla :

-Appel à toutes les unités en circulation ! On nous signale une attaque terroriste dans Mutant Town. Les suspects seraient lourdement armés. On prévoit une équipe du SWAT, mais tous les véhicules de services en stationnement on été sabotés. Je répète...

L'appel était assez inhabituel. Les deux policiers échangèrent un regard, puis Aline décrocha.

-Ici voiture 03, Vous pouvez nous en dire plus ?
-Plusieurs suspects ont encerclé le quartier, plusieurs foyers d'incendie se sont déclarés. Les pompiers ont eu le même tour que nous avec leurs véhicules, et en attendant les incendiaires abattent tous les mutants.

Aline fronça les sourcils. Elle avait vu comme tant d'autres la déclaration de ce prêtre fou, Stryker. La vidéo passée aux informations sur la télé de la salle de pause avait déclenché des vives réactions dans tout le commissariat. Il y avait pas mal d'anti-mutants dans la police, mais un bon nombre n'approuvaient pas non plus de telles méthodes. Et quand bien même, il était de leur devoir d'arrêter ça !

-Ok, central, on y va.

Enfin un peu d'action ! Bernard alluma le gyrophare et mit les gaz. La voiture de police fit un demi-tour brutal en pleine avenue, et fonça toutes sirènes mugissantes vers Mutant Town.

-Désolée, mais on n'aura pas le temps de vous déposer au poste. dit Aline à l'agent du BAM. Toutes les unités en circulation, ça veut dire qu'on doit aussi y aller. Vous allez pouvoir nous donner un coup de main, ce sera l'occasion de vous rendre enfin utile.

Oui, c'était un peu mesquin, mais elle était trop heureuse de pouvoir secouer un peu une bureaucrate du BAM.

-Vous êtes armée, au moins ?

Si c'était une mutante, elle avait bien ses pouvoirs. Mais dans la police on faisait plus confiance au pouvoir des armes à feu. Bizarrement, elle n'imaginait pas cette demoiselle tirer avec un flingue.

En approchant de la zone, ils virent la fumée noire qui s'élevait dans le ciel. Ça, ce n'était jamais bon signe. Enfin, la voiture déboula de Houston Avenue directement devant le cordon d'hommes en noir qui, avec leurs armes de guerre, empêchaient les gens de sortir comme de rentrer. La patrouilleuse dérapa en crissement des pneus et s'arrêta dans un dernier hurlement de sirène, positionnée perpendiculairement aux terroristes.
Pas le temps de prendre les fusils à pompe et les gilets dans le coffre, ça aurait été s'exposer dangereusement. Les hommes, avec leurs longs manteaux noirs, brandissaient fusils d'assaut, fusils à pompes, mitraillettes et lance-flammes. Il valait mieux être prêts le plus vite possible à leur faire face. Aline s'abrita derrière le capot de la voiture, son Beretta pointé vers les fous. Bernard prit le mégaphone et tenta de s'adresser à eux.

-POLICE ! Déposez vous armes et levez les mains en l'air !

Bien sûr, il était illusoire de penser que des gens aussi lourdement armés se rendraient sans discuter si un policier le leur demandait. Mais maintenant qu'ils avaient fait une sommation, Aline et Bernard pouvaient tirer sur les terroristes si ceux-ci refusaient de se rendre. Et la réponse ne se fit pas attendre. Aussitôt, une décharge de chevrotine déchira l'aile avant-droite de la voiture.

-Merde ! Ma Titine ! Mais c'est qu'ils me l'ont abîmée, ces nez-de-boeuf !

Aline riposta immédiatement en tirant avec son pistolet. Deux purificateurs tombèrent, morts ou blessés, mais les autres s'organisèrent en formation de combat. Aussitôt le plomb se mit à voler dans tous les sens. Aline était la meilleure tireuse de son commissariat, mais dans le feu de l'action, avec tout le bruit et les balles qui volaient dans sa direction, elle avait plus de mal à atteindre sa cible que sur le stand de tir. Elle réussit quand même à abattre encore quelques adversaires, mais ils étaient trop nombreux. Essayer de les arrêter à deux était comme essayer de torcher un éléphant avec un confetti.

*Et qu'est-ce qu'elle fout, la miss Affaires Mutantes ?!*

Jeudi 12 Janvier – l’heure n’importe plus…

Comment en était-on arrivé là ?

C’était la seule question qui oppressait l’esprit d’Amy de Lauro en cet instant précis. La déclaration du Révèrent Stryker avait résonné sur toutes les télévisions et les radios le jour précédent. Cependant, jamais Nephilim n’aurait pensé que ce fanatique et ses suivants aient put aller aussi loin.

Sortir de l’Institut par ces temps troublés n’avait pourtant pas parut si stupide que cela à Amy. Elle avait été invitée par une amie, la seule, de son cours de Psychologie, Séléna Royce, une mutante capable de radiesthésie, à la pendaison de crémaillère de son nouvel appartement, dans Mutant Town. Après une journée normale, comprenant plus d’un tiers du temps de photosynthèse, Amy s’y était rendue pour la soirée, vêtue d’un jean, d’un t-shirt vert et d’une veste en denim, une tenue banale et discrète qui convenait parfaitement à la jeune femme aux traits juvéniles.

Nephilim avait déjà entendue parler de ce quartier mutant par une autre élève de l’Institut, Elizabeth Joggs, et savait que celui-ci était situé dans le quartier d’Alphabet City, rebaptisé depuis Mutant Town. C’était un endroit pauvre, très pauvre, surtout comparé aux critères de Manhattan, les habitations étant dégradées et très probablement plus aux normes de sécurité. Malgré cet avertissement des plus explicites, la mutante gamma avait suivie sa camarade de classe jusqu’à chez elle.

A son grand soulagement, la réunion de Royce n’avait pas incluse trop de personne, seulement trois autres jeunes gens : des faux jumeaux de sexe différents et une cousine de cette dernière. Cela avait permis à l’italienne de ne pas trop souffrir de sa timidité. La soirée avait, comme prévue, durée dans la nuit, et si les autres s’étaient décidés à repartir vers les minuits et demi, Amy, faute de moyen de transport, avait été invitée à rester dormir.

Cependant, la nuit avait été de courte durée. Les fous de Stryker n’avaient pas l’intention de s’arrêter à quelques monuments macabres. Le premier indice avait été des flammes, au loin, les cris des passants comme des habitants alentours ayant ramené Nephilim à la conscience. Elle n’avait jamais eut le sommeil lourd, et voyant l’agitation depuis la fenêtre de l’appartement de son amie, l’italienne était descendue voir. Plus par stupidité que par courage, la curiosité en refond de la première, Nephilim avait commencé à se diriger vers le lieu du drame. Un incendie, avait songé Amy en voyant les flammes ; peut-être un mutant Pyrokinésiste incapable de contrôler ses pouvoirs. Peu après cependant, d’autres langues de feu avaient léchées d’autres immeubles, et la panique c’était emparée des habitants de Mutants Town. Ils étaient là : les Purificateurs assaillaient Alphabet City !

Prise de panique à l’instar des autres citoyens, Nephilim avait courut dans la direction opposée de l’agression.

Les flammes s’étaient vite répandues, tandis que des tirs et des hurlements avaient commencé à résonner entre les immeubles ; le tout donnait un caractère apocalyptique au décor. Toussant dans sa course en travers d’une ruelle, Amy de Lauro avait déployée ses membranes nictitantes, pour protéger ses yeux de l’agressive fumée, transformant ses yeux en deux émeraudes lisses. Caractéristique mutante parfaitement reconnaissable.

Courant vers le sud, d’où elle était venue, Nephilim descendit l’avenue jusqu’à ce qu’au loin, cris et tirs s’intensifient, et soient complété par une odeur de chair brûler. En cette nuit, l’Enfer s’invitait sur Terre au nom de Dieu.

Les Purificateurs ouvraient le feu sur les passants, un certain nombre déjà allongé sur le sol. Malgré que derrière ses membranes, Amy voyait le monde en nuance de vert, le sang était toujours aussi reconnaissable, de même que la violence des hommes. Des tirs passèrent dans sa direction, la mutante entreprenant une course base, par reflexe face au danger, et tournant vers la rue la plus proche. S’il n’y avait eut ses membranes, Nephilim savait que les larmes auraient déferlées sur son visage ; elle avait peur, elle était affolée, et courrait, les mains plaquées sur les oreilles.

Son souffle était court et si elle avait eut le cœur à y penser, elle aurait remerciée Jubilee pour l’avoir motivée à faire du sport. Cependant, la seule chose qui importait était de trouver un endroit sure ; une cachette, dont la sécurité relative lui permettrait d’échapper aux monstres lâchés sur eux en ce jour.

Ils se prétendaient croisés de Dieu ; ils se croyaient investis d’une mission ; des meurtriers et des fanatiques. Des fous.

Traversant la rue E2 sans ralentir le rythme, l’instinct de survie étant plus fort que la fatigue, Nephilim déboucha sur l’une des intersections menant à Houston Street. Dès qu’elle sortie de la relative sécurité de la rue pour pénétrer dans le carrefour d’avenues, les tirs revinrent au premier plan. De même qu’une sirène de police.

Au milieu des flammes de la haine, celles de l’espoir venaient de naitre en Amy ; cependant, une pluie mortelle les balaya dès que le champ de vision de la mutante lui permit d’apercevoir la scène. Un cordon d’homme en noir, mais pas du genre gouvernementaux, bloquait la sortie, ouvrant le feu avec un arsenal de guerre. En face d’eux, il y avait une voiture de police, gyrophares allumés et sirènes hurlantes, ou plutôt ce qui restait de l’engin, puisque les barbares déversaient haine et munitions à l’encontre des agents de l’ordre. Arrivant dans le dos des Purificateurs, Amy ne fut pas repérée de suite, ce qui lui permit d’avoir le reflexe de trouver refuge à l’abri des regards, derrière un simple conteneur à ordure.

Appuyant de plus belle sur ses oreilles et fermant les yeux de terreur, Nephilim se recroquevilla derrière sa cachette sommaire ; la violence de la guerre lui donnait la nausée, et l’affolement des haut-le-cœur.

A travers le tumulte qui résonnait dans cette porte de l’Enfer, Amy de Lauro appela de tous ses vœux le Seigneur à son aide.

Cela faisait un mois et quelques jours qu'Abey avait été intégrée au BAM. Plutôt bien d'ailleurs, sa discrétion étant appréciée. En terrain inconnu, la mutante n'ouvrait la bouche que rarement, quand on lui demandait son avis, mais celui-ci était rarement stupide.
Quand son supérieur, faisant un peu office de tuteur (Abey n'avait pas été surprise de constater qu'au sein du BAM, il se trouvait autant de gens sympathiques que d'abrutis finis. Dieu merci, son cadre appartenait à la première catégorie.) Bref, quand ce dernier lui offrit la possibilité d'une patrouille à Mutant Town sans son équipe habituelle, la blonde ne se tint plus de joie. Une mission solo, enfin ! C'était bon signe. L'ordre de mission la fit ô combien déchanter. Il fallait accompagner des agents de police. Blague ? Test ? Son tuteur mit fin à son questionnement intérieur. Il fallait qu'Abey comprenne aussi le climat et le fonctionnement de cette entité avec qui il fallait jongler. De fait, il n'avait pas de conseil spécifique à lui fournir, hormis de ne pas se dévoiler.

Abey était allée à la rencontre de … Aline Hortz et son coéquipier un Bernard quelque chose. Pas douée pour retenir les noms qui ne l'intéressent pas la Strauss. Elle se voulut polie, mais c'est l'aspect distant qui prévalut toute la journée, agrandissant toujours le fossé entre elle et ses deux compagnons du jour. La mutante ne s'en formalisait pas. C'étaient de simples flics, et demain elle les aurait oubliés. Pour autant, elle sentait clairement un peu de mépris à son égard, quand elle imaginait plus de … crainte ? En tout cas d'attention, venant de policiers envers un représentant du Bureau des Affaires Mutantes. Tout se perd...

Tant pis. La journée avait été assez pesante, mais Abey connaissait encore mal Mutant Town, et son observation lui procura suffisamment de satisfaction pour ne pas considérer sa journée comme perdue. Celle-ci touchait d'ailleurs à sa fin, quand résonna à la radio un appel pour les deux policiers. « Appel à toutes les unités... » Hé mais ho, est-ce qu'elle était concernée ? A l'évocation de mutants aggressés mortellement, Abey sentit son sang se glacer. Elle allait se trouver au centre de la violence décrite dans les médias ces derniers jours, qui avait tant affolée sa mère... Elle songea rapidement qu'elle ne pourrait avoir recours à son pouvoir. L'agent du BAM qu'elle était ne devait pas se dévoiler.

Bon, Aline Hortz la mit au parfum ; elle était de la partie. Abey ne réagit pas, se contentant de la toiser avec indifférence quand elle évoqua son éventuelle utilité. Ce que pouvait penser la jeune femme était bien le cadet de ses soucis à l'heure actuelle, et en plus, elle n'avait pas tort... Comment allait-elle réagir dans ce conflit, c'était une bonne question. En sentant battre son cœur encore plus vite à fur à mesure que ledit Bernard accélérait, elle avait même l'impression de rajeunir. Elle allait arriver là bas avec le courage d'une fillette de dix ans, à coup sûr. Elle essaya de se souvenir des interventions les plus dangereuses qu'elle avait pu faire à Toronto, mais rien à faire, le rapport paraissait infaisable.

_ Vous êtes armée au moins ? Hé mais elle devenait chiante ! Du coup, sa peur diminua un chouïa. Sa main droite se posa sur l'objet en question. Elle ne s'en était pas encore servi, et c'était tant mieux, ce n'est pas dans cet optique qu'elle avait rejoint le BAM...

Ils se garèrent non loin des extrémistes, qu'Abey reconnut avec plus de facilité qu'elle ne l'aurait pensé, bien plus habituée aux menaces invisibles. Faut dire, difficile de les louper... D'un même élan, Aline et son partenaire dégagèrent de la voiture, et Abey les imita, sortit comme eux son arme et se tint prête. Elle pensait tirer de façon à ne pas tuer. Une jambe, un bras.... Les éparpiller pour stopper le danger, mais pouvoir au moins en chopper quelques uns. Une rafale de tirs répondit à l'ordre de sommation de l'agent Hortz, mais Abey eut un blocage. Elle vit une jeune fille arriver vers eux, et se cacher derrière un conteneur à ordure pour éviter les balles.

"MERDE !" Le cri partit tout seul. C'était le premier mot depuis des heures, et elle enchaina mentalement sur bien pire. Son beau cerveau bien entrainé d'agent de la sécurité puis d'agent du BAM, de New York s'il vous plait, avait cessé d'être logique, perdu toute discipline. Il cherchait une solution pour aller aider cette fille, plus rien d'autre ne comptait. En plus, si elle atteignait la poubelle, elle pourrait tirer d'un autre endroit, et décharger les policiers. Elle baissa légèrement son arme, quand l'idée que se retrouver nue devant la demoiselle en détresse allait poser problème et les mettre en danger toutes les deux.
Alors son esprit entraîné à la sécurité reprit le dessus. C'était très certainement une mutante. Si elle usait de son pouvoir pour l'aider, se mettait elle en risque pour une mutante, c'était la bourde assurée.

Et merde !

_ Y a une civile en danger à 13h ! Cria t-elle aux deux autres pour couvrir le tumulte. Après tout, c'étaient eux les policiers. Mais il ne devaient pas être si bêtes, eux aussi se douteraient que la jeune en perdition avaient des gènes anormaux. Alors, les amateurs de donuts risqueraient-ils leur peau pour leur devoir ?
Abey tira dans la cuisse, après un premier tir raté, d'un homme s'approchant dangereusement de la cachette de la jeune planquée. Elle lui en replanta un dans le bras, pour être sûre. Et commença à viser un autre, qui s'était un peu dégagé, et portait un lance-flamme.

_Si l'un de vous y va j'le couvre. Elle avait parlé un peu plus posément, en tirant avec adresse sur le porteur du lance flamme, et le toucha dans les hanches, ce qui le fit choir instantanément. Elle était sérieuse, d'autant plus que malgré elle naissait la certitude que quoique ces deux là décident, elle ne laisserait pas la petite là bas sans aide.

La bameuse ne s'en tirait pas trop mal, avec son arme de poing. Mais Aline sentait bien qu'elle ne tirait pas pour tuer, et c'était handicapant dans une situation comme celle-là. Elle-même avait déjà sauté le pas. Elle avait déjà tué alors que la situation l'exigeait. Et puis pour elle ces types-là méritaient de mourir, et pas seulement parce qu'elle était elle-même une mutante, mais parce qu'ils étaient en bonne place sur la liste des ordures à éliminer pour rendre le monde plus sûr. Un autre terroriste s'écroula, le sixième tué par la main d'Aline. Ils étaient nombreux, bien organisés et endoctrinés jusqu'aux yeux, mais manquaient d'entrainement.

-Y'a une civile en danger à 13h ! Si l'un de vous y va j'le couvre.

Aline l'avait vue aussi. Une jeune femme frêle, planquée juste derrière les lignes ennemies. Sa position n'était pas mauvaise, si elle aurait voulu elle aurait pu attaquer les terroristes et les prendre par surprise. Mais elle n'avait pas l'air d'une combattante aguerrie.

-J'y vais ! Attendez deux secondes.

Elle rampa jusqu'à l'arrière de la voiture et ouvrit le coffre en se cachant autant que possible. Elle tendit le bras, et attrapa un des deux gilets pare-balles marqués "POLICE". Il y avait aussi un fusil à pompe Ithaca M37, mais elle préféra le laisser à son coéquipier. Elle était plus à l'aise avec les armes de poing, plus précises à longue distance. Enfilant le gilet, elle exposa son plan à ses deux compagnons.

-Bernard, tu restes là et tu continues à tirer. En cas de besoin, tu prends le fusil à pompe. Strauss, vous allez vous planquer derrière cette voiture (elle montra un break Ford garé à quelques mètres de la patrouilleuse), comme ça ils seront obligés et diviser leurs tirs entre vos deux positions. Dès que vous êtes prêts, je tape un sprint jusqu'à la civile.

Ça avait l'air de rentrer. Bernard avait plus d'ancienneté qu'Aline et techniquement ils avaient le même grade, mais il avait pris l'habitude de suivre ses instructions pendant l'action.

-Bon, ok. GO !

Le dispositif mis en place, Aline passa par dessus le capot de la voiture de patrouille (ou ce qu'il en restait), et courut jusqu'à la poubelle. Le plomb vola, mais les "purificateurs" ne savaient trop où donner de la tête, devant tirer à la vois sur Aline, Bernard et Strauss. En courant, Aline sentait l'adrénaline lui monter. Non, il ne fallait pas qu'elle se transforme, pas devant témoins, et surtout pas devant l'agent du BAM. Cela dit, sa forme de loup-garou lui aurait été bien utile.
Une balle la frappa au niveau des reins, la jetant à terre. Le gilet remplit parfaitement son rôle en arrêtant le projectile, mais elle eut tout de même le souffle coupé. Se reprenant, elle parcourut en rampant les derniers mètres qui la séparaient de la benne.

-Pfff...servir...et protéger... haleta-t-elle en s'affalant à côté de la civile.

Elle remarqua ses yeux, étrangement verts. Après tout, c'était un quartier mutant. Reprenant son souffle, la policière retira son gilet et le tendit à la jeune fille. La sécurité du citoyen passait avant celle du policier. Puis elle se repositionna sur le côté de la benne et se remit à tirer. Maintenant, ils allaient pouvoir attaquer les "purificateurs" sur deux fronts.

-Y'a une civile en danger à 13h ! Si l'un de vous y va j'le couvre,

Malgré qu’elle eut ses mains sur ses oreilles, Amy put entendre cette voix féminine ; sa première réflexion fut que le Seigneur avait répondu à son appel, et que les agents de l’ordre allaient la sauver. Cependant, s’ils n’agissaient pas rapidement, les policiers n’auraient fait que donner sa position aux Purificateurs.

Cette idée terrorisa Nephilim, qui se recroquevilla encore plus. Son destin se jouerait dans les prochains instants, alors que le hurlement des sirènes, l’aboiement des canons et le tintement des douilles résonnaient dans l’univers, balafrant le monde comme les âmes.

Cependant, comme dans toute tempête, venait un temps où il y avait une accalmie : les armes des hommes avaient besoin d’être rechargée, elles aussi. Ainsi, après quelques secondes supplémentaires d’enfer, il y eut un bref moment de calme ; puis tout recommença. Mais ce moment de calme s’était avéré salutaire : haletante, une personne vint à sa rencontre, rampant au sol.

-Pfff...servir...et protéger...

Ouvrant les yeux le visage déformé par la peur, l’italienne regarda le visage de l’ange qui lui avait été envoyée : peau blanche, visage en cœur, yeux bleus et cheveux blond et courts, avec un corps athlétique et un uniforme de la NYPD sous un gilet pare-balles. A son côté derrière la poubelle, alors que les tirs commençaient également à venir dans leur direction, la policière s’appéta à reprendre le combat, non s’en s’être dévêtue de son gilet pour le tendre à Amy.

Restant complètement figée face au présent de la policière, Amy la regarda de ses yeux émeraudes. Sans attendre sa réaction, l’autre se remit à tirer sur les Purificateurs. Elle avait traversée la ligne de front pour lui venir en aide, et était maintenant prise au piège dans le ghetto et les flammes qui se rapprochaient ; enfin, elle tendait la seule protection qui pouvait la maintenir en vie à une personne qui lui était parfaitement inconnue et qui plus est, inutile dans ce combat.

De l’héroïsme ; c’était cela, aux yeux de l’italienne. De l’héroïsme pur. Cependant, Amy était trop terroriser pour réagir, le gilet reposant au sol près d’elle, alors que les balles filaient vers la poubelle comme à travers. Avoir quitté le couvert d’une voiture de police pour celui d’un conteneur à ordure n’était tactiquement pas la meilleure solution. Téméraire, courageux, mais comme cela allait souvent de pair, fou et presque stupide. Cela démontrait cependant que l’agent de police était près à tout pour protéger, comme elle l’avait dit elle-même.

Inspirant profondément pour tenter de se calmer, de reprendre le contrôle, Nephilim s’inspira de l’exemple donné par la gardienne de l’ordre à ses côtés. L’autre risquait sa vie pour elle, la mutante devait donc l’aider.

« Aide-toi, le ciel t’aidera », avait dit Jean de La Fontaine. Le ciel était venu à son secours, et désormais, c’était à elle de faire pencher la balance.

Mais comment faire ? Nephilim n’avait ni les qualités, ni les capacités nécessaire à un tel combat. On avait dit d’elle qu’elle était courageuse mais pas téméraire, se qui signifiait qu’elle avait du courage, mais faisait tout pour éviter d’être dans une situation où il devrait se manifester. Que cela fut vrai ou non, elle serait fixée en cet instant.

Serrant les poings, la foi lui redonnant courage, Amy se saisit du gilet de protection. Bien que derrière ses membranes nictitantes, son regard était impossible à percevoir, le reste de son visage était le témoin de sa résolution.

- Il sera plus utile sur vous que sur moi,

Une rafale de projectiles s’abattit sur la poubelle, commençant à la déchiqueter aussi surement qu’elle l’avait fait pour la voiture, et bien plus rapidement. Amy eut le réflexe de se protéger de ses bras, mais ne fut pas touchée. Cependant, sa révolution vacilla.

- Il faut dégager de là, sinon on va finir en pièce !

Amy s’apprêtait à suivre la policière, espérant que son courage lui permettrait de ne pas flancher. Dieu avait un plan pour l’univers, pour chaque être qui l’habitait, et en ce jour, Nephilim ne voulait pas le décevoir, elle n’abandonnerait pas : elle n’avait pas le droit. Pour cette policière qui risquait sa vie pour elle, Nephilim devait se montrer brave. Pour ses amis, sa famille qu’elle n’avait pas connue ; pour tous ceux qu’elle ne pourrait pas aider si elle était trop faible.

Cependant, cette volonté ne l’empêchait pas de trembler d’effroi.

Abey avait été surprise de la rapidité de réaction de sa partenaire. Elle la vit du coin de l'oeil réussir à rejoindre la jeune fille, et plus ou moins inconsciemment cet événement annihila l'amertume qu'elle avait pu nourrir envers la policière depuis la fin de journée. Elle continuait à tirer, mais se retrouva vite à cours de munitions. Un regard à Bernard lui apprit qu'il ne pouvait rien pour elle. Cette seconde d'inattention faillit leur coûter bien cher quand ils sursautèrent ensemble au bruit aussi strident qu'effrayant d'une rafale de balles contre le métal de la carrosserie du capot. Un nouveau groupe de Purificateurs venait de surgir d'on ne sait où, et s'avançait avec confiance en diagonale vers eux, menaçant de les prendre par le flanc. Ils avaient l'air d'une petite vingtaine. Abey sentit perdre toute logique, et songeait de plus en plus à se transformer en oiseau et sauver sa peau. Seulement, l'idée d'abandonner le flic, et certainement les deux jeunes femmes derrière les poubelles à une mort ignoble ne le tolérait pas.

C'est alors qu'une autre voiture de police arriva, si vite qu'à peine le mugissement de la sirène avait prévenu son arrivée. A une vitesse tout aussi faramineuse, elle gara tout près de la leur, avec une agilité qui aurait pu sidérer Abey si elle était dans un état de conscience plus traditionnel. Quatre collègues de l'agent Hortz sortirent et ouvrirent à leur tour le feu, ce qui suffit à ralentir l'avancée des Purificateurs. Dans leur direction. Certains filèrent vers la ruelle où étaient encore cachés Aline Hortz et sa protégée, et Abey se sentit paniquer pour elles.

Un porteur de lance flammes (mais où avaient-ils dénichés toutes ces armes ? Ces fous devaient être bien financés...) tomba sous les balles, mais réussit, peut être par hasard, à viser avec succès la voiture dans laquelle la mutante polymorphe avait passé l'essentiel de sa journée. Elle réussit à se jeter en avant pour éviter in extremis le feu, mais se retrouva en situation délicate. Elle réagit aussitôt en se relevant, et sans plus consulter aucun des membres de force de l'ordre qui abattait sans sommation tout extrémiste armé, courut rejoindre Aline et la petite inconnue. En état quasi de transe, elle franchit la distance amoindrie par la nouvelle voiture de police, et se jeta à leurs côtés. Elle se posa à genoux sans aucune délicatesse à côté de la policière,récupérant son souffle en se tenant au conteneur et lui apprit la nouvelle : « Plus d'munitions... Faut dégager de là ». Et jetant un regard à Amy, elle se demanda aussitôt si cette probable mutante serait un atout ou un handicap dans leur sauvetage à toutes trois.

Aline refusa le gilet.

-Gardez-le. Ma priorité c'est vous conduire en lieu sûr de préférence encore vivante.

Et puis de quoi elle se mêlait ? Aline détestait qu'on s'inquiète trop pour elle. De son point de vue, ça voulait dire qu'on ne la croyait pas capable de se débrouiller. Et elle mettait un point d'honneur à ne dépendre de personne.
Une deuxième voiture de patrouille arriva. Enfin des renforts ! C'était peu, mais ça voulait au moins dire que le central ne les avait pas oubliés. Une langue de flammes lécha la voiture de patrouille d'Aline, noircissant la peinture et faisant fondre les parties en plastique.

-Merde ! Bernard !

Elle avait vu l'agent du BAM bondir pour s'écarter de la voiture de police, mais et son collègue ? Elle fut absolument morte d'inquiétude pendant une dizaine de secondes, puis les coups de feu caractéristiques d'un fusil à pompe la rassurèrent. Quel gaillard, ce Bernard ! Strauss arriva derrière la poubelle comme Aline auparavant. Maintenant ils étaient trois de chaque côté de la ligne de défense des "purificateurs". La victoire n'était d'une question de temps.

-Plus d'munitions... Faut dégager de là
-Vous déconnez ? Il faut qu'on les arrête. Si nous arrivons à sécuriser la zone, ça fera une brèche par laquelle les civils pourront sortir.

Elle haïssait ces salauds qui se réfugiaient derrière le prétexte à la con du "Dieu le veut" pour justifier leurs atrocités. Elle refusait de partir la queue entre les jambes en laissant la victoire à ces types. Elle représentait la loi ! Si elle fuyait, ça voulait dire que ces terroristes étaient tout-puissants, au dessus des lois. Jamais elle n'accepterait ça !

-Et alors vous n'avez pas un pouvoir qui pourrait nous aider ? Vous êtes une mutante, non ?

Elle-même crevait d'envie de se transformer pour massacrer les "purificateurs", mais tant qu'il y aurait des témoins aussi compromettants que l'agent du BAM, ce n'était pas prudent.

La policière ne voulait pas du gilet, faisant passer la sécurité de la jeune mutante en priorité. Serrant les mains autours du gilet, Nephilim s’apprêta à l’enfiler. Les sirènes d’un autre véhicule de police retentirent, forçant les Purificateurs à rediriger leurs tirs de la poubelle sur les nouveaux arrivants, bien que le sifflement des projectiles à munition solide indiquait clairement que d’autres terroristes avaient également rejoint le combat. En infériorité numérique et matérielle, Amy doutait que les forces de l’ordre parviennent à vaincre les fanatiques.

Elle n’osait cependant, lever la tête hors du couver, de peur d’y laisser des plumes comme d’y perdre espoir.

Le rugissement caractéristique d’un lance-flammes, qu’elle avait apprit à reconnaitre uniquement quelques instants auparavant, retenti, tandis que presque simultanément, la policière lâcha un juron et un nom. Venait-elle de perdre l’un des siens ? Une brève expression de joie passa sur le visage de l’agent de l’ordre, apprenant à l’italienne que l’autre avait survécu. Si Amy n’avait mobilisé sa volonté et sa concentration vers son courage, elle en aurait également été contente, mais n’avait vraiment pas la tête à cela.

Une autre femme arriva, très semblable à la première, taille équivalente, blonde aux yeux bleus, silhouette athlétique… Seul l’uniforme les différenciait véritablement, la nouvelle venue appartenant au Bureau des Affaires Mutantes. Amy craignait le B.A.M., qui pour elle ressemblait étrangement à un organisme militaire destiner à utiliser les pouvoirs des mutants pour accomplir les objectifs du gouvernement. Cependant, la présence ici de l’agent démontrait qu’à l’instar de la NYPD, ils avaient également pour but de protéger.

Après une brève remarque sur le manque croissant de munitions solides, à laquelle la policière répliqua avec son héroïsme visiblement naturel, les balles reprirent le dessus de la conversation, fendant les airs dans tout les sens. Et il n’y avait pas que les balles, songea Amy : les flammes se rapprochaient également, les immeubles se les transmettant les uns aux autres, probablement grâce à du combustible savamment placé.

Les deux défenseures de l’ordre avaient des comportements bien différents ; la policière se servait de sa colère, laquelle déformait son visage, comme d’un pilier de son courage et de sa résolution, répliquant avec agressivité et avec hargne là où l’agent, plus posée et peut-être moins habituée à la violence, tentait d’assurer ses arrières et d’agir avec stratégie.

Les capacités propres aux deux gardiennes de l’ordre renvoyaient à Nephilim sa propre incompétence et son inutilité, sentiments encore plus accru lorsque la policière, présumant de la condition mutante de l’italienne, probablement grâce à ses yeux comme au quartier où elle avait été trouvée, lui demanda si son pouvoir mutant n’avait pas une possibilité d’être utile.

- Je… je guéris plus vite,

Amy avait le sentiment qu’en venant la sauver, la policière et l’agent avaient commis une erreur : elles étaient maintenant toutes les trois dans un même panier, et un panier entouré de flammes et de fanatique à l’arme de guerre.

Nephilim voulait aider ; devait aider. Cependant, elle n’avait ni l’expérience ni les capacités requises. Se fut de la tristesse qui imprégna ses traits, bien que la peur fut également présente : elle était plus un boulet qu’un atout.

Seigneur pardonne-moi, car j’ai failli…

Décidément, la policière avait tout de même un don si elle n'était mutante : celui d'énerver Abey Strauss. Rester là semblait bien trop dangereux pour la jeune femme, mais pourtant, l'agent Hortz n'avait pas complètement tort... Partir signifiait laisser les autres civils en proie à la fureur de ces dangereux psychopathes, et également laisser les policiers venus en renfort se débrouiller seuls. Pour autant, sans munitions, Abey ne voyait pas trop ce qu'elle pouvait faire de plus dans la situation actuelle.

Et alors vous n'avez pas un pouvoir qui pourrait nous aider ? Vous êtes une mutante, non ?

L'interpellée fut frappée de ces deux questions. Comment saurait-elle ? Le BAM n'avait pas non plus la réputation d'être une niche à mutants... Avant même qu'elle ouvrit la bouche pour répondre, la petite émit une réponse d'une voix envahie de peur : «Je ...guéris plus vite». Ah ça, ça pouvait être très pratique en ce moment...Tant mieux pour elle. Abey prit le temps de sourire à la jeune fille. Elle la protégerait, et la policière ferait de même elle en était convaincue, malgré ses manières d'ours...

La jeune fille leur faisait aveuglément confiance, c'était manifeste. Si Abey se transformait, elle ne songerait pas à lui nuire par la suite. Pour la policière en revanche... L'agent du BAM ne lui faisait vraiment pas confiance. Sa manière de demander si la jeune rescapée était une mutante et possédait un pouvoir utile lui rappelait quelques uns de ces propres collègues, qui voyaient les agents mutants davantage comme des outils, des armes, que comme des humains et des égaux.

Et puis, en quoi son propre pouvoir l'aiderait ? Se transformer en lion n'assurerait la survie de personne, n'y même la sienne. Abey était cependant tiraillée entre l'envie de protéger efficacement la civile et celle d'assurer sa couverture, de ne rien dévoiler sur ses capacités.

Cette hésitation s'envola en fumée quand cinq membres des Purificateurs arrivèrent en courant vers elles. Seulement deux étaient armés. Ils fuyaient les tirs des collègues d'Aline Hortz et ne semblaient pas les avoir remarqué.
Les yeux fixés sur eux, Abey n'eut pas le temps de prendre une décision réfléchie. «Cache toi ! » Ordonna t-elle à la jeune mutante, une main sur son épaule par réflexe, la poussant vers la benne à ordure. La rencontre était inévitable, et s'ils passaient, ils en tueraient d'autres. Ils ne devaient pas sortir de cette ruelle, et surtout, Abey ne voulait pas mourir, ni aucune des deux autres jeunes femmes. L'esprit de la policière avait un peu gagné celui de la polymorphe. Elle se sentait en phase ces deux inconnues, suffisamment pour vouloir les défendre.
« Protégez là. » Dit-elle simplement à l'adresse de sa collègue d'infortune. Et elle se transforma aussitôt en chien, un berger allemand qui se plaça devant la jeune mutante guérisseuse, tout crocs dehors. Dans leur précipitation, aucun purificateur n'avait pu voir la métamorphose, et la présence d'un chien surprendrait moins que celle d'une panthère. Lorsque le premier arrivant à leur niveau aperçut Aline, Abey ne lui laissa pas le temps de réagir et sauta sur lui en grondant, le mordant d’instinct à la gorge. Lorsqu'elle perçue nettement le goût du sang, elle eut la pensée que quoiqu'il arrive, elle était en situation de légitime défense, le recours à son pouvoir était donc tout à fait conseillé...et vital.

-Je ...guéris plus vite

Bon, c'était déjà ça qu'elle ne mourrait pas trop facilement. Mais ce n'était pas à elle qu'Aline avait posé la question, mais à Strauss. Celle-ci semblait éluder la question. Pourtant, ce n'était pas elle qui risquait le plus à montrer qu'elle était une mutante.

-Vu qu'ils ont un cordon autour du quartier, ils devraient recevoir bientôt des renforts. Il faut qu'on arrive à neutraliser ceux qui sont là avant, histoire de pouvoir recevoir les autres qui viendront. Il faudra aussi qu'on prépare...

Aline s'interrompit. La blonde venait de se changer en berger allemand. Aussitôt, elle contourna le conteneur à ordures pour courir vers les "purificateurs", laissant ses vêtements derrière elle. La flic réagit aussitôt en lui offrant un tir de couverture. Elle atteignit ainsi rapidement les survivants et sauta à la gorge de l'un d'entre eux. Les autres étaient déboussolés. On leur tirait dessus de toutes parts, et il ne savaient pas s'ils devaient aider leur camarade ou se concentrer sur les flics. Aline prit les devants en faisant parler son Beretta. Un des terroriste lâcha son arme et tomba par terre, tentent désespérément d'arrêter avec ses doigts le flot de sang qui coulait de sa carotide. Les deux autres réagirent, mais trop tard. Ils voulurent abattre Aline, mais la loupèrent. Elle, par contre, ne loupa pas celui de gauche. et pour finir, celui de droit fut touché par un des autres flics.

-Ne bouge pas. dit-elle à la jeune fille.

Elle se releva et sortit de sa cachette, rechargeant son arme, prête à toute éventualité. Ils avaient fait du bon boulot, les "purificateurs" du périmètre avaient tous été liquidés. La sortie de l'Avenue B était désormais ouverte aux fuyards.

-Bien joué ! lança-t-elle à la chienne qu'était devenue l'agent Strauss.

Maintenant qu'elle était près d'elle, un doute affreux lui vint en tête. Et si, avec son flair, elle arrivait à détecter la louve en Aline ? Et merde ! Elle ne portait malheureusement pas de parfum. L'évènement avec Bob aurait pourtant dû l'inciter à la prudence...
Elle contourna la BAMeuse et retourna auprès des voitures de police. La voiture 03 était hors d'usage, criblée de balles et à moitié brûlée, c'était d'ailleurs un miracle que le réservoir d'essence n'ait pas explosé.

-Ça va, Bernard ?
-Ça va, ça va...

Le coéquipier d'Aline saignait d'un peu partout, mais ce n'étaient heureusement que des coupures superficielles. Il était enfilé son gilet pare-balles et tenait le fusil à pompe.

-J'ai presque plus de munitions. dit Aline en montrant son pistolet.
-Prends les miennes. Moi je suis en bonne compagnie. répondit-il avec un sourire fatigué en montrant son fusil à pompe

Aline prit les deux chargeurs que lui tentait son ami, et alla à la deuxième voiture. Les deux policiers arrivés en renforts étaient d'un autre district. Aline fit rapidement son rapport de la situation, puis elle alluma les hauts-parleurs de la voiture, pris le micro et commença à parler.

-Avis aux habitants de Mutant Town. Vous n'avez pas été abandonnés. Les forces de police tentent d'intervenir pour vous aider. Nous sécurisons une sortie à l'extrémité Sud de l'Avenue B. Ceux qui veulent fuir peuvent passer par-là, et ceux qui voudront aider seront les bienvenus. Je répète : Il y a une sortie sécurisée au Sud de l'Avenue B. Toute aide sera la bienvenue !

Ceci dit, elle retourna chercher Strauss et la civile.

-Bon. Il faut se préparer, ça va aussi attirer les terroristes.

L’Agent eut un sourire pour Amy lorsque celle-ci révéla qu’elle pouvait guérir, une résolution bienveillante dans son regard encouragea l’italienne à lui rendre ce sourire, bien qu’en bien moins confiant. Visiblement, la Bameuse était quelqu’un d’attentionnée aux valeurs altruistes, ce qui rassura Nephilim.

Son courage vacilla à nouveau lorsque des bruits de course atteignirent ses oreilles : malgré le tumulte, parvenir à les entendre signifiait qu’ils devaient être plus que proche. L’Agent ordonna à Amy de rester cachée, ce en quoi Nephilim obéit docilement. La Policière commençait à exposer la situation à sa coéquipière, déclarant la course contre la montre qu’était la neutralisation des Purificateurs avant qu’ils n’aient des renforts comme une priorité, mais n’eut le droit qu’à un ordre de la part de son interlocutrice ; presque simultanément, l’Agent se transforma un chien, un berger allemand, prenant une position défensive devant Nephilim. Une mutante !

Amy avait toujours vu dans le BAM un organisme militaire ayant pour but de « retourner les armes de l’ennemi contre lui », cependant elle découvrait qu’il s’agissait réellement d’une police adaptée aux mutants, et pas seulement dans la traque de ces derniers ; elle leur offrait également un moyen de servir leur patrie. La surprise déforma les traits de l’italienne, émerveillée par le don de l’Agent. Une métamorphe.

Renonçant à la prudence dont elle avait fait montre, l’Agent s’élança sur la troupe qui se rapprochait ; immédiatement secondée par la Policière, qui ouvrait le feu. Un ordre de cette dernière confirma à Amy ce qu’elle savait déjà : elle n’était d’aucune utilité dans se combat, et devait rester en dehors. Nephilim obtempéra alors que la Policière sortait du couver, restant immobile.

Le sifflement des balles se tue bien vite, du moins dans leur position. Les cris et les langues de feu n’avaient, eux, pas diminués. Cependant, autour d’elle, la rage semblait s’être calmée, du moins pour l’instant.

- Avis aux habitants de Mutant Town. Vous n'avez pas été abandonnés. Les forces de police tentent d'intervenir pour vous aider. Nous sécurisons une sortie à l'extrémité Sud de l'Avenue B. Ceux qui veulent fuir peuvent passer par-là, et ceux qui voudront aider seront les bienvenus. Je répète : Il y a une sortie sécurisée au Sud de l'Avenue B. Toute aide sera la bienvenue !

La Policière avait parlée au travers d’un mégaphone, et une bonne partie du quartier devait l’avoir entendue, malgré la bataille et l’incendie. Amy était restée immobile jusqu’à l’appel, bien consciente que si elle restait en place, elle serait sur la première ligne face aux purificateurs qui allaient, à l’instar des civils, venir combler la passe.

Sortant de sa cachette alors que son rythme cardiaque se ralentissait, Nephilim s’aperçue des nombreuses blessures mineures qui couvraient son corps, chancelant un instant. Maintenant que l’adrénaline allait moins saturer son sang, elle allait avoir plus de mal. Elle avait plusieurs hématomes d’avoir courue dans une foule alors aussi affolée qu’elle, ainsi que des râpures sur les bras et les genoux, peut-être d’être tombée, ou d’avoir échappée miraculeusement à des projectiles. Serrant les dents pour se montrer courageuse, pressant, bien qu’inutilement, son facteur guérisseur de la régénérer au plus vite, Amy se dirigea vers les voitures de police, et ses deux sauveuses. Clignant des yeux pour replier ses membranes nictitantes, elle ne pouvait s’empêcher de jeter de brefs coups d’œil derrière elle, de peur de voir les Purificateurs arriver.

- Je… Je veux aider,

Je peux aider,

C’est ce que mes professeurs de l’Institut voudraient.

Et heu… merci… merci de m’avoir sauvée.

Bien joué !
Abey tourna son museau vers la policière. Elle s'en voulait déjà. Elle la regarda quelques secondes rejoindre son coéquipier, puis retourna elle-même à ses vêtements. Avec habitude, elle les prit dans sa gueule pour se transformer à l'abri d'éventuels regards, et se rhabilla dard-dard. Elle chercha des yeux la petite mutante, et la vit émerger de sa cachette, passablement sous le choc de toute cette violence. Si elle-même ne tremblait pas des pieds à la tête, c'était parce qu'elle avait concentrée son énergie à sa métamorphose. L'accompagnant jusqu'aux voitures de polices, elle se jura d'épouiller le dossier de l'agent Hortz, pour se couvrir, au cas-où... On ne sait jamais. Abey était plus que persuadée d'avoir à faire à une policière lambda, et si elle craignait quelque chose, c'était bien les humains lambda. Bon, on verra déjà si elle reste discrète envers ses collègues... Abey craignait fort que la policière, peu importe la raison, fasse connaître à ses collègues la vérité sur la minable agent Strauss. Bon, de toute façon, ça se réglera plus tard.

La déclaration au mégaphone d'Aline la laissa partagée (si les Purificateurs avaient deux sous de jugeote, ils repartiraient. Ils ne gagneraient qu'à être arrêtés ou tués à ce jeu là à présent. Aussi bien, un fou pouvait arriver avec une bombe, un kamikaze au milieu d'une foule d'habitants de Mutant Town apeurée...). Quelle soirée délicieuse, dire que j'aurai pu être chez moi à boire du thé... Elle aurait pensé qu'on aurait cherché à ramener en sécurité la jeune fille, mais apparemment non, on créait un pôle de sécurité ici même... Elle avait donc beaucoup à apprendre en matière d'organisation de la sécurité en plein air... La mutante aurait pu en profiter pour partir, ce n'était après tout pas son travail d'intervenir ici, et elle n'était d'ailleurs pas qualifiée pour. Mais c'était évident : si elle partait, le BAM était discrédité aux yeux des policiers présents. Pas besoin de ça. Le Bureau des Affaires Mutantes devait être représenté du bon côté aujourd'hui. Surtout qu'Abey avait entendu plusieurs fois des gens penser tout haut que son organisme pouvait bien être lié avec ce mouvement d'extermination envers les mutants.

« Je... je veux aider. Je peux aider » La petite voix de leur jeune rescapée se fit entendre, et attira le regard surpris de la BAMeuse. Elle est très courageuse...Plus qu'elle ne donne l'impression en tout cas.« C'est ce que mes professeurs de l'Institut voudraient. » Oh elle fait donc partie de l'Institut Charles Xavier... Elle n'a pas choisi son jour pour une promenade la pauvre...
Décidément, Abey était touchée par cette jeune mutante, dont la discrétion, la politesse et l'envie de bien faire lui rappelait sa propre adolescence.
« Oui tu as eu de la chance, t'as eu deux pro pour toi, tu ne pouvais pas mieux tomber, lui dit-elle, tentant de la détendre un peu avec un autre sourire bienveillant. "Mais on va arrêter de provoquer ta chance peut être ? Vouloir aider, c'est très courageux, tes profs n'ont pas à avoir honte de toi, vraiment. Mais les policiers savent ce qu'ils ont à faire, ils sont entraînés pour... Après un instant d'hésitation, elle lui confia un peu plus bas « Moi même, je ne suis plus sûre d'être très utile... » Enfin si, elle savait précisément ce qu'elle devait faire si elle voulait aider la population de Mutant Town agressée. Se dirigeant vers l'agent Hortz, elle lui glissa à l'oreille : « Je préfère qu'on soit franches maintenant. Qu'est ce qui vous arrange le plus ? Je vais chercher les mutants isolés sous ma... forme ? Ou je reste pour aider à la sécurité ici ? » Elle eut alors une idée pour que la pauvre civile se sente moins comme un poids : « Si, ce que tu peux faire, et même doit faire pour aider : tu vas participer à récupérer et rassembler les mutants, ou n'importe qui cherchant de l'aide. Moins ils se disperseront, moins ils paniqueront, plus ça déchargera les agents d'ici. » Observant un peu plus les traits de son visage, elle ajouta dans une volonté d'instaurer un climat de confiance, d'apaisement « Je m'appelle Abey, je suis agent du Bureau des Affaires Mutantes. Et toi? »

- Je… Je veux aider. Je peux aider. C'est ce que mes professeurs de l'Institut voudraient.

Ainsi elle venait du fameux Institut de Xavier. Mais alors que faisait-elle dans un quartier pareil ? Ce n'était pas comme si Mutant Town était un grand pôle touristique et culturel (c'était d'ailleurs pour ça que les humains y avaient casé les mutants, en fait c'était la poubelle de New York).

-Oh...non, c'est pas une bonne idée. Tu n'as pas de pouvoir offensif, tu n'as même pas de formation au combat. Tu ferais mieux de courir te mettre à l'abri maintenant que tu peux.

En fait, elle disait ça mais elle n'y croyait pas trop. Elle avait bien compris que c'était vraiment la merde, et ils auraient besoin de toute l'aide disponible pour tenir cette issue. Elle attendit quelques minutes avant de lancer :

-Quoi ? T'es encore là ? Ok. Rends-toi utile, alors.

Aline se baissa et retroussa sa jambe droite de pantalon, dévoilant un petit holster attaché à sa cheville. Elle en tira un Walther PPK qu'elle tendit à la jeune fille. Les policiers avaient tous une arme personnelle qu'ils emportaient sur eux en plus de leur arme de service.

-Tiens. Si un de ces tarés s'approche de toi, vise la tête.

Elle doutait qu'elle sache s'en servir, mais elle pourrait toujours apprendre sur le tas. Strauss avait repris forme humaine et s'était rhabillée comme si de rien n'était. Elle s'approcha d'Aline et lui glissa discrètement :

-Je préfère qu'on soit franches maintenant. Qu'est ce qui vous arrange le plus ? Je vais chercher les mutants isolés sous ma... forme ? Ou je reste pour aider à la sécurité ici ?

Aline fut étonnée. De la façon dont Strauss parlait de son pouvoir, on dirait qu'elle en avait honte. Mmh...il y avait peut-être une issue au cas où l'agent du BAM découvrait la nature d'Aline. Enfin, elle n'en était pas encore là !

-Ce serait mieux que vous ameniez les mutants par ici. En plus, sous votre forme vous attirerez moins l'attention des terroristes. Nous, on reste ici pour sécuriser la sortie en attendant les renforts. répondit-elle tout aussi discrètement

Une fois encore, les avis comme les comportements de l’Agent et de la Policière étaient divergeant. Si toutes deux avaient été surprise de l’affiliation d’Amy avec l’Institut, elles y avaient réagit différemment : l’Agent essayait de rassurer la jeune femme tandis que la Policière restait concentrée sur sa mission. Ainsi, alors que la seconde donnait une réponse aussi tranchée que logique, la première essaya de se montrer plus diplomate.

Amy se retourna vers Mutants Town ; la sortie Sud de l’Avenue B était un charnier. Il y avait blessés et morts, étendus autour d’eux, très probablement aussi bien mutant qu’humain, dont les gémissements emplissaient l’air au même titre que le crépitement des flammes qui s’approchaient. Nephilim n’aurait su distinguer les Purificateurs de leurs victimes tant tous se ressemblaient, dans la douleur et la mort. Les larmes lui coulaient alors que son corps entier tremblait ; jusqu’à lors, la fixation de son esprit sur sa propre survie l’avait empêchée de prendre réellement compte de la graviter de la situation.

L’italienne serra les points ; elle n’avait qu’une envie, celle de partir, de fermer les yeux sur la barbarie des hommes. Cela n’avait pas le moindre sens. Pourquoi ? Pourquoi tant de haine, de fureur et de folie ? Parce que Dieu le voulait ?

Les religions, aussi factices soient-elles, avaient toujours décrites le Seigneur comme un être bon ; hors il n’y avait nulle bonté dans le massacre perpétré ici même. La volonté de Dieu n’était pas de mettre un terme à l’existence de l’innocence et de noyer la création dans le sang. Ces fanatiques n’avaient d’autres excuses que la volonté divine ; Dieu n’était que le prétexte pour rejeter la faute sur quelqu’un d’autre. Pour Nephilim, chaque entité créée possédait son propre potentiel, qu’elle exprimait en fonction de ses choix et non d’une manipulation hégémonique à l’échelle cosmique. Le libre-arbitre était ce qui poussait les hommes à s’entre-tuer ; Dieu avait peut-être un plan pour chacun d’entre eux, mais rien n’obligeait à suivre cette destinée.

Nephilim voulait aider ; pas parce que c’était la volonté du Seigneur, mais parce que s’était son choix personnel. Dieu savait déjà si elle y arriverait ou non, et croire en lui permettait d’aider moralement. Se savoir soutenu, c’était cela qu’offrait Elohim. Les humains croyaient en Dieu, mais lui-même ne pouvait-il croire en les humains ? Il était véridique qu’il n’avait que peu de raisons de le faire.

Son raisonnement poussa Amy à raffermir sa foi comme son courage ; fuir de servait à rien. Il fallait regarder la réalité droit dans les yeux, lui faire face avec insolence. Si l’on devait mourir, que ce soit avec un juron aux lèvres et le doigt sur la détente, défendant jusqu’au bout sa cause. Tous mourraient de toute façon, cette condamnation étant irrévocable, mais s’ils n'essayaient pas de changer le monde, alors leur vie n’aurait servie à rien. Les autres ne sont jamais la seule trace qui restera de nous-mêmes après notre disparition.

Lorsque les gardiennes de l’ordre se furent concertées, chacune d’elle proposa à Amy un poste où elle pourrait avoir une utilité : l’Agent voulait qu’elle aille parmi les blessés pour les calmer, peut-être les tirer à l’abri, tandis que la Policière lui fournit une arme à feu, très compacte, d’une quinzaine de centimètres de long pour un poids qui, bien que devant être léger comparé au standard, se révéla bien lourd entre les mains tremblantes de Nephilim.

Amy n’avait pas la volonté de tuer, même des dégénérés comme les Purificateurs. Regardant la Policière de ses yeux embrumés par les larmes, Nephilim avait peur ; une peur nouvelle. Non plus pour sa vie, celle-là lui tenait les tripes depuis un bon moment déjà, sollicitant ses pouvoirs guérisseurs comme jamais auparavant, mais celle de tuer, d’infliger la douleur. C’était pour une bonne cause, mais cela ne changeait rien à l’affaire. Elle serait comme les Purificateurs si elle venait pour tuer.

- Je… Je préfère m’occuper des blessés,

Amy de Lauro, mais vous pouvez m’appeler Nephilim. Etudiante à l’Institut Xavier.

Pouvoir mettre un nom sur un visage était toujours agréable, ne serait-ce que pour la simplification du schéma de pensée et la personnalisation de l’autre. Abey, l’Agent s’appelait Abey. En d’autres circonstances, Amy aurait surement souri face à ce nom sympathique, mais son esprit était accaparé par le malheur.

lui venir en aide. Les forces de l'ordre, si elles escomptaient évacuer les blessés, devraient faire vite. Sous peu, de la foule ou des flammes auraient atteintes leur position, et si les deux bâtiments encadrant le croisement avec Houston St étaient pris dans l'incendie, l'air deviendrait rapidement irrespirable, tandis que l’affolement des gens les conduiraient à piétiner leurs frères blessés sans leur prêter la moindre attention.

Malgré ce temps compté, Amy fit ce qu'elle put pour se montrer optimiste et rassurante auprès de l'homme qui était allongé auprès d'elle. Cependant,

Le temps pressait.

Abey sourit à la présentation d'Amy. Son nom sonnait étranger, ce qui éveilla encore peu plus la curiosité de la mutante pour la jeune fille. Cependant, ce n'était pas le moment de s'attarder à faire connaissance. Aline Hortz avait donné ses indications. Et si la polymorphe avait été effarée de voir confier à la jeune Amy une arme dans le but avoué de tirer dans une nouvelle vague de terroristes, elle n'en souffla mot. Ce n'était pas à elle de faire le choix de l'étudiante, et puis, il y avait d'autres vies à sauver apparemment.

Abey s'éloigna des policiers, retournant au conteneur à ordure. Un policier l'arrêta en route : « Tenez mademoiselle, ça pourra vous être utile ». Un revolver. C'était pas franchement l'idée, mais la mutante accepta sans broncher, remerciant brièvement l'agent. Elle atteint la ruelle sans encombre, et repensa à la manière dont Aline Hortz lui avait répondu. Elle avait compris et respectait sa volonté de rester discrète sur son pouvoir. Avec un peu de chance, il n'y aurait pas de complications...

Après avoir vérifié qu'il n'y avait aucun danger, elle se transforma, et d'un coup de patte, camoufla ses vêtements. Ces bâtiments-ci étaient encore épargnés par le feu, elle devrait normalement les retrouver intactes... La bergère allemande entreprit un examen méthodique du quartier, truffe à terre, cherchant des odeurs susceptibles de l'emmener vers des personnes en danger. Odeur de peur, reconnaissable à une transpiration excessive et d'hyperventilation, odeur de sang... Odeur anormale pouvant indiquer une mutation pour certains cas... Bref, tout était bon à prendre. Mais cette tâche était rendue compliquée par les volutes de fumées noires, provenant des immeubles en flammes. Abey progressait doucement, mesurant son souffle, restant concentrée sur son objectif. Les premières rues étaient plutôt...désertes, curieusement. Les mutants étaient cachés ailleurs ou avaient fui. Elle croisa bien une mère avec ses deux fils, mais ceux-ci rejoignaient en courant à toutes jambes la camionnette de pompiers, tout au bout de l'avenue, où était visible également une autre voiture de police.
Elle croisa aussi quelques morts, et même un blessé. Un homme d'une trentaine d'année se tenait assis, adossé contre un kiosque à journaux qui avait lui aussi cramé, noirci et entamé. La main de l'homme était compressée sur sa veste en faux cuir, où commençait déjà à sécher une tâche d'un rouge sombre. Abey s'avança en gémissant vers l'homme, afin de ne pas l'effrayer. Celui-ci ne réagit pas, il se contentait d'appuyer en grimaçant sur sa blessure. En chien, Abey ne pouvait rien faire, en tout cas pas directement. Elle le renifla avec beaucoup de prudence, et l'homme la regarda avec surprise « héé tu vas pas m'bouffer au moins » ? Pour l'inciter à la confiance, Abey jappa joyeusement et remua la queue. Elle trottina jusqu'à la rue par où elle était arrivée, aboya à l'homme, puis dans la direction de la rue. Face au regard interloqué de l'homme, elle recommença le même manège. Normal qu'il ne comprenne pas, mais bon sang, c'était une blessure superficielle, il pouvait se lever seul, et il fallait qu'il se mette à l'abri. Finalement, il finit par déplier sa silhouette et rejoindre la chienne qui l'attendait en remuant frénétiquement la queue. De là, il pouvait apercevoir l'arrière des feux de la deuxième voiture de police ainsi que le girophare. Abey vit un sourire éclairer le visage de l'individu, qui la gratiffia d'une caresse rude sur la tête « Bon chien ! » Abey le regarda partir en se tenant toujours la côte, et eut une pensée amusée en imaginant la tête de l'agent Hortz, affublée d'une nouvelle vie à protéger, soit d'un nouveau boulet...

La chienne reprit sa marche. Manifestement, ce coin de Mutant Town commençait à se calmer... Elle entendait au loin les pompiers crier des ordres, ainsi que les jets massifs de neige carbonique. Avec Aline et ses collègues, elle avait dû essuyer le gros de l'attaque... Elle s'immobilisa d'un coup, l'odeur de la peur clairement perceptible. Elle la suivit prudemment, et arriva jusqu'à une autre rue, parrallèle à la ruelle dans laquelle Amy avait trouvé refuge quelques minutes plus tôt, mais complètement embrumée de fumée, qui rendirent la chienne réticente à continuer son avancée. Un homme, chauve, jeune -environ la vingtaine- affublé d'un grand manteau noir... Un Purificateur... Il gémissait de douleur en se tenant la cheville. Une balle perdue visiblement. Abey l'observa un peu, puis repartit en courant jusqu'à ses vêtements. Le plus rapidement possible, elle reprit forme humaine, se rhabilla, et se mit à courir dans le chemin inverse. Elle vérifia sa nouvelle arme, chargée, et ralentit le pas à une cinquantaine de mètre où se trouvait le terroriste. Le cœur battant à tout rompre, elle s'avançait vers lui, sa main recouverte de la manche de son manteau sur son nez pour avoir une respiration plus aisée.Pourvu qu'il n'ait plus d'armes pensa t-elle, ne faisant qu’accélérer les palpitations de son cœur.
Quand il la vit enfin, le Purificateur adopta une moue agressive « Zêtes qui vous putain? » Abey répondit avec le mensonge qu'elle avait préparé en chemin : « Je... j'avais perdu mon chien... je le promenais, et il y a eut des cris, il m'a échappé et a couru dans ce … putain quartier mutant... » Abey se sentit soulagée quand elle vit l'humain se décrisper. Il la prenait pour une bonne humaine comme lui, parfait. « J'lai vu votre chien j'crois. L'a pas l'air bien courageux...
_Vous êtes blessé ?
_Vous êtes voyante ? Se moqua t-il en lui plantant ses yeux vert clairs dans les siens. Sa peau blanche était parsemée de tâches de rousseurs au niveau des pommettes, et Abey songea qu'il devait être roux. Irlandais ?
_Je peux vous aider ?
A cela, elle le vit hésiter. Manifestement, l'idée de lui plaisait pas, mais il devait aussi être conscient que rester avec la police dans le coin, c'était très mauvais pour lui.
_Ouais, j'veux bien... répondit-il simplement.
Essayant de calmer l'affolement de son cœur, Abey s'approcha de lui, et déchirant un bout de la doublure de son manteau à lui (faut pas non plus éxagérer), lui fit un bandage en toussotant, inhalant malgré elle l'odeur insupportable des résidus de l'incendie, qui semblait lui grignoter les poumons."Vous pouvez vous lever ?" "Ouais..." Abey l'aida à se mettre debout, et profita de cette palpation inopinée pour vérifier s'il ne gardait pas une arme sous son manteau. A priori non.
Ils firent quelques pas ensemble « Vous pouvez marcher ? » Elle le laissa faire trois pas, attendit sa réponse. « ça peut aller, faudrait que je trouve un taxi mais... » Abey ne le laisse pas finir. Sortant son revolver et le pointant vers lui, elle annonça : « Je m'en charge. Les mains en l'air. Vous avancez à un mètre de moi. Vous fuyez je tire, vous ne serez pas le premier. » Le type eut une affreuse grimace rageuse, et Abey se sentit clairement en danger, malgré la possession de l'arme entre ses mains et la jambe blessé de l'autre. Pourtant, sa manœuvre se passa bien. Ils ne croisèrent personne (comment un quartier en feu pouvait se vider aussi vite ?) Seuls les pompiers passèrent en trombe dans la rue où elle avait trouvé le premier homme, et quelques familles et groupe de gens commençaient à se rassembler de droite et gauche. Mais de toute évidence, l'attaque purificatrice avait ici cessée, due à l'arrivée massive des forces de police sans aucun doute. Et puis, l'air ambiant ne se prêtait plus vraiment à un combat de rue.

Elle rejoignit donc Aline Hortz, ainsi que la jeune Amy de Lauro, l'une en discussion avec son collègue Bernard active, l'autre occupée à soigner un blessé. Le courage d'Amy était vraiment remarquable. Après tout, elle avait subi le même choc que beaucoup de mutants, et elle trouvait le moyen d'aider, d'être active... Elle se dirigea néanmoins avec son prisonnier boiteux jusqu'à la policière : « Vous avez des menottes ?»,demanda t'elle d'une voix rauque causée par la toux.

La situation semblait enfin tourner à l'avantage des forces de l'ordre. Les fuyards et les blessés arrivaient au compte-goutte. Certains disparaissaient sans demander leurs restes, d'autres n'étaient pas en état de fuir et restaient là pour qu'on leur prodigue les premiers soins, d'autres encore restaient pour donner un coup de main. Aline ne pouvait pas fournir d'armes à tous le monde, et celles des "purificateurs" étaient des pièces à conviction, mais il ne fallait pas oublier que la majeure partie des habitants du quartier étaient des mutants. Le groupe se vit donc renforcer d'un homme à la forces surhumaine, un jeune homme capable d'envoyer des éclairs et d'une femme qui ne craignait pas les balles. Mais le vent s'était mis à souffler vers le sud, et les flammes se rapprochaient de plus en plus du checkpoint, grignotant les bâtiments alentours. Les plus gênant était la fumée. Aline sentit assez vite sa gorge brûler et ses yeux piquer. Son odorat sur-développé ne l'aidait pas non plus. Et personne n'avait d'appareil respiratoire. Ils n'allaient pas pouvoir rester longtemps si ça continuait comme ça. Déjà, certains commençaient à suffoquer et on dût les éloigner. Aline eut une idée. Elle était une vraie fana d'armes, et elle connaissait donc quelques adresses sur New-York.

-Amy, si tu veux toujours te rendre utile, j'ai un moyen de te rendre très utile.

La vente de matériel NBC était très réglementé depuis le 11 Septembre, mais il y avait toujours quelques types qui en vendaient pour arrondir leurs fins de mois en profitant de la psychose du terrorisme. Et justement Aline en connaissait un dans le coin.

-Je veux que tu suives Houston Street vers le Nord-Ouest, et que tu prennes par Orchard Street. En avançant de quelques mètres, tu verras un stock de l'armée appelé "L'odeur du napalm". Tu entres et tu demandes au patron de te filer tous les masques à gaz qu'il a en stock. S'il refuse, tu dis que c'est l'agent Hortz qui t'envoies. Et s'il refuse toujours...tu as mon flingue. Tu emportes tout ce que tu peux porter et tu ramènes tes fesses au plus vite. Go !

En plus d'être utile, elle serait ainsi plus à l'abri. Aline toussa et se retourna vers la rue pleine de cadavres. Elle vit alors deux silhouettes s'approcher, mais n'arriva pas tout de suite à les identifier à cause des larmes qui embuaient ses yeux irrités. Ce n'est qu'en reconnaissant la tignasse blonde d'Abey et le manteau noir qu'elle sourit. L'agent arriva au barrage de police, tenant en respect un des terroristes avec l'arme du policier.

-Vous avez des menottes ? lança l'agent du BAM
-Et comment que j'en ai ! répondit Aline en tirant son tonfa de sa ceinture.

Sans prévenir, elle envoya au terroriste un grand coup de matraque en plein visage. L'homme pivota sur lui-même et tomba à genoux, crachant par terre des débris d'émail et un peu de sang. Ouh, que ça faisait du bien !

-Vous brûlerez pour l'éternité ! lança-t-il en adressant à la flic un regard de défi
-Oh oui, joue au con avec moi !

Elle lui expédia un coup de pied dans l'estomac qui lui fit encore cracher un peu de sang. Puis elle profité qu'il était en train de tousser, plié en deux, pour lui passer les menottes. Puis elle le remit debout en l'agrippant par le col.

-Alors parle ! Vous êtes encore combien là-dedans ? C'est tes copains qui ont saboté nos véhicules ?

Pour toute réponse, Aline reçut un crachat ensanglanté dans la figure. Ce à quoi elle répondit automatiquement par un matraquage en règle. L'homme tomba par terre, et elle continua de le frapper, abattant son tonfa encore, et encore, et encore... Ça lui faisait du bien de frapper, de laisser parler la bête en elle, après toutes les horreurs qu'elle venait de voir, elle ne pensait plus qu'à ça. Le malheureux payait pour le quartier en feu, pour les mutants massacrés, pour les véhicules sabotés, pour ses collègues qui avaient osé tirer sur les forces de l'ordre, et même pour les yeux et la gorge irrités d'Aline. Il était évident que si personne ne l'arrêtait, elle continuerait d'abattre sa matraque jusqu'à ce que le crâne du "purificateur" ne soit plus qu'une bouillie de chair et d'os écrasés.

Alors que des réfugiés, bien que toujours plus nombreux, arrivaient vers les forces de l’ordre, Amy avait continué son inspection. Elle avait déjà fait le chevet de plusieurs personnes, et tendais que la fumée emplissait l’air, d’autres étaient venus l’aider, administrer des premiers soins dont elle-même était incapable. Cependant, la douleur morale avait augmentée, alors que Nephilim s’avérait incapable de sauver certaines personnes. Si elle était désolée du sort des Purificateurs, qui agonisaient comme les autres, c’était le fait d’avoir perdu un parfait inconnu qui l’avait le plus atteinte. La dernière image que ce dernier aurait de la vie était le visage accablé d’une Nephilim incapable de l’aider. D’instinct, elle-même guérissait plus vite, comme si elle aurait put partager son facteur guérisseur. Ce n’était cependant pas le cas.

Ayant laissé aux autres le soin de s’occuper des blessés, elle-même s’était adossée à l’une des voitures de police, les mains plaquées contre les tempes, ne pouvant plus retenir ses sanglots. Certes, les larmes ne coulaient pas, bloquées qu’elles étaient par sa troisième paupière, mais sa respiration était entrecoupée, et elle-même agitée de spasmes. Elle avait même lâché un juron, bien qu’il fut en sa langue maternelle.

C’était stupide ; ce n’était pas comme cela qu’elle aiderait. Cependant, voir ces yeux devenir vitreux, ce visage se figer, cette vie s’éteindre, c’était trop. Certains disent que l’on trouve la paix dans la mort, mais lorsqu’une expression de douleur et de désespoir nous sert de masque mortuaire, on ne parvient pas à l’accepter.

Elle devait pourtant laisser partir cet inconnu, et recommencer sa tâche. Là, elle ne servait à rien.

Lorsque la Policière l’interpella, Amy mit quelques temps à répondre ; se concentrant sur la voix de l’une des personnes à qui elle devait la vie, Nephilim parvint à reprendre courage. Elle devait aider, elle ne devait pas décevoir ses sauveurs. Ni Dieu.

Se relevant tant bien que mal, l’italienne s’approcha de la Policière, écoutant aussi calmement que possible ses instructions. Si Nephilim ne pouvait s’empêcher de trembler, elle avait arrêté de hoqueter. L’agent Hortz, visiblement le nom de la Policière, voulait qu’elle joigne Orchard Street, au nord-ouest en suivant Houston Street, pour trouver un bâtiment nommé « l’Odeur du Napalm » - nom plutôt mal choisit, aux vues des circonstances – et qu’elle obtienne l’aide de son tenancier pour obtenir un maximum de masques à gaz.

Bien que légèrement effrayée, à la fois par le ton d’Hortz que par ses propos – elle n’était pas sérieuse au moins ? –, Nephilim obéit. Partant le plus vite possible dans la direction indiquée, elle ne fit guère de manière pour économiser ses forces. L’italienne était épuisée, mais trouva la même motivation que celle qui l’avait accompagnée durant sa course dans Mutant Town ; certes, cependant, ce n’était plus sa survie qui était en jeu, mais Nephilim refusait de voir d’autres personnes partir à cause de son incompétence.

Indifférente au décor, elle traversa les 350m qui la séparait d’Orchard Street aussi vite que ses jambes le lui permettaient. Plus d’air, il lui fallait plus d’air. S’arrêtant au niveau d’Essex St, elle posa ses mains sur ses genoux, lâchant un autre juron. Ce n’était pas dans son habitude de se montrer d’une telle impolitesse, mais la situation ne prêtait pas à un langage châtié. Hottant sa veste en denim, l’enroulant rapidement autour de sa taille, Nephilim se saisit du dos de son t-shirt et tirant aussi fort qu’elle le pouvait. La déchirure qui en résulta lui permit de déployer ses Ala-pulmos, les petites ailes aux plumes rouge sang venant seconder sa trachée. L’instant suivant, elle s’était remise à courir.

Orchard Street se tenait de l’autre côté de la rue, et Nephilim traversa sans ralentir la double voie ; les voitures auraient probablement déjà fait demi-tour ou étaient déjà garée pour faciliter aux secours l’accès à l’incendie.

Une fois engagée dans la rue, Amy ralentit le pas, sans pour autant arrêter de courir, contemplant les différentes pancartes qui faisaient la pub pour les restaurants qui parsemaient la rue.

Bon Dieu, où se trouvait ce stock militaire ? Son regard vert filait sur les façades des différents bâtiments, finissant par localiser un timide panonceau annonçant le lieu désiré : l’Odeur du Napalm. C’était un bâtiment gris au toit plat, encastré entre un magasin et un restaurant. Sans la moindre hésitation, Nephilim courue à l’encontre de la porte, taponnant du point sur cette dernière. Il n’était pas beaucoup plus que deux heures du matin, peut-être la demie ; ainsi, elle espéra qu’il y aurait un tenancier à l’intérieur ; où ne serait-ce que quelqu’un qui avait des clés.

- Ouvrez au nom de Dieu ! Il y a des blessés et un incendie : on a besoin de votre aide. L’agent Hortz a besoin de votre aide !

Peu après son retour, Abey Strauss vit la jeune Amy détaler dans une direction bien précise, sous un vague regard de l'agent Hortz. Bon, celle-ci devait avoir ses raisons, elle demanderait plus tard. S'attendant à voir son prisonnier se faire passer les menottes, elle resta scotchée, parfaitement stupéfaite de voir Aline Hortz décoller à ce dernier un coup de matraque prodigieux.
«Mais qu'est-ce que vous faites ?! » L'inspiration prise pour cette exclamation lui brûla les poumons, soulevant les larmes. Elle attendit de récupérer un peu, sans que la policière donne pour autant l'impression de l'avoir entendue.
Ce pauvre idiot eut la mauvaise idée de répliquer, et Abey vit s'allumer une lueur mauvaise au fond des prunelles de l'agent Hortz. La mutante s'inquiéta de la découvrir sous cet aspect. Elle la prenait pour une bonne flic, un peu zelée sur le tir, mais efficace dans son domaine. Elle la découvrait sadique et violente.
Comme anesthésiée, elle la vit ruer de coups le Purificateur, semblant justifier son attitude par des questions sur leur groupe d'attaquants. Sa furie semblait ne pas devoir finir, et aucun de ses collègues ne paraissaient voir le problème...
« Assez ! Rugit l'agent du Bam, posant une main sans brusquerie mais ferme sur l'épaule de la policière, s'interposant entre l'amoché et la nouvelle sauvage. « Il ne dira rien si vous le tuez, vous le savez très bien ! Et il ne dira rien maintenant... » Abey voulut poursuivre mais l'air dans ses narines lui provoqua une douloureuse crise de toux. Ou est partie la petite au fait? Songea t-elle sans raison à propos d'Amy de Lauro. Elle s'inquiéta soudain pour leur rescapée. Partir toute seule, avec ses pupilles vertes alors que des Purificateurs pouvaient encore traîner... Dés qu'elle pourrait, elle essayerait de la retrouver. Ou de la faire retrouver, s'assurer qu'elle s'en soit sortie.

Durant ce laps de temps, le prisonnier n'était plus qu'apathie, complètement sonné par les coups de l'agent de police. Et il a perdu beaucoup de sang... Faudrait pas qu'il meure maintenant non plus !
La fumée noire devenait de plus en plus opaque. Les pompiers qu'elle avait vu affairés tout à l'heure n'arriveraient pas tout de suite vu l'étendue du feu à éteindre. Il fallait donc protéger les blessés ainsi qu'eux-mêmes. Avec une telle toxicité de l'air, dans un quart d'heure ils seraient tous dans les vappes.
Elle retourna son attention sur Aline Hortz, essayant de se montrer aussi calme et respectueuse que possible. Elle n'avait rien contre la policière, mais la prenait maintenant pour une humaine qui devait avoir perdu un ami ou parent mutant, en tout cas qui était de toute évidence un peu déséquilibrée en présence d'un extrémiste. Qui sait comment elle pourrait réagir face à une contrariété représentée par le BAM...
Abey voulut ajouter quelque chose pour tempérer son geste face à la policière mais sa tête lui tourna soudainement, elle sentit sa conscience vaciller, la tête lui vriller. Manque d'air. Elle prit appui sur la voiture de police, et attendit d'être à nouveau ferme sur ses pieds.

Aline s'arrêta brusquement de frapper. Mais ce n'étaient pas les paroles apaisantes de l'agent qui l'avaient calmée, mais son toucher qui l'insupportait. La policière fit volte-face dans une posture défensive.

-Dégage ! Me touche pas ! Crrrrrrrrrrrrrrrraaaaaaa !

Ses yeux brillaient d'un éclat doré, des yeux de bêtes, et ses canines semblaient s'être allongées. Aline s'en rendit compte. Elle eut un brusque mouvement de recul, et enfouit son visage dans ses mains.

*Oh non ! Pas maintenant ! Pas devant elle !*

Elle se força à respirer longuement, malgré la fumée qui lui irritait les bronches. Puis elle ressortit son visage du creux de ses mains. Ses yeux étaient redevenus bleu-turquoise, et sa dentition avait repris une configuration humaine ordinaire. Bon, vite, maintenant trouver quelque chose pour faire diversion...
Aline donna un dernier coup de pied au terroriste inconscient.

-Il ne dira rien, et dès qu'il sera sorti de prison il recommencera. Vous avez bien vu ce qu'il s'est passé, non ? Ce sont des putains de nazis !

Elle était d'autant plus sensible sur ce sujet que son grand-père avait été officier dans la Wehrmacht. C'était juste un militaire, pas un nazi, mais une fois la guerre terminée, tout le monde avait réclamé sa tête sur un plateau. Non, les vrais nazis c'étaient eux, ceux qui étaient capable de massacrer impitoyablement la population de tout un quartier !

-La...la gamine est partie chercher des masques à gaz. Je l'ai dirigée vers une adresse que je connais. Ça pourra nous permettre de continuer à défendre ce point en attendant l'arrivée des secours.

A ce moment, un hélicoptère traversa le ciel au dessus du barrage, dispersant un peu la fumée. Sur ses flancs étaient peints le logo d'une chaîne de télévision.

-J'y crois pas ! Aucune ambulance n'a encore pu arriver à nous, et ils sont déjà là ces fouille-merde !

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La porte du stock militaire s'ouvrit, et un gros bonhomme habillé en kaki se présenta.

-Je sais, gamine, figure-toi que la fenêtre de ma chambre donne sur les flammes.

D'un geste, il l'invita à entrer. La boutique était un vrai temple du militaria. Des treillis, du matériel militaire de plusieurs pays, mais pas d'armes (il n'avait pas la licence pour ça...mais ça ne l'empêchait pas d'en vendre quelques unes sous le manteau à des gens de confiance).

-J'ai vu un peu à quoi ça ressemblais là-bas. Qu'est-ce qu'un vieux tromblon comme moi pourrait bien faire pour aider, là où même notre fière police municipale est bloquée ?

Lorsqu'Amy lui parla des masques à gaz, il se gratta le menton.

-C'est illégal, ça, depuis le 11 Septembre ! Il faut être vachement pistonné pour avoir le droit d'en vendre. Enfin, je ne suis pas pistonné et je n'ai pas le droit d'en vendre, mais ce n'est pas ça qui m'empêche de le faire.

Il partit dans l'arrière-boutique et revint avec un carton qui débordait de masques à gaz soviétiques datant de la guerre froide. Il tendit le tout à Amy.

-Tiens, amène donc ça à Aline. Pis tu peux y aller, les filtres sont neufs : ils n'ont jamais servi. Il faut dire que les cocos n'ont jamais eu les couilles de nous attaquer.

Amy n’aurait su dire combien de fois elle avait frappé ou durant combien de temps, avant que l’on ne réagisse à son appel. Toujours était-il que son cœur était toujours aussi affolé lorsqu’on ouvrit.

L’autre était un homme plutôt volumineux habillé de la couleur des militaires, qui répliqua d’une voix qui saillait à son aspect qu’il était parfaitement au courant pour l’incendie. Et il n’avait rien fait ? Pourquoi ? C’était le fait que se soit le quartier mutant qui brule ou bien n’avait-il rien à faire même des autres humains ? Dans la première hypothèse, Nephilim devrait rapidement replier Membranes Nictitantes et Ala-pulmos, ou elle risquait de se faire rembarrer correctement. Peut-être que dans la semi-obscurité laissée par les lampadaires de la rues, l’autre n’avait vu ni les yeux émeraudes, ni les petites ailes ; bien que les secondes soient plus discrètes que les premières, une fois dans la lumière de l’intérieur, il n’y aurait plus de doute sur l’espèce de Nephilim.

Ainsi, lorsque l’homme l’invita à entrer, Amy replia ses ailes sous son épiderme et cligna des yeux, rouvrant ses troisièmes paupières. La boutique était le temple du militaire retraité, et il ne manquait plus que les armes pour en faire l’armurerie d’une caserne. Treillis, cordes, boussoles, gourdes… et même des choses dont Nephilim ne pouvait même pas soupçonner l’utilité.

- J'ai vu un peu à quoi ça ressemblais là-bas. Qu'est-ce qu'un vieux tromblon comme moi pourrait bien faire pour aider, là où même notre fière police municipale est bloquée ?

- Matériel ; Masques à gaz,

L’autre, lui, ne semblait guère pressé, se grattant le menton d’un air dubitatif.

-C'est illégal, ça, depuis le 11 Septembre ! Il faut être vachement pistonné pour avoir le droit d'en vendre. Enfin, je ne suis pas pistonné et je n'ai pas le droit d'en vendre, mais ce n'est pas ça qui m'empêche de le faire.

Pourquoi il tergiversait alors ? Soit il en avait, et il acceptait de les donner, soit il n’en avait pas, et alors Nephilim perdait son temps ici. Cependant, plus par timidité que par bienséance –cette dernière ne servant plus à rien en cette nuit -, Amy n’avait fait de remarques. Elle le regarda patiemment se diriger vers l’arrière boutique et en revenir, de trop longs instants plus tard, avec un carton.

C’était cela des masques anti-gaz ? Mais ils devaient dater de l’antiquité vue leur taille ! Chacun d’entre eux couvrait tout le visage, ainsi il ne devait pas y en avoir plus d’une dizaine ou d’une douzaine dans le carton, et chacun pesait probablement plus lourd que le petit pistolet que lui avait fourni l’agent Hortz.

- Tiens, amène donc ça à Aline. Pis tu peux y aller, les filtres sont neufs : ils n'ont jamais servi. Il faut dire que les cocos n'ont jamais eu les couilles de nous attaquer.

Un vieux paranoïaque de la Guerre Froide ; Amy se serait bien arrêtée pour lui dire que durant la majeure partie de ce qui avait été considérer comme une période de tensions politiques atroces, les semences américaines avaient été vendue à l’URSS pour nourrir ses populations. Petit détail historique ignoré de beaucoup. Cependant, elle n’avait pas le temps pour s’occuper de se commerçant aux convictions comme à la morale douteuse.

- Elle vous en remercie,

Dieu que c’était pas pratique. Encombrant et pesant, bien que ce détail fût moindre, le carton allait lui poser trop de problèmes dans la course. Amy parcourue rapidement les étales du regard, se servant de son intellect pour résoudre la situation.

- Je vous emprunte également cette planche à roulettes,

Je vous remercie de votre générosité, mais je crains que vous n’en soyez jamais remboursé.

Se dirigeant vers la sortie d’un pas aussi rapide qu’elle le put, Nephilim avait posée le carton sur la planche à roulette, ce qui, bien qu’elle dut se pencher, lui permettait d’avancer plus vite. De nouveau dans la rue, elle redéploya ailes comme membranes nictitantes, et se mit à courir. Elle n’avait que peu récupéré, mais allait encore s’y donner à fond. Elle eut plus de mal à tourner pour récupérer Houston, mais continua tout droit sur la voie publique. En course basse pour maintenir le carton à ses côtés, ses muscles devinrent rapidement douloureux, et si sa volonté lui procurait la force de continuer, elle fut insuffisante pour freiner.

Arrivé au niveau des policiers du croisement avec Mutant Town, Nephilim dût se résoudre à y laisser des plumes. Tirant à elle le carton, elle se déséquilibra et laissa s’échapper la planche à roulettes. Emportée par la force cinétique, Amy glissa avec son colis sur quelques mètres de bitumes, se râpant tout le flan et le bras. Cependant, ce douloureux freinage lui permit de s’immobiliser auprès des forces de l’ordre, ensanglantée mais victorieuse. Sa seule crainte en cet instant fut que les masques anti-gaz aient subis des dégâts à l’instar de son corps et sa tenue, et alors qu’elle restait allongée au sol, elle poussa le paquet vers l’agent le plus proche.

-Dégage ! Me touche pas ! Crrrrrrrrrrrrrrrraaaaaaa !

L'agent du BAM resta médusée devant le profil que lui retourna la policière. Cela ne dura qu'un instant, mais elle aurait juré lui avoir vu des yeux dorés, des dents plus pointues... Mais cela fut trop bref pour en être absolument certaine. Aline Hortz avait aussitôt camouflé son visage, mais cela n'était une preuve de rien. Elle pouvait simplement chercher à reprendre ses esprits. Mais décidemment, cette policière était bien étrange, et Abey avait de plus en plus le sentiment que les choses risquaient de ne pas en rester au simple incendie de Mutant Town...
La mutante du BAM se tenait toujours à la voiture de police, essayant de contrôler sa respiration, le nez enfoui dans la manche de son manteau.

-Il ne dira rien, et dès qu'il sera sorti de prison il recommencera. Vous avez bien vu ce qu'il s'est passé, non ? Ce sont des putains de nazis ! Ajouta la policière avec un dernier coup de pied, pour la forme certainement, au Purificateur à présent inconscient. Abey le considéra avec inquiétude. Elle savait bien qu'il finirait par dire tout ce qu'on voudrait. Au Bureau des Affaires Mutantes, ce n'était pas un humain de cet acabit qui pouvait résister longtemps... Ce n'était cependant pas l'affaire de Hortz, et Abey préféra rejouer la carte de la diplomatie. Elle n'avait de toute façon pas la forme pour se prendre la tête et hausser la voix contre une policière qui n'avait pas eu son content de sang sur les doigts pour la journée.

« C'est pas dit qu'il sorte de prison. C'est un prisonnier du BAM maintenant. Donc vous ne le touchez plus.» La polymorphe essuya une nouvelle quinte de toux. Quand celle-ci se calma, elle écouta Aline Hortz, qui avait repris une attitude plus modérée, lui raconter où était partie la jeune mutante Amy. Chercher des masques respiratoires... C'est une vraie enragée cette Aline... Pour Abey Strauss, il n'y avait plus à rester ici, mais ce n'était pas l'avis de la police, et tant qu'Amy de Lauro n'était pas revenu saine et sauve et qu'elle n'était pas assurée que son prisonnier soit bien transféré au BAM, elle ne pouvait aucunement partir.

Au même moment où elle s'accroupissait, imitée par la plupart des policiers et civiles de leur zone, afin de chercher le plus possible d'air « respirable », se fit entendre le son caractéristique d'un hélicoptère. Abey songea que le BAM arrivait, mais elle dut déçue en même temps que son homologue de la Police :-J'y crois pas ! Aucune ambulance n'a encore pu arriver à nous, et ils sont déjà là ces fouille-merde !

Effectivement... Abey était également amère de ce constat. Une bande de journaliste (apparemment un journaliste, un cameraman et deux autres membres de leur équipe) y étaient même visibles selon l'endroit où se déplaçait l'hélico. Pour l'instant, ils étaient encore aux prises de vues aériennes. Elles leurs permettaient d'avoir un bon aperçu de la situation sans se mettre eux-mêmes en danger. Abey avait -comme Aline Hortz apparemment- en horreur ce travail de mouches, qui ne faisait jamais que gêner celui de la protection et de la sécurité. Elle était encore à regarder l'hélicoptère quant arriva en trombe une silhouette montée sur roulette. Abey se redressa, interloquée. Elle s'aperçut vite qu'il s'agissait d'Amy de Lauro, et celle-ci transportait en fait sur une espèce de skateboard un gros carton. La vitesse de l'ensemble laissait présager que l'adolescente ne maitrisait pas à fond son chargement. Et en effet, lorsqu'elle amorça une tentative d'arrêt, la majorité des forces de polices et des mutants encore suffisamment conscients purent assister à la chute magistrale d'Amy avec son carton. Cette dernière avait pu se faire mal d'ailleurs, et Abey alla aussitôt en sa direction pour l'aider à se relever, laissant le soin à d'autres de récupérer le chargement de masques. « ça va toi ? » lui demanda t-elle de derrière sa manche. En l'observant, l'agent pouvait constater que l'étudiante ne semblait avoir subi d'attaques après son départ. Rassurée, elle s'apprêta à retourner questionner Aline sur le déroulement des opérations quand de nouveaux coups de feux se firent entendre, la faisant sursauter. L'hélicoptère arriva alors vers eux, opérant un virage imprévu.
« Encore des Purificateurs ? » S'interrogea t-elle à haute voix. Un autre coup, plus près cette fois. Déboula alors en trombe un mutant, auréolé d'une espèce de bouclier d'arcs électriques. Il courait en parallèle des voitures de polices, à une bonne cinquantaine de mètres sans les avoir vu. Il semblait venir de la même ruelle où étaient cachées peu de temps auparavant Amy Aline et elle-même. Mais avec toute cette fumée, difficile d'en être sûre. Lui courait après un type, un Purificateur, arme à la main, manteau noir flottant au vent, le visage maculé de sang. Il était manifestement animé d'une fureur complète. « CREVE PUTAIN D'ORDURE, T'AS TUE MON FRERE TU VAS CREVE JTE JURE TU VAS CREVER »
Abey obeit tout de suite à son premier réflexe : elle retourna auprès d'Amy en reculant, ne pouvant quitter la scène des yeux, la saisit par les épaules, et dans un geste de protection, l'emmena auprès des autres mutants, des blessés. D'instinct, elle craignait qu'Aline et ses collègues ouvrent le feu sur l'individu, et craignait une nouvelle vague de panique auprès de leurs rescapés. Vague qu'il faudrait contenir.

L'hélicoptère était toujours au dessus d'eux. Ils devaient flairer les images chocs à venir. Abey elle ne flairait plus rien, et depuis quelques minutes ses yeux commençaient à pleurer malgré elle, devenant rouges et se mettant à lui brûler. En chemin, elle s'empara de deux masques. Après avoir enfilé le sien, elle considéra la morphologie d'Amy de Lauro, et se demanda s'il lui était bien nécessaire, en fait...

Amy arriva enfin, avec une sorte de cascade bizarre, elle réussit à se vautrer en flanquant la moitié de son chargement par terre. Aline laissa alors le purificateur menotté pour accourir auprès de la jeune mutante.

-C'est nickel ! Merci. dit-elle en donnant une tape amicale sur l'épaule d'Amy

Elle et ses collègues s'emparèrent du carton et distribuèrent les masques à tout le monde. Aline enfila le sien avec un grand soulagement. Ses yeux et sa gorge pleuraient encore, mais elle ne sentait déjà plus l'atroce odeur de brûlé. Les masques avaient une bonne trentaine d'années, mais ils semblaient toujours fonctionnels.
http://www.gas-masks-from-all-the-world.fr/ru/GP%207%20VM%20-%20PMK%20.jpg
Elle était en train de s'offrir une bonne bouffée d'air pur quand de nouveaux coups de feu retentirent. Aussitôt elle dégaina son arme et se mit en position derrière la voiture. Un jeune homme entouré d'arcs électriques (un mutant, ça crevait les yeux !) courait dans la rue en face, poursuivi par un purificateur armé. Les intentions de chacun des deux ne faisaient aucun doute. Aline aurait voulu abattre immédiatement le poursuivant, mais une cible en mouvement, à cinquante mètres, avec son masque qui restreignait son champ de vision, elle avait peur de louper son coup. Il ne lui restait plus beaucoup de balles, et si l'arme du "purificateur" était chargée, il n'allait pas mettre longtemps à tuer le mutant.
Ce fut alors épique : Aline sauta par dessus le capot de la voiture de police et se mit à courir. Elle faisait aussi vite qu'elle le pouvait, et elle était très rapide. Son instinct de louve l'aida à calculer son coup, elle courut à en perdre haleine, puis quand elle estima être assez près banda ses muscles se sauta. Elle atterrit lourdement sur l'homme au manteau noir et ils roulèrent sur le macadam, s'écorchant coudes et genoux. Elle attrapa le poignet de l'homme et lui cogna la main plusieurs fois sur le sol pour le forcer à lâcher son revolver. Le terroriste se débattit, ses doigts griffant les hublots du masque à gaz. S'ensuivit une lutte sans merci. L'homme était costaud et enragé, mais Aline était aussi très sportive, et en matière de rage elle n'était pas en reste. Aline se fit arracher son masque, finalement elle n'en aurait pas profité longtemps. Les deux combattants avaient déjà le visage plein d'ecchymoses quand la policière coupa court à la bagarre en parvenant à saisir son arme et à en fourrer le canon dans la bouche du "purificateur".

-Donne-moi juste une bonne raison de ne pas repeindre la chaussée avec ta tête !

C'est vrai, ça, qu'est-ce qui l'empêchait de donner libre cours à sa colère en liquidant ce type qui, de toutes façons, le méritait ? Peut-être ces fouilles-merde de journaleux qui volaient au dessus de la rue en faisant un boucan pas possible avec leur engin. Tuer des terroristes armés, ça allait, mais une exécution sommaire devant les caméras de télé, ça risquait de lui retomber dessus. En même temps, que faire d'autre ? Il se remettrait à se débattre à la seconde où elle aurait ôté son flingue de sa bouche, et elle avait déjà utilisé ses menottes pour l'autre connard. Et le mutant qu'elle venait de sauver ? Qu'est-ce qu'il faisait ?

Ses paupières clauses sur ses membranes vertes, Nephilim était recroquevillée sur elle-même. Son cerveau était partagé entre l’adrénaline et la douleur due à la chute. Il y avait le bruit du feu, son odeur aussi, ainsi que celui des sirènes de la police et des voix humaines, plus un son lointain devant appartenir à un hélicoptère. Amy n’aurait su le dire, tant cela ne lui importait pas. Elle serrait les dents ; la douleur irradiait de son côté gauche. Elle ne pensait pas avoir de fracture, mais savait sa peau brûlée ou écorchée en maint endroit. Son bras et son coude étaient logiquement ceux qui avaient subis le plus de dégâts, mais son flan et sa jambe la faisaient également souffrir.

Des pas approchèrent de sa direction, mais l’italienne ne réagit pas pour autant. Elle avait poussé le carton, les autres n’avaient qu’à se servir, dans la limite des masques disponibles. Nephilim avait remplie sa tâche. La voix de l’agent Abey lui parvint, étouffée, prenant de ses nouvelles.

Amy ouvrit les yeux pour voir l’Agent, qui était penchée vers elle, un bras devant la bouche. Nephilim aurait aimé répondre par l’affirmative à la question qui lui avait été posée, mais essaya de se relever pour constater les dégâts. En effet, son bras et son avant bras gauche avaient été plutôt salement amochés ; râpés sur une bonne partie, ils laissaient s’échapper un peu de sang, mais l’étendue de l’écorchure faisait cependant que le membre se teintait de rouge. Il n’y avait cependant pas lieu de s’inquiéter : bien qu’étendue, la déchirure n’était qu’une plaie simple. Ce qui n’empêchait pas Amy d’en souffrir. Si son t-shirt y était passé, son jean avait mieux tenu, et par conséquent mieux protégé. Pour le haut, après la misère faite pour laisser libre place aux Ala-pulmos, ce n’était plus vraiment grave. Une fois encore, Nephilim fut heureuse de son contrôle sur ses ailes : elle les avait rétractées avant la chute. La blessure aurait été bien plus grave si c’était l’un de ses poumons qui avait été touché.

- Je… vais guérir,

Amy mobilisait toute sa volonté pour ne pas céder à la douleur ; s’il y avait blessure pire, elle-même n’était pas habituée à ce message nerveux, et avait du mal à le contenir. Bon Dieu, elle avait pourtant un Facteur Guérisseur ! Elle avait entendue dire qu’à l’Institut, d’autres mutants possédaient une version bien plus puissante de ce pouvoir, capable de régénérer les plaies en quelques secondes. Nephilim les enviait en cet instant, et ce concentrait sur sa guérison. Peut-être pourrait-elle forcer le processus, car à la différence des autres, son facteur n’était pas permanent. Jubilee lui avait enseignée le contrôle de son corps, ainsi peut-être le Facteur Guérisseur était-il contrôlable au même titre que les Ala-pulmos.

Alors qu’elle mobilisait sa volonté pour déclencher un don passif, encore à moitié allongée sur le bitume, de nouveaux coups de feu retentirent. Abey déclara tout haut ce que tout le monde pensait tout bas, et l’italienne du se redresser pour essayer de voir. Assise, se tenant le bras gauche du droit et serrant les dents, Amy regarda dans la direction de Mutant Town. Un être auréolé d’électricité verte courait, poursuivit par un homme armé – l’un des Purificateurs, même attitude, même barbarie, songea l’italienne, bien qu’elle ne parvenait à distinguer l’homme. L’Agent du B.A.M. saisit l’élève X-men par les épaules, l’aidant à se relever mais enclenchant un nouveau message nerveux, et dans un geste protecteur, la conduisit vers les autres civils rassemblés. La récurrence des quintes de toux devenait plus importante, alors que la fumée s’infiltrait avec le reste de l’air dans leurs poumons. Cela brulait, mais Amy était plus concentrée sur la douleur de son bras que sur ses poumons. Elle savait avoir moins à craindre que les autres de la toxicité des gaz, puisque son organisme absorbait également le dioxyde de carbone, mais ce n’était en rien une immunité contre la boucane.

Les deux agents de l’ordre avaient encore eut le comportement opposé : Abey avait pensé d’abord à la protection des civils, en occurrence d’Amy, auprès de qui elle se trouvait, tandis qu’Aline était montée au front, sans faire montre de doute ou d’appréhension. Nephilim commençait à se demander si le courage de la policière ne confinait pas à l’inconscience : il y avait probablement d’autres Purificateurs, ils ne s’étaient jusqu’à lors déplacés qu’en escouades. Visiblement, cette pensée n’effleura même pas l’agent Hortz, qui s’élança depuis la voiture et atterrit à l’encontre de l’agresseur, l’envoyant bouler au sol. Après quelques passes qu’Amy ne put distinguer, elle entendit clairement la voix d’Aline Hortz donner une dernière sommation.

Les propos choquèrent Nephilim ; ils étaient emplis de la même rage, de la même haine et de la même envie de tuer que ceux qu’avait prononcés le Révérend Stryker. La policière n’allait tout de même pas l’abattre de sang froid ? Alors que la peur transfigurait les traits de la jeune mutante, cette dernière ne put s’empêcher de crier.

- C’est un être humain !

Si vous le tuez, vous ne vaudrez pas mieux que lui,

En aidant Amy à se mouvoir, Abey remarqua qu'elle était en fait blessée à plusieurs endroits. Des blessures sans trop de gravités, mais qui lui faisait de toute évidence très mal. Aussi, ayant à peine rejoint le groupe des secourus qu'elle tenta de la faire asseoir. Abey se pétrifia quaand elle la vit crier après Aline Hortz. «...vous ne vaudrez pas mieux que lui » Oh Dieu... soupira intérieurement Abey.
«Tu restes là, tu guéris, et tu fais comme tout à l'heure!» Ordonna t-elle à l'étudiante d'un ton sec. «Rien d'imprudent !» Lui jeta t-elle encore alors qu'elle courait vers les voitures de police pour se rendre conte de la situation. Elle vit la policière à terre, ayant immobilisé le terroriste. De dos. Ses collègues policiers lui criait des questions, des ordres, mais Abey commençant à connaître cette dernière, elle doutait que cela soit d'une quelconque utilité. Elle resortit son arme avec un soupir «J'y vais» dit-elle simplement à Bernard, qui lui hôcha la tête en guise de réponse. Elle voulait s'assurer que la policière ne fasse rien d'irréfléchi, mais surtout voir ce qu'il était advenu du mutant électrique. Elle se déplaca prudemment jusqu'à Aline et son prisonnier, son pistolet pointé vers la rue d'où ils avaient surgi. Si le masque lui facilitait la respiration, il lui encombrait la vision. Elle n'en avait absolument pas l'habitude, et le grondement de l'hélicoptère n'aidait en rien.

«Aline, est ce que ça va ?» interrogea la mutante, sa voix rendue caverneuse par son masque. La question était idiote, mais en ce genre de situation, c'était tout de même rare qu'on ne sorte que des réparties fines. A la vision du canon dans la bouche, elle sentit qu'elle ne pourrait pas intervenir, tout était entre les mains de la policière. "Où est..."
"Je suis là" Abey se retourna, et vit le mutant de tout à l'heure les rejoindre. Il crachait à plein poumons, souffrant des toxines que sa course folle avait contribué à faire rentrer plus vite dans son appareil respiratoire. La mutante resta interdite. Comment est-ce qu'on aide un type qui génère de l'electricité sans prendre du jus ? «Allez vous mettre à l'abri» dit elle en désignant les voitures de police.

C'est alors que son téléphone portable sonna. Christian Mark. Son chef. Doutant de pouvoir parler avec le masque, elle préféra ne pas décrocher. Elle reçut derechef un sms : "On arrive. Un de l'hélico avec nous."
Abey rangea son téléphone. Tout cela n'avait pris que quelques secondes, et pensant que cela pouvait aider à calmer les ardeurs de la policière déclara «Le BAM arrive, ne faites rien d'irréfléchi.»
Alors, avisant que le mutant n'avait toujours pas bougé elle voulu esquisser un geste vers lui mais sauta en l'air à la place, avec l'impression que tout son corps avait été chargé d'énergie, de beaucoup trop d'énergie. A terre et complètement sonnée, c'est en levant les yeux qu'elle comprit que c'est le mutant bleuet qui avait provoqué cela. Tous ces membres tremblaient malgré elle, dûe à la charge reçue.
«La Confrérie ne veut pas du BAM pour se débarasser de ces connards !» Gueula t-il, hors de lui. Cela lui valut une bonne quinte de toux, mais qu'il s'efforça à vite maitriser, et darda sur elle un regard haineux.

La soirée aurait pû difficilement être pire. Le voyant se tourner vers Aline Hortz toujours avec des yeux furieux, la prenant peut être pour une autre agent du BAM sous couverture, un des policier lui tira dessus, et le loupa de peu. Abey savait que sortir son arme ne servirait à rien s'il pouvait la griller entre temps. «LES MAINS EN L'AIR» Cria une voix masculine de derrière les voitures. Peut être celle de Bernard, Abey n'aurait pas été sûre. Le mutant se retourna rageur vers la police, et ce laps de temps permit à la polymorphe de s'armer elle-même.
«Le BAM n'est pas venu pour vous, arrêtez d'être con!» cracha t'elle derrière son masque. Ras le bol de tous ces extrémistes... Quel monde de merde! Elle ne savait pas si elle préférait qu'il fuit ou attaque. Il ne se rendrait probablement pas, les mutants de Magneto avaient une sacrée réputation pour ça... Mais Abey était prête, et surveillait aussi du coin de l'oeil Aline et ses réactions...

(Déjà ?! Mais vous n'avez aucune pitié ! -_-)

L'agent Strauss accourut. Bizarrement, ses paroles apaisèrent un peu Aline. Le purificateur avait cessé de remuer. Aussi endoctriné et enragé qu'il était, la perspective de voir sa cervelle recouvrir le revêtement de la chaussée ne le tentait pas. Tout aurait pu aller en s'arrangeant, mais bizarrement le mutant n'avait pas l'air ravi qu'on lui aie sauvé la vie.

-La Confrérie ne veut pas du BAM pour se débarasser de ces connards !

Un confrériste ! Manquait plus que ça ! La seule chose qu'Aline détestait plus que les fanatiques anti-mutants, c'étaient les fanatiques anti-humains. Avoir peur des mutants c'était une chose, ils représentaient une part d'inconnu qui pouvait mettre mal à l'aise les personnes étroites d'esprits. Mais être mutant et vouloir éliminer les humains c'était d'une débilité sans nom ! Les confréristes avaient-ils tous oublié qu'ils étaient nés humains, de parents humains ?
Le mutant se dirigea vers Aline avec un air furieux, probablement pour s'occuper lui-même du purificateur. Un coup de feu claqua alors du côté de la barricade.

-LES MAINS EN L'AIR !

Oh non ! Bernard ! Il s'était toujours montré protecteur envers Aline, même si elle n'en avait pas vraiment besoin. L'ennui, c'était que ça avait encore plus énervé le mutant, qui commençait à déchaîner ses arcs électriques. Aline ne réfléchit pas. Elle rangea son Beretta dans son étui et se leva du purificateur (qui de toutes façons n'était pas en position de ramener sa fraise). Elle ramassa alors le gros revolver .357 Magnum qu'elle avait fait lâcher au terroriste, ouvrit le barillet, vida les balles restantes qui tombèrent sur le sol avec des tintements métalliques...puis elle jeta l'arme à la figure du confrériste. Inutile de chercher à expliquer ce geste d'apparence un peu puérile, ça lui était juste venu comme ça. Toujours est-il que le mutant reçut le revolver en plein front et recula de quelques pas en titubant. Aline avança aussitôt vers lui en hurlant, désarmée mais néanmoins menaçante.

-STOP ! J'en ai plein le cul des fanatiques de tous poils ! Je hais ces connards d'anti-mutants, je voudrais qu'il soient tous morts ! Mais je déteste tout autant les connards de confréristes qui ne valent pas mieux !

Le mutant ne réagit pas. Il semblait un peu sonné. Un peu de sang coulait de son cuir chevelu. de toutes façons, c'était toujours mieux que s'il avait reçu une balle.

-Moi et mes collègues on fait juste partie de ces connards d'humains que vous voulez massacrer, et pourtant on est venus ici risquer notre peau pour sauver la peau de tes camarades mutants ! Alors mon p'tit père, tu fais pas chier et tu vas te mettre à l'abri avant que je me charge moi-même de t'envoyer à l'hôpital ! VU ?!

En pétard comme elle l'était, avec son uniforme lacéré et taché de sang, ses écorchures un peu partout, ses yeux rougis et ses pupilles qui étaient redevenues jaunes, Aline était vraiment intimidante. Et quand elle parlait d'envoyer le confrériste à l'hôpital, elle envisageait sérieusement de le frapper jusqu'à ce qu'il perde connaissance s'il refusait de se calmer.

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