Arlequin, Colombine et Polichinelle (Vermine)

"Ouaaah ! Nom de Dieu d'nom de Dieu !"*

Maëlys Duval, alias Neko, la jeune mutante aux caractéristiques féline filait dans les couloirs, déboulant avec la finesse d'un rhinocéros. Ce matin-là, le professeur Xavier l'avait convoquée dans son bureau.

-Bonjour, Maëlys. Comment vas-tu en ce moment ?
-Ça va, ça va. Je me donne bien à fond en cours, comme vous l'aviez demandé, et j'ai fait tout ce que voulait le prof McCoy. Vous vouliez me voir ?
-Oui. Ça va te plaire, je pense. C'est au sujet de Vermine.

Neko avait sursauté en entendant le nom de son amant, le visage illuminé, les oreilles dressées.

-Ça y est ? Vous êtes d'accord pour qu'il revienne à l'Institut ?
-Oui.
-Oh ! Super ! Merci beaucoup ! Je vais tout de suite essayer de le joindre pour qu'il vienne.
-Tu n'auras pas à te donner cette peine. Il est déjà ici.
-QWÂ ?!!

Maëlys avait bondi de son siège pour se pencher au dessus du bureau du professeur.

-Mais...depuis quand ?
-Hier.
-HEIN ?! Mais pourquoi personne ne m'a rien dit ?

La fille-chatte s'était déjà dirigée vers la porte quand le professeur l'avait retenue.

-Un instant. Je ne t'en ai pas parlé plus tôt pour une bonne raison.
-Ah bon ?
-Oui. Tout d'abord, je dois te féliciter, j'ai pu constater que tu avais fait de gros progrès pour le retour de ton ami. Mais à présent c'est à son tour de prouver qu'il a sa place ici. Il a fait de grosses erreurs, qu'il doit racheter. Il a passé la journée d'hier à travailler, je voulais être sûr du résultat avant de vous confronter.
-Et...maintenant ? Je peux aller le voir ?
-Vous êtes restés séparés suffisamment longtemps. Va donc le rejoindre.

Maëlys s'était sentie gênée de penser que Xavier avait probablement lu dans ses pensées tout ce qu'elle avait fait avec Vermine, mais qu'importait. L'heure des vraies retrouvailles avaient enfin sonné. Et ça tombait bien puisqu'elle avait une nouvelle importante à lui annoncer.

-Merci, Professeur. J'y vais tout de suite !
-Maëlys ?
-Oui ?
-Sois patiente avec lui, il ne réagira peut-être pas comme tu l'attends.
-Mais arrêtez de lire dans la têteuuuh !

Et à présent, la voilà qui atteignait le dortoir des garçons et qui se dirigeait vers la chambre qu'on lui avait indiquée comme étant celle de vermine. Enfin, elle se retrouvait devant la porte de son amoureux, hésitant à frapper. Oh, pourvu qu'on ne l'ait pas mis avec un colocataire ! Enfin, elle prit son courage à deux pattes et frappa doucement.

-Vermine ?

(* En français dans le texte)

Quoi ? On avait frappé ? Vermine n’en était pas très sûr. Il fallait dire qu’il avait les écouteurs de son baladeur bien enfoncés dans les oreilles et la musique bien à fond. Enfon, « son » baladeur, c’était vite dit. Rien, dans cette pièce, n’était à lui. Du contenu des placards à ce qu’il portait, tout était propriété de l’Institut. Mais cela ne le dérangeait pas. Il était contant d’être ici. Ce n’allait pas être facile de se replier aux exigences de la vie en société, mais il était prêt à fournir les efforts nécessaires.

En attendant, Ernest retira ses écouteurs et se redressa. Il était maintenant assis sur son lit. Il portait un blue-jean et un tee-shirt rouge. Une paire de chaussures adaptées à ses pattes griffues se trouvaient au pied du lit. Pour l’heure, il était pieds-nus. La force de l’habitude lui rendait difficile de se chausser. A part ça, il était propre, lui et ses habits. Son lit était fait. La pièce était parfaitement bien rangée. Il était le seul à y dormir, aucun colocataire. Il avait en effet été jugé préférable de laisser au garçon un brin de tranquillité qui ne manquerait pas de faciliter sa réinsertion. Il était désormais de notoriété public que son caractère était tout sauf facile.

-Entrez ! cria l’hybride.

Il n’avait pas entendu l’appel qui avait suivi les coups contre la porte, il ne savait toujours pas s’il y avait effectivement quelqu’un derrière cette porte. Mais bon, à tout hasard… D’une pression du doigt, il arrêta la lecture du CD dans le baladeur puis il attendit.

Maëlys ouvrit la porte. Vermine était là, installé sur le lit, le baladeur aux oreilles, propre et vêtu d'habits adaptés à sa morphologie. En plus il était seul dans al pièce. La mutante baissa les yeux. Non, ce n'était pas un rêve : elle avait toujours autant de poitrine qu'à 10 ans. Elle aurait voulu faire preuve de retenue et de classe, comme dans les films. Avancer avec timidité, prendre Vermine dans ses bras avec sensualité et pleurer sur son épaule. Mais une invitation pareille ne se refusait pas.

-WEOW !

Neko bondit sur le lit, faisant rebondir Vermine qui failli heurter le plafond (les lits de l'institut étaient remarquablement moelleux) avant de retomber sur elle.

-Ouille ! Aïe ! Héhé ! Salut Vermine !

Maëlys se redressa et serra l'enfant-rat contre elle.

-Tu m'as manqué ! Ça y est, tout est arrangé, tu pourras rester avec moi.

Elle ne savait trop par où commencer. Ca lui faisait toujours cet effet quand elle retrouvait son amant, elle ne savait plus quoi lui dire alors que lorsqu'il était loin elle trouvait toutes sortes de question à lui poser. Il y avait bien quelque chose d'important à dire, mais elle ne savait pas si elle devait le lui annoncer brut de pomme. Xavier avait peut-être raison, et s'il prenait peur. Elle venait juste de le retrouver, ce n'était pas pour le perdre à nouveau aussi vite.

Maëlys ! Vermine n’est pas surpris. Il savait que tôt ou tard, il allait la retrouver. Et d’ailleurs, s’il n’avait pas eu tant à faire depuis son retour, cela aurait eu lieu bien plus tôt. La voyant apparaitre, son esprit alla comme d’habitude à totue vitesse, mais pas son corps. Il voulut se lever, aller à sa bien aimée, mais il eut tout juste le temps de dire :

-Maëlys !

Neko, avec sa délicatesse habituelle, lui fonçait déjà dessus. Le lit, l’espace d’un instant, se mua en trampoline. Plongeant du chat, vol du rat, réception du second sur le premier. Plutôt bien disposé, Ernest eut un sourire devant cette entrée en matière assez sportive.

-Et bien, t’as l’air en plaine forme ma grande, fit-il en se débarrassant de son baladeur en le jetant, précautionneusement, sur l’oreiller.

Ce n’était pas le moment de commencer à casser quelque chose. Ceci fait, Vermine attrapa le cou de son amante et déposa sur ses lèvres un vigoureux baisé. Autant poursuivre sur la même lancée, non ? Déjà, il avait envie d’aller plus loin. On le sentait. Il ne cherchait pas à minimiser les contacts.

-Toi aussi tu m’as manqué. Je suis là maintenant, c’est fini toutes ces séparations. Et le BAM peut aller au diable.

Puis, se hissant sur les épaules de la féline, glissant son museau jusqu’à son oreille gauche, il ajouta :

-Et ici, on est bien plus tranquille que dans les buissons de Central Parc. Tu ne trouves pas ? Qu’est-ce qu’on s’était promis, déjà, lorsque ce moment arriverait ?

Il mordilla l’oreille de Neko puis se retira. Un large sourire trônait sur son visage bestial de rongeur.

Vermine venait enfin d'ouvrir la bouche depuis que la porte s'était ouverte. Et ce n'était pas rien puisqu'il avait commencé par offrir à la féline le meilleur baiser qu'elle avait jamais reçu depuis...ben...depuis leur dernière rencontre.

-Et bien, t’as l’air en pleine forme ma grande.
-Un peu, mon n'veux ! Je me porte comme un charme depuis que je sais que tu est entre les quatre murs de l'Institut. Ce fut si long...mais enfin te voilà.

Elle exagérait un peu, car avant l'arrivée de Vermine à l'Institut, elle était déjà mieux qu'auparavant. Les épreuves qu'elle avait subi depuis l'arrestation de Vermine n'avait mûrie. C'était d'ailleurs grâce à ça qu'elle avait pu assumer les choses là où une gamine de 15 ans aurait pleurniché.

-Toi aussi tu m’as manqué. Je suis là maintenant, c’est fini toutes ces séparations. Et le BAM peut aller au diable.
-C'est clair ! Si jamais un agent du BAM s'approche à plus de 10 mètres de toi je le mords !

Cela fit glousser Neko. Durant l'absence de Vermine, elle avait aussi eu plusieurs fois l'occasion de mordre les autres résidents de l'Institut pour rigoler, et à chaque fois ça avait donné lieu à des scènes assez cocasses. Elle avait sur son ordinateur un fichier avec toutes les photos des élèves découvrant avec des yeux grands comme des assiettes leur nouveau corps après leur métamorphose. Heureusement que l'effet de l'enzyme présente dans la salive de Neko était temporaire, ou bien il ne resterait au manoir plus beaucoup de personnes d'aspect humain.

-Non, franchement, je suis vraiment heureuse que tu sois ici. Avec la Confrérie, j'avais vraiment peur de te perdre pour toujours.
-Et ici, on est bien plus tranquille que dans les buissons de Central Parc. Tu ne trouves pas ? Qu’est-ce qu’on s’était promis, déjà, lorsque ce moment arriverait ?

Le sourire de Neko se figea avant de disparaître progressivement. Elle avait bien envie de tenir sa promesse vis-à-vis de Vermine en lui offrant un moment de douceur comme il n'avait pas dû en connaître depuis un moment, mais elle ne savait pas si elle pouvait se le permettre. Et valait-il mieux lui annoncer ce qu'elle avait à annoncer avant ou après l'acte ? Elle resta un instant figée, comme buggée, puis elle se remit à sourire et décida de soulager sa conscience. Après tout, il valait peut-être mieux éviter d'annoncer plus tard à Vermine qu'ils avaient fait un shampoing à leur fils...

-Vermine. J'ai un truc important à t'annoncer. Je ne sais toujours pas si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle, mais tu promets de ne pas crier, d'accord ? Alors...ben...Vermine...je suis...enceinte...

Lorsque le sourire de Neko se figea, Vermine se mordit la lèvre inférieur. Il avait fait une bêtise, il en était sûr. Sans doute avait-il été trop brusque ou quelque chose du genre. Ou peut-être qu’il valait mieux ne pas faire la chose ici. En tout, confus, il se dégagea légèrement. Il resta assis sur les genoux de la féline, sans la coller. Il l’observait, il l’écoutait, inquiet. Il formulait déjà mentalement des excuses, de quoi dédramatiser la situation, puis il abandonna. Non, ce n’était pas ça, il n’avait pas fait de bêtise. Il s’agissait d’autre chose. A mesure que son amie s’exprimait, il cherchait à la devancer de ses pensées, à deviner la cause de sa gêne. Mais il n’y parvint pas.

Quand le dernier mot fut prononcé, ce fut au tour d’Ernest de se figer. Pour lui, c’était une douche froide et encore, c’était peu dire. La nouvelle était mauvaise, sans nul doute. En tout cas, pour lui, elle l’était. Et on le vit si clairement sur son visage que la demoiselle en allait peut-être être effrayée. L’enfant-rat était de nature peu aimable. Cela n’allait pas l’aider à aborder cette catastrophe avec bienveillance. Fallait-il rappeler à quel point il était égoïste ? La fille chatte, à force de l’aimer, en avait sans doute oublié tous les mauvais côtés de la personnalité de son amant. Mais comment lui en vouloir ? Ne dit-on pas que l’amour est aveugle ? En attendant, l’hybride rat semblait déjà terriblement distant. Il ne cria pas. Non, il ne dit rien. Et c’était cent fois pire.

Lentement, il descendit de Maëlys. Il retourna au sol. Il jeta un coup d’œil à la porte comme pour s’assurer qu’elle était bien fermée. Ceci fait, il refit face à Neko.

-C’est pas une blague ? dit-il, d’une voix presque acide.

Il n’attendit pas de réponse et poursuivit.

-Non, évidement que ça en n’est pas une. Après tout, c’est si logique.

Combien de rapport ? A chaque fois, ni Vermine, ni Neko, n’avaient prit la moindre précaution. Et pas une seule fois Ernest avait pensé à ça. Pas une seule fois il n’avait songé aux conséquences de ses actes. Mais après tout, quel âge avait-il ? 13 ans ? Etre surdoué ne le rendait pas pour autant mature. Pourtant, par certain côté, il semblait si adulte. A mois que ce ne soit simplement une absence d’innocence. Vermine avait été appelé à grandir trop vite.

-Je suis père à 13 ans ! J’arrive même pas à m’occuper de moi-même et j’ai un gosse ! J’ai 60 ans de prison à purger, aucun emploi, aucun revenu, aucune situation, une scolarité à terminer, une vie à reconstruire, et j’ai un gosse !

Sa voix, d’acide, devenait agressive. C’était visible comme le nez au milieu de la figure, Vermine ne pouvait pas assumer ce qui arrivait. Il refusait tout bonnement d’essayer. Mais il ne se laissa pas aller à la colère, il sembla un peu se calmer. Choisissant comme prétexte de ranger le baladeur dans l’étagère, il se détourna de Neko. D’un ton presque détaché, il lui posa la question fatidique.

-Qu’est-ce que tu compte en faire ?

Il fallait entendre par là « tu penses le garder ? ».

Maëlys s'était bien doutée que ce ne serait pas simple. Elle sentait Vermine quelque peu désarçonné par cette nouvelle, et cela pouvait se comprendre. Il avait 13 ans, et elle en avait 19, c'était trop jeune pour être parents. Vermine lui avait toujours semblé mature, mais à présent elle sentait qu'il ne l'était pas assez pour faire face à ce genre d'évènement.

-Je suis père à 13 ans ! J’arrive même pas à m’occuper de moi-même et j’ai un gosse ! J’ai 60 ans de prison à purger, aucun emploi, aucun revenu, aucune situation, une scolarité à terminer, une vie à reconstruire, et j’ai un gosse !

Neko ne répondit pas. Elle n'aimait pas beaucoup le ton employé par Vermine pour énoncer les faits, c'était un peu comme s'il l'accusait elle d'être tombée enceinte. Encore une fois, elle le sentait bouillir d'une colère intérieure un peu égoïste et même un peu enfantine, et il ne tenait qu'à elle de désamorcer la grenade dégoupillée. Le tout était de réussir à bien choisir ses mots.

-Qu’est-ce que tu compte en faire ?

Maëlys fut tentée de répondre "Oh, je pensais le mettre en haut de mon étagère pour décorer !", mais le moment n'était pas à la plaisanterie. Elle prit un instant pour choisir ses mots, puis répondit franchement.

-En toute honnêteté...je ne sais pas. Moi aussi j'aurais du mal à m'en occuper, je ne suis même pas capable de m'occuper d'un tamagochi, alors un vrai bébé... D'après le toubib je suis seulement enceinte de deux mois, il est encore temps pour un avortement. Après, j'imagine qu'on ne devient une bonne mère qu'en pratiquant, et ça risque de me faire tout drôle...mais ça ne repose pas que sur moi. C'est clair que je n'arriverais pas à m'en occuper toute seule, j'aurais plus que jamais besoin de ton soutien inconditionnel. Donc, finalement, c'est à toi que revient la décision. Si tu veux bien m'aider, nous le garderons et essayerons de former une famille. Mais si tu ne t'en sens pas capable, j'irais me faire avorter, le professeur Xavier a dit qu'il me donnerait de l'argent pour ça. J'ai fait tout ce que je pouvais pour qu'on soit ensemble, je ne veux pas avoir de bébé, si ça doit nous séparer.

Voilà qui était dit. Après, est-ce que Vermine était capable de prendre une décision aussi grave en y réfléchissant comme un adulte et pas comme un gosse de 13 ans ? Autant l'aider un peu. Neko enleva son tee-shirt (sa poitrine commençait tout doucement à pousser) et posa la main de Vermine sur son ventre, puis le regarda dans les yeux.

-Je veux avoir un enfant de toi un jour ou l'autre, mais je comprend que c'est sans doute encore trop tôt, et nous aurons le temps d'y réfléchir dans quelques années. Mais pour l'instant il me faut une réponse rapide. D'après les échographies c'est encore un simple embryon tout moche, je n'ai pas encore eu le temps de m'y attacher, mais plus on attendra plus j'aurais du mal à m'en séparer. Alors je te le demande aujourd'hui : toi, Ernest Lenoir, veux-tu de cet enfant-là ?

Maëlys, par son calme et ses paroles conciliantes, évita qu’un drame n’arrive. Car un drame, il aurait put y en avoir un. Vermine n’était pas un individu des plus stables. Plus d’une fois, il avait déjà perdu les pédales et le choc de cette nouvelle aurait très bien put le faire sombrer dans un état inquiétant, voir dangereux. Mais il n’en fut rien et Neko pouvait se féliciter. Le visage de l’enfant-rat, sans redevenir jovial, parut un peu moins sinistre, un peu moins distant. Le garçon sembla plus à présent intimité et inquiet qu’autre chose, des sentiments déjà plus modérés.

Il écouta, il ne dit rien. Il se laissa faire lorsque Maëlys lui prit la main pour la poser sur son ventre. Voulait-il de cet enfant ? Non. C’était clair et net. Il aurait presque put le voir comme un obstacle entre lui et son aimée. Mais à présent plus modérée, son jugement le conduisait à penser que ce n’était tout simplement pas raisonnable. En toute honnêteté, il ne se sentait pas capable d’assumer cette charge. C’était une responsabilité trop lourde pour lui. Mais il n’était pas adulte, certes, mais il était assez grand pour comprendre qu’être père, ce n’était pas qu’un mot. Et il ne voulait pas l’être. Le voudrait-il un jour ? Il ne savait pas. Il devrait y réfléchir. Mais une chose était certaine, avant que cela puisse être envisageable, il avait encore beaucoup de chose à apprendre. Il devait reprendre sa propre vie en main. Neko n’avait pas l’air hostile à l’avortement. Cela ôtait un poids terrible de l’estomac d’Ernest. Il ne répondit pas tout de suite à la question mais ce n’était que pour choisir ses mots. Sa décision, depuis le début, était déjà prise.

-Non, fit-il enfin, d’une voix ferme, en regardant la demoiselle droit dans les yeux.

Il marqua une petite pause, il enleva sa main du ventre de la féline. Il s’écarta d’un pas puis reprit.

-Je peux encore y réfléchir mais ça me semble si impossible de dire oui. Ce bébé, c’est un accident. On aurait dut prendre des précautions et, à l’avenir, on en prendra. Mais on peut pas le garder. Je suis trop jeune. Même si je le voulais, je ne pourrais pas t’aider. J’ai déjà tant de mal à m’assumer moi-même. Quelle vie on pourra lui donner ? Non, vraiment, on ne peut pas. Si tu veux un enfant de moi, laisse-moi le temps d’être un adulte. En attendant, si tu es disposé à avorter, alors n’attends pas. S’il faut que je t’aide, d’une façon ou d’une autre, s’il faut que je soit là, t’as qu’à demander.

Ernest se rapprocha de Neko. Il poursuivit avec tendresse.

-La prochaine fois que tu auras un bébé, il sera voulu. Et on sera prêt pour l’accueillir à la sortie. On fait comme ça ?

Voilà, ainsi la crise était avortée (en attendant que ce soit au tour du bébé). La réponse négative n'étonna pas Maëlys. Ni lui ni elle n'étaient prêt pour une telle responsabilité. Au delà du malaise, la fille-chatte était tout de même en partie soulagée. Il paraît que la naissance du premier enfant ruine la vie de couple, et puis la perspective d'avoir un alien dans le ventre pendant neuf mois ne l'enchantait guère. Elle se sentit un peu honteuse d'avoir de telles pensées. Elle n'avait aucune expérience en termes de maternité, mais il lui semblait qu'elle devrait se sentir coupable de tuer son enfant avant sa naissance. Enfin, mieux valait le faire tout de suite, tant que ce n'était qu'un bout de chair informe et sans visage. Cependant, elle ne put s'empêcher de se demander secrètement à quoi aurait ressemblé un enfant né de l'union entre une fille-chatte et un garçon-rat. Pour sûr, ça aurait été cocasse. Elle ne savait même pas si ça aurait été un garçon ou une fille. Enfin, ça avait finalement peu d'importance.

-La prochaine fois que tu auras un bébé, il sera voulu. Et on sera prêt pour l’accueillir à la sortie. On fait comme ça ?

Voir Vermine redevenir tendre acheva de la rassurer.

-Ça ma va, on fait comme ça. Je prends rendez-vous dès lundi prochain. Par contre, je te demanderais juste de venir avec moi pour...l'avortement. Lise m'a raconté comment ça se passait, et même si je ne suis toujours pas convaincu qu'elle dise la vérité ça m'a foutu une sacrée trouille. Tu es d'accord ?

Neko se sentit un peu bête de dire ça, mais la perspective de l'opération l'effrayait autant que celle de la première fois où elle avait pris l'avion.

Les amoureux en étaient donc au stade où ils se regardaient l'un-l'autre pensivement. Les deux avaient évolué depuis leur première rencontre. Ça prouvait que leur relation, quoique chaotique, ne pouvait pas être entièrement vouée à l'échec.

-Remarque, l'un des avantages à être enceinte c'est que j'aurais enfin eu des gros nichons.

Maëlys palpa un peu ses minuscules seins d'adolescente. Grande fan de culture japanime, elle avait été fortement marquée par toutes les héroïnes de manga aux poitrines opulentes dont raffolaient les jeunes nippons. Elle aussi, aurait bien aimé faire saigner Vermine du nez en lui montrant ses roberts.

-Si tu n'y vois pas d'inconvénient, je préférerais éviter d'avoir des relations sexuelles tant que je ne me serais pas fait avorter.

Elle se décala un peu sur le bord du lit pour se rapprocher de Vermine.

-Mais ça ne m'empêche pas de faire ça.

Elle se pencha et colla ses lèvres sur celles de Vermine en ronronnant. Elle le renversa sur la couette en continuant de lui rouler une pelle magistrale. Après tout, ça aurait été dommage de se revoir après tout ce temps pour finalement ne pas pouvoir faire un geste d'éclat romantique.

-Tous les deux, on est à mille lieux des saints préceptes de la mode. Tu les vois les autres filles, et même les gars, qui s’épilent pour être classe ? Ha, ha, on aurait du travail, poilus comme on est, pour les suivre sur cette voie. Ils cherchent tous à suivre les mêmes modèles, ils finissent par tous se ressembler. Pour eux, nous sommes des monstres, des bêtes. Mais nous, on est authentique !


Neko gloussa. Le voilà qui devenait flatteur. Il faisait souvent ça après une crise évitée. C'est qu'elle commençait à bien le connaître.

-C'est clair. Avec des implants en silicone, je ne pourrais plus dire du mal des bimbos sillonnées. à quoi je passerais mes journées, alors ? Et puis le poil c'est plus confortable, non ?

Elle se blottit un peu plus contre son rat.

-Et toi, comment tu le trouve ton rat, je veux dire physiquement ?
-Je dirais...beaucoup mieux depuis qu'il a pris une douche et passé des vêtements propres. Après, tu resteras toujours ma petite boule de poils préférée.

Elle lui gratta un peu la couenne, dans un geste plus familier que sensuel.

-Notre relation ira mieux avec un peu de stabilité. Il faudra juste que tu perdes ta mauvaise habitude de te faire enlever à chaque fois.

C'est clair que ça changeait du stéréotype habituel de la fille qui se faisait kidnapper et qui devait compter sur son homme pour sauver ses fesses. Mais maintenant qu'elle l'avait sous la main, pas question de laisser Vermine se faire enlever par le premier psychopathe venu.

-Hé, mais j’y suis pour rien si tous les avants fous de la planète son fan de moi ! rétorqua en riant Ernest. Je suis le plus classe des cobayes !

Il s’amusait d’un sujet dramatique. C’était justement une façon de dédramatiser que de tourner la chose en dérision. Et puis, en présence de Neko, il ne craignait rien. C’était comme s’il se pensait surpuissant. Il protégerait son aimée contre tous les dangers et elle ferait de même. Quelle union parfaite !

-Mais juré, les savants fous devront se passer de moi désormais. Parce que je suis tout à toi.

Il redoubla de tendresse envers la demoiselle. Bisous et caresses à volonté. Il voulait l’entendre ronronner. Il voulait la savoir heureuse. Il n’y avait qu’une personne en ce monde pour qui il ne compterait jamais ses efforts et elle était dans ses bras.

-De plus, je préfère le job de peluche préférée de Miss Neko, c’est tellement plus intéressant.

Sourire coquin. Sur ce, il ôta à son tour son tee-shirt, se mettant torse nu. Il abandonna l’habit sans trop savoir où, il l’avait jeté derrière lui sans regarder. Sous son pelage couleur cendre, on devinait assez facilement sa musculature. Certes, elle restait discrète mais la maigreur d’Ernest la mettait en évidence. L’enfant-rat avait une vie décidément très sportive. De plus, les entrainements de Léo avaient été plus que fructueux. On commençait nettement à le voir sur le physique de l’hybride, physique évoluant en entrant dans l’adolescence. Le garçon ne faisait plus si enfant que ça.

-J’vais squatter le gymnase pour me sculpter un corps de rêve. Ton homme sera toujours un nabot mais je compenserais par la carrure. Comme ça, j’aurais pas trop l’air ridicule à côté de ta divine perfection féline.

Nouveau petit sourire.

-Profite donc de ta boule de poils. Elle est revenue juste pour toi.

Et Vermine se relança dans les câlins. Il se frottait contre Neko, fourrure contre fourrure, ce qui lui procurait toujours un bien fou.


Un homme à l’air très strict et au costume sombre pénétra dans l’Institut Charles Xavier. Il fut accueillit par une personne de l’administration. Après les salutations d’usages, il demanda très vite à s’entretenir avec le directeur des lieux. Ce serait bref.

Dire que Neko était heureuse d'avoir retrouvé son rat aurait été un euphémisme. Avec cette partie d'elle-même revenue, elle se sentait à nouveau complète.

-Profite donc de ta boule de poils. Elle est revenue juste pour toi.

Pour ça, pas de danger. Elle avait bien l'intention de rattraper chaque seconde où elle s'était sentie seule après l'épisode du studio DMP. Ce dernier évènement l'avait d'ailleurs profondément marquée et elle en avait encore fait des cauchemars la semaine passée. Mais elle sut d'office qu'elle ne cauchemarderait plus tant que Vermine serait auprès d'elle.
En voyant Vermine sans son tee-shirt, elle put constater qu'il avait bien grandi. Tant mieux, elle se sentirait moins coupable. Voilà, ils avaient l'après-midi devant eux et, avec un peu d'imagination, des tas de façons de s'amuser à deux sans avoir d'échanges sexuels à proprement parler. Elle commença donc à jouer avec Vermine, comme un chat jouant avec sa proie. C'était sa façon de faire, très influencée par sa nature féline. Vermine avait beau être une forte tête, en amour c'était Maëlys qui dominait. Elle joua avec Vermine, le mordillant, le griffant un peu. Aujourd'hui, c'était un peu différent de la douceur habituelle. Aujourd'hui, elle chassait. Elle arracha le pantalon de Vermine avec les dents, et joua à le poursuivre à travers la chambre. Bien sûr, ce n'était pas pour de vrai. Ils avaient bien vu ce qu'il se passait quand l'un d'eux essayait de mordre l'autre...

-YAHÂÂÂÂÂÂÂÂÂ !!!

Neko bondit sur Vermine, les deux roulèrent par terre et heurtèrent la porte de la chambre, qui s'ouvrit avec fracas. Les deux hybrides se retrouvèrent donc sur la moquette du couloir, ce qui n'arrêta pas les ardeurs de Maëlys qui continua de frotter Vermine contre elle en ronronnant.

-Neko ! Mais… heu, t’es surexcité là !

Ernest était hilare. Jamais, au grand jamais, il n’aurait cru voir son aimée aller si loin, surtout pas après l’annonce du bébé et le désir de ne pas avoir de relations sexuelles. Elle s’était mis à le griffer, à le mordiller. Ça l’avait bien amusé. Il commença à entrer dans son jeu, à la fuir, à faire la souris en quelque sorte. L’excitation de la féline était allée croissante et voilà que Vermine se faisait arracher son pantalon. Mais attention, pas de n’importe quelle façon ! Non, elle y alla avec les dents la bougresse ! Incroyable ! L’enfant-rat avait presque l’impression de revoir Maëlys en chaleur. En attenant, il n’était plus vêtu que de son caleçon et la chatte lui bondissait dessus. Il esquiva. Le voilà poursuivit dans la chambre. Non, mais c’était vraiment incroyable !

-Arrête, on va se faire engueuler !

Il disait cela, mais lui-même continuait car il avait envie que cela continue. Il commençait à être pas mal excité. Il avait l’impression que la situation lui échappait. Neko était plus forte que lui. Elle menait cette curieuse danse. Et Ernest s’amusait à la suivre, à rester dans son rôle qui lui plaisait tant. Il ne se déplaçait plus qu’à quatre pattes, comme un vrai rat. Son physique le lui permettait de toute façon parfaitement. Il narguait son amour, se fait attraper, riait, s’échappait. Et voilà la poursuite qui reprenait. Il avat dans l’idée d’essayer de déshabiller Neko mais n’y parvenait même pas.

A la suite d’un plongeon de la féline, le couple surexcité se retrouva dans le couloir. Il commençait à faire un sacré bouquant mais peu importait. Les voilà entrain de se frotter l’un contre l’autre. La main de Vermine réussit enfin à abaisser le pantalon de Maëlys jusqu’au niveau de ses genoux. Un coquin calcul le poussa à arrêter là. D’un rapide coup de langue, il lécha le museau de son amante puis, tirant profit de sa grande agilité, il lui échappa.

-Ton rat se barre ! C’est bête ! fit Ernst en partant en courant dans le couloir des dortoirs, toujours à quatre pattes, toujours en caleçon.

Si son petit plan fonctionnait, Neko allait se retrouver entraver par son propre pantalon pour entamer la poursuite. Après, dieu seul savait comment elle remédierait au problème. Ici et là, des portes s’entrouvraient et des regards curieux s’y glissaient. Que se passait-il donc ? Les élèves peinaient à en croire leurs yeux.


-Il est essentiel que notre jeunesse, même mutante, puisse s’épanouir dans des conditions optimales ! déclara le strict individu.

Il venait de sortir du bureau de Xavier et allait entamer son inspection de l’Institut. Car voyez-vous, monsieur était inspecteur des affaires familiales. Son guide, un jeune homme dynamique de l’administration, semblait un peu stressé. Ce fut lui qui répondit.

-Oui, c’est essentiel. Et bien, si vous voulez bien me suivre, nous allons commencer la visite.
-Bien. Allons-y. Je veux tour voir, le moindre détail compte.

Mais quel phénomène cet inspecteur ! Avec ses yeux de fouine et son air inquisiteur, on le pensait prêt à chercher le moindre petit défaut insignifiant. D’ailleurs, son fidèle bloque-notes était déjà en position dans sa main gauche. Le guide soupira intérieurement. Il n’y avait plus qu’à espérer que tout se passerait bien.

Là, c'était fini. Maëlys, une fille d'habitude si raisonnable, aurait été la première à dire stop lorsque le jeu avait commencé à aller un peu trop loin (au sens propre comme au sens figuré, à travers les couloirs de l'Institut), mais là elle avait décroché et se laissait aller aux plaisirs du jeu. C'est donc sans hésitation qu'elle jeta son pantalon pour courir après le rat géant à quatre pattes, vêtue seulement de sa culotte. Quelques résidents alertés par le bruit ouvrirent leur porte pour voir ce qu'il se passait, et s'empressèrent de refermer. La course se poursuivit, Neko rattrapant plusieurs fois son aimé, mais le relâchant vite pour avoir de nouveau le plaisir de lui courir après.

-Haha ! Si je t'attrapes, j'vais te dévorer tout cru !

Non, non, pas de débordements. Neko s'était bien entraînée et elle savait jusqu'où elle pouvait aller sans se faire submerger par ses instincts félins. Le couple traversa en trombe le hall d'entrée. Là, Vermine escalada une grande armoire en noyer massif et se réfugia au sommet. Mais il en fallait bien plus pour décourager Neko, qui se mit à sauter pour essayer de l'attraper, battant des bras en miaulant furieusement et remuant le meuble qui semblait sur le point de s'écraser par terre.

-Vous pouvez déjà constater la propreté du hall, hasarda le jeune administratif, mal à l’aise.
-Certes, certes… mais ce n’est qu’un hall. On je juge pas un livre à sa couverture, voyez-vous, répliqua l’implacable inspecteur.
-Heu… c’est par ici.

L’inspecteur et son guide avaient regagnés le hall après la visite d’usage chez le professeur Charles Xavier. A présent, ils s’engageaient dans un couloir. L’inspecteur, cette homme droit comme un i, au crâne dégarni, à la fine moustache géométrique, paraissait tout droit sortit du monde militaire. Même sa façon de marcher semblait réglée. Il regardait tout, il faisait attention à tout. A côté de lui, son jeune guide priait intérieurement pour que ce moment, cette visite, soit aussi court que possible. Pourquoi diable était-ce lui chargé de cette besogne ? Il s’efforçait de discuter mais, sans trop savoir que dire, il n’évoquait que des banalités. Il se trouvait pathétique.

Tout d’un coup, un bruit suspect : on aurait dit une cavalcade et des miaulements, tout ceci provenant de derrière, du hall. L’inspecteur fit halte, le guide se raidit.

-Qu’est-ce donc ? demanda l’inspecteur.
-Heu… trois fois rien, continuons.
-Rien, vous dites ? Fadaise ! C’est assurément quelque chose et je veux voir ce que c’est.
-Mais ce doit être le chat, rien de plus.
-Je tiens à observer cet animal si tel est le cas. Il fait parti, si ne m’abuse, de l’environnement dans lequel évolue la jeunesse qui réside en l’Institut.
-Très bien mais si nous nous détournons de la visite à cause du moindre bruit suspect, la visite justement va être longue. Votre emploi du temps est certainement très chargé.
-Je vous remercie, jeune homme, de vous soucier de mon emploi du temps, mais c’est inutile.

Le jeune administratif avait l’esprit vif. Il avait tout de même presque un an d’enceinté ici, bien assez pour savoir que les incidents étaient monnaie courante. Il avait instinctivement cherché à ralentir l’inspecteur mais celui-ci, trop buté, était trop décidé. Alors, il le devança et joua l’innocent. Intérieurement, il était au plus mal.

-Très bien, monsieur l’Inspecteur. Allons donc voir ce chat abusé par un banal insecte ou quelque chose de la sorte.

Le duo revint en arrière. Le guide arriva à la porte, ouvrit, redécouvrit le hall et…

-Et bien voilà, le hall n’a guère changé comme vous pouvez le constater.

L’inspecteur revint dans la vaste pièce, la parcourut du regard, chercha le défaut croustillant mais… rien. Pas de chat, pas d’insecte, rien. Les miaulements s’éloignaient dans une autre direction, dans un autre couloir.

-Vous voulez qu’on poursuive le chat ? fit le guide, presque moqueur.
-Non, non, ce ne sera pas la peine. Reprenons la visite.

Le guide ne put réprimer un soupire de soulagement.


Vermine avait sauté de l’armoire. Passant par-dessus Neko, il atterrit sur le carrelage. Après un dérapage pas du tout contrôlé, il s’effondra puis se remit ses pattes et repartit à toute allure dans le premier couloir qui se présentait à lui. La féline s’était mis à le suivre. L’armoire, enfin épargné, ne s’effondra pas. A présent, le duo complètement surexcité s’embarquait dans de nouvelles folies.

-Me manger tout cru ? Ha, la belle blague ! Ton rat se moque de doit minou ! Hihihihihihi !

-Me manger tout cru ? Ha, la belle blague ! Ton rat se moque de doit minou ! Hihihihihihi !
-Attends un peu, espèce de...de...de rat ! Si jamais je t'attrapes tu vas me le payer ! Et je vais t'attraper !

Le drôle de couple atteignit la cuisine. Heureusement, à cette heure-ci il n'y avait pas grand monde. Là, d'une détente des cuisses, Neko choppa Vermine et le plaqua contre le frigidaire. La violence du coup laissa une marque sur la porte, et une Neko sonnée mais hilare.

-Hahahahahahahahahahaaaaa ! Je ne m'étais pas autant amusée...depuis...depuis...bah je sais même plus depuis quand je ne me suis pas amusée comme ça !

Vermine profita de son hébêtement pour fuir. Dans un réflexe félin, Maëlys le choppa par son caleçon, l'empêchant de fuir. Mais l'enfant-rat était une vraie anguille. Il eut vite fait de se débarrasser du sous-vêtement pour filer à l'anglaise. Maëlys récupéra assez vite. Elle se releva, ôta sa culotte, la jeta par dessus son épaule et se relança à la poursuite de son rat, en tenue d'Ève pour être plus à l'aise. Ils firent de nouveaux dégâts en traversant la salle à manger sur toute sa longueur, et ressortirent en effleurant un bonhomme en costume sombre auquel ils n'accordèrent pas la moindre attention.

-Hum… cela à l’air aux normes…

Le sinistre inspecter se redressa. Il venait d’examiner sous toutes les coutures un chauffage. Il nota quelque chose dans son calepin. A côté de lui, le jeune guide ne pouvait pas s’empêcher de ressentir une certaine frustration. Ce personnage si strict qu’il en devenait caricature avait une façon de faire tout simplement révoltante. Les affaires familiales ? Mais oui, la belle excuse. C’était de l’espionnage à ce niveau ! Mais le jeune homme garda pour lui ses pensées.

-Bon, par ici. La salle à manger et les cuisines sont dans cette direction.
-Très bien all…
-Attention !

Le guide, faisant preuve de réflexes pour le moins remarquables, attrapa l’inspecteur et le fit reculer d’un pas. Le sinistre représentant des affaires familiales évita ainsi de justesse la collision avec deux bestioles poilues lancées à toute allure.

-Mais qu’est-ce que c’était que ça ?! s’exclama-t-il.

Il n’avait presque rien vu, il était trop concentré sur les dernières choses qu’il notait dans son calepin. Le jeune administratif, lui, avait très bien vu mais il n’en croyait pas ses yeux. De toute façon, ce n’était ni l’endroit ni le moment pour s’interroger. Il s’empressa de répondre, l’air innocent.

-Ben, le chat.
-Quoi ? Un chat ? Mais c’était énorme !
-Ha, c’est vrai que nous avons un sacré matou. Il est nourrit de tendresse et de bon petits plats.
-Excusez-moi, monsieur, mais ce n’avait pas du tout la taille d’un chat.
-Allons donc ! Et que voulez-vous que ce soit d’autre ? Un tigre ?

L’inspecteur, intrigué, jeta un coup d’œil dans le couloir emprunté par les bestioles. Il doutait déjà de ce qu’il avait cru voir. Après tout, c’était sans doute un chat. Le guide fit mine de s’impatienter.

-On continu ?
-Oui, allons-y. Excusez-moi.

Le guide pouvait se féliciter de cette habile manœuvre. Il fallait dire aussi que l’inspecteur n’avait entraperçu que l’une des deux « bêtes velues », ce qui avait facilité un peu la chose. La visite se poursuivit. La salle à magner fut examinée. Un peu de désordre régnait ici. L’inspecteur ne manqua pas de le signaler mais l’excuse, cette fois, était facile à trouver.

-Allons, monsieur, c’est un lieu de vie ici. Nous nous occupons de plusieurs centaines de jeunes mutants. Un brin de désordre est inévitable.
-Peut-être, mais il y a quand même des chaises renversées et des…
-Des chaies renversées, vous en êtes là ! Mais c’est une mascarade. Citez-moi une seule structure accueillant de jeunes personnes qui ne soit pas un brin dérangé !

Le guide avait laissé transparaitre son agacement et l’inspecteur, conscient qu’il exagérait, préféra ne pas insister. En temps ordinaire, il en aurait été autrement. Seulement, il était ici à l’Institut, royaume des mutants. Mieux valait ne pas trop en faire. Ce jeune guide, d’ailleurs, était peut-être un mutant lui-même même s’il n’en montrait aucun signe. La visite se poursuivit. Arrivé dans la cuisine, le guide, tout d’un coup, perdit l’équilibre et s’effondra au sol.

-Ho, bon sang, s’exclama-t-il, en faisant semblant que ce n’était pas volontaire.
-Hum.
-Ça va, je n’ai rien. Mon lacet.

Et le jeune homme refit son lacet. L’inspecteur entama son inspection. Il signala une étrange trace sur la porte du frigo. L’administratif, cette fois, ne chercha pas à inventer d’histoire.

-Ha, ça, je ne sais pas d’où ça viens. Ça a l’air très récent. Peut-être un incident de la veille.

Il se redressa, cachant sa crispation intérieure. Il fallait dire que sa chute prémédité avait eu pour objectif de vite s’emparer d’un caleçon et d’une culotte abandonnés au sol. Les sous-vêtements, à présent, se trouvaient pliés en boulles dans sa poche. Là encore, il pouvait se féliciter de son habilité. L’inspecteur n’y avait vu que du feu. Mais décidément, quelle histoire ! Une chose était certaine, quand elle sera terminé, le guide ira retrouver les deux bestioles velues pour leur passer un sacré savon. En attendant, la visite continua.


-Alors, c’est ça un prédateur ? Ridicule ! Neko, tu es la honte des félins ! Et moi, je suis le plus classe de tous les rats de la galaxie !

Etait-il possible de perdre à ce point tous les repaires ? Apparemment oui. Vermine, en revenant à l’Institut, c’était juré de ne pas faire parler de lui. Et là, il était en train de courir, nu, dans les couloirs du bâtiment. Même quand il avait eu sa période de folie, il n’avait pas fait ça. Mais tant pis, il était lancé ! Sa copine, tout aussi dévêtue que lui, était sur ses talons.

Les deux bestioles, après avoir failli renverser l'inspecteur, avaient continué leur course. Ils firent un crochet par une des salles communes. Trois jeunes mutants jouaient à la console, ils étaient tellement occupés par leur partie endiablée de Call Of Duty Modern Warfare 3 qu'aucun d'eux ne remarqua l'ouragan à rayures qui passa juste derrière eux, précédé par le plus gros rat qu'on ait jamais vu.

-Alors, c’est ça un prédateur ? Ridicule ! Neko, tu es la honte des félins ! Et moi, je suis le plus classe de tous les rats de la galaxie !
-Mrâw ! Ouais ben le plus classe des rats ça veut pas dire grand chose, vu le peu de classe qu'ont les autres rats !

Ils disaient exactement le contraire de ce qu'ils disaient encore quelques minutes auparavant, mais c'était juste une rigolade quasi-enfantine qui aurait pu paraître innocente s'ils n'avaient pas été pas tous nus.
Toujours au même train d'enfer, ils montèrent un escalier, traversèrent le premier étage, puis arrivèrent sur la mezzanine du grand hall, devant l'escalier. Vermine bondit dans le vide, Neko bondit à son tour et rattrapa l'animal au vol, et tous deux atterrirent sur le grand lustre en cristal. L'énorme éclairage bougea comme un bateau pris dans une tempête, mais la fixation tint bon. Enfin, Maëlys avait bel et bien attrappé son amoureux et n'était pas prête de le lâcher.

-Gagné !

Fière de sa prise, elle se mit à lécher l'enfant-rat avec sa petite langue râpeuse. Elle n'avait pas envie de copuler, mais le coeur y était.

Au sommet de ce lustre en cristal, le temps passa vite en tendresse. La relative discrétion des deux protagonistes, presque somnolant sur leur perchoir improvisé, permit au dit perchoir de retrouver son immobilité. Plusieurs dizaines de personnes traversèrent le hall, aucune ne remarqua rien car chacun était occupé par ses petites affaires. Au terme de pratiquement une heure, une voix sévère s’éleva. C’était l’inspecteur qui, son travail achevé, quittait les lieux. Il était suivi par son jeune guide qui semblait plutôt fatigué.

-Bien. Je ferais part de mes conclusions à ma hiérarchie. Informez monsieur Xavier qu’il recevra sous peu le rapport de mon organisme.
-Je… bon sang !
-Qui y’a-il ?
-Non, non, rien. Oui, je n’y manquerais pas.

Le jeune homme venait d’avoir une sueur froide. Cette inspection avait été plus qu’éprouvante pour lui. Il avait dut déployer tant d’efforts pour éviter la catastrophe. A présent lasse des propos de son si désagréable compagnon, il en avait levé les yeux au ciel. Et voilà qu’il venait d’apercevoir, là, juste au dessus d’eux, sur le lustre, les deux fameuses bestioles. Inutile de préciser que si l’inspecteur apercevait cette scène, celle-ci occuperait une bonne place dans ses notes. Heureusement, il n’en fut rien. Dans un dernier effort, son guide s’employa à capter son attention en discutant jusqu’à ce qu’il est passé la porte de sortie.

-Il n’y a guère que ce fameux chat turbulent qui a échappé à mon examen.
-Ha, oui, effectivement. Il sait bien se cacher. Il a peur des étrangers, il ne faut pas lui en vouloir.

Ce fut le dernier échange qu’on peut entendre venant de l’extérieur. Cinq minutes plus tard, le jeune homme revint seul dans le hall. S’assurant qu’il n’y avait pas d’yeux indiscrets dans les parages, il adopta une attitude sévère. Il alla se planter pratiquement sous le lustre, leva la tête, et prit la parole d’une voix forte et autoritaire.

-Maëlys Duval et Ernest Lenoir, j’espère que je ne vous dérange pas dans vos ébats amoureux !

Vermine sursauta. Quoi ? Qu’est-ce qui se passait ? Pour un peu, il aurait presque put se demander où il était. C’était comme s’il se réveillait après un merveilleux rêve. Tel un puzzle, les différents éléments de la présente situation s’assemblèrent. Il était dans le hall d’entré, perché sur le lustre, dans les bras de son aimée, entièrement nu et le pelage en parti humide de salive féline. Cela lui arracha un commentaire d’une profondeur inouïe.

-Merde.

Il le dit tout bas mais avec un naturel presque comique. En un mot, il venait de sous entendre « je suis dans la merde » ou plutôt « nous sommes dans la merde » car il n’était pas seul dans cette fâcheuse situation.

-Descendez de là et plus vite que ça ! ordonna le jeune homme.

A regret, Ernest s’exécuta. D’un bond bestial, il arriva sur le sol. Après une jolie réception, il se redressa face au jeune homme. Il était évidement mal à l’aise mais il le cachait très bien. En apparence, il semblait tout à fait sûr de lui. Il se garda toute fois d’adopter une attitude trop désinvolte. Cela aurait été peu stratégie.

-Heu... on avait terminé, hasarda-t-il.

L’administratif attendit que Neko soit également là avant de fouiller dans ses poches. L’instant d’après, il tenait dans chacune de ses mains un sous-vêtement. Inutile de préciser à qui ils appartenaient.

-Dites-moi, jeunes gens, vous n’auriez pas perdu quelque chose en chemin ?
-Ha, mon caleçon ! Ça alors, je le cherchais justement !

Le jeune homme ne semblait pas d’humeur à rire. Il redonna les sous-vêtements. Vermine l’enfila lestement et retrouva ainsi un zeste de dignité.

-Quelque chose à dire pour votre défense ?

L’enfant-rat jeta un coup d’œil à Neko puis répondit.

-Heu… je plaide coupable. C’est ma faute monsieur. C’est un petit jeu qui a dégénéré, à cause de moi. Si y’a quelqu’un a punir, c’est moi.

Au moins, le petit hybride ne niait pas être en faute, c’était déjà ça de positif pour l’administratif. Il attendit d’avoir l’avis de la demoiselle chatte avant de poursuivre.

(Désolée pour le retard. Quelques problèmes d'inscription en fac)

Maëlys léchait son rat, dans un moment de tendresse longtemps attendu. C'était d'autant plus amusant qu'elle s'était jusque-là abstenue de le faire du temps où il ne se lavait jamais.

-Maëlys Duval et Ernest Lenoir, j’espère que je ne vous dérange pas dans vos ébats amoureux !
-Hein ? Oh merde !

PAF ! Retour à la réalité ! Vermine et elle étaient perchés sur le lustre en cristal du hall d'entrée, à poil (au sens propre comme au sens figuré), et d'en-bas les regardait ce jeune gars qui travaillait au service administratif, elle ne se rappelait plus son nom.

-Merde... répéta-t-elle

Vermine sauta du lustre, Neko le suivit, se réceptionnant tout en souplesse (ça avait du bon d'être un chat).

-Dites-moi, jeunes gens, vous n’auriez pas perdu quelque chose en chemin ?
-Ha, mon caleçon ! Ça alors, je le cherchais justement !
*Merde !*

L'administratif tenait leurs sous-vêtements respectifs. Fallait-il en déduire qu'ils les avaient semés pendant qu'ils se poursuivaient à travers l'institut ? Neko s'empressa d'arracher le triangle de dentelle noire au jeune homme pour l'enfiler précipitamment.

-Quelque chose à dire pour votre défense ?

Houlà ! ça c'était une question ! Pouvait-on attendre l'avis de son avocat avant de répondre ? Vermine en tout cas ne fut pas aussi hésitant.

-Heu… je plaide coupable. C’est ma faute monsieur. C’est un petit jeu qui a dégénéré, à cause de moi. Si y’a quelqu’un a punir, c’est moi.

Quoi ? Ah non ! Il était hors de question que monsieur soit le seul à porter le chapeau. Elle avait bien dit qu'elle comptait le protéger à partir de dorénavant.

-Non, c'est ma faute. Il m'avait beaucoup manqué, alors j'ai un peu...pété les plombs. C'est comme ça quand je fais...vous savez quoi...mes instincts prédateurs reprennent le dessus.

Était-ce une explication satisfaisante ? Difficile à dire du point de vue de Maëlys.

-Je vais encore avoir droit à la serpillère ?