Tatouage...ou pas (Ashe)

Il était environ 22 heures, la nuit était déjà tombée et il faisait plutôt sombre dans le quartier, en raions des nombreux lampadaires cassés. Une voiture entra dans la rue, une voiture spéciale. C'était une grosse Mercedes noire de 1938, la capote fermée dissimulant l'intérieur. Une telle voiture ne passait bien sûr pas inaperçu dans un tel quartier.
La voiture ralentit et se gara devant un immeuble en mauvais état. La portière passager s'ouvrit et une femme d'une trentaine d'année aux cheveux noirs, vêtue d'une robe de créateur et d'un imperméable cher en descendit. Gretchen regarda autour d'elle. Elle n'avait pas l'habitude de mettre les pieds dans des endroits aussi mal famés, sauf quand elle voulait se fournir en cobayes. Elle n'avait pas peur de laisser sa voiture ici, une Mercedes de 1938 ce n'était pas très discret, un voleur se ferait vite pincer.
Elle claqua la portière et entra dans l'immeuble. Elle tenait à la main sa malette de médecin en cuir, contenant ses outils et son Luger. Elle monta l'escalier sans prêter attention au regard que lui portait la concierge. Arrivée à la porte qu'elle cherchait, elle frappa trois coups secs et attendit. Quand la porte s'ouvrit, elle prit son sourire affable.

"Bonjour. Liza Krüger. C'est bien vous mademoiselle Lovelace ?"

Invité

Un drôle de rendez-vous que celui-ci.

Le coup de fil que lui avait passé une certaine Liza Krüger l'avait laissée un peu dépitée. Son accent fort charmant n'avait pas réussi à estomper la froideur bien remarquable de sa personnalité, perceptible malgré son phrasé affable et dénotant d'une politesse raffinée, typique de l'idée qu'Ashe se faisait des ressortissants des riches pays du vieux continent.

Difficile à vrai dire de se faire une idée précise de l'intéressée. Les clients habituels de la jeune anglaise avait généralement l'allure marginale, le parler direct et parfois mal dégrossi de la rue, parfois seulement la nonchalance du quidam relevée d'un peu de rébellion, de cette humeur populaire qui montrait le chemin des pratiques encore considérées comme underground.
C'étaient des gens en qui elle reconnaissait un peu d'elle-même, des individus qui paraissaient issus du même monde qu'elle, qui affectaient, de gré ou de force, une certaine défiance vis à vis de ce qu'on appelait toujours la haute société. Rares étaient ceux qui en "descendaient" pour se frotter aux noirceurs qui jalonnaient les voies qu'elle avait apprivoisées et faites siennes.

Il y avait donc quelque chose de surprenant dans cette rencontre d'un genre nouveau, le simple son de la voix de son interlocutrice le lui avait promis. Mais peut-être était-ce bien plus profond que la confrontation d'une fille de chiche vie avec une dame de la haute.
Ashe n'avait jamais d'a priori négatifs sur ce type de personnes, de toute façon. Advienne que pourrait.

Ce qui la gênait davantage, c'est que cette Frau Krüger l'avait contactée pour une expertise. Or, la petite tatoueuse à la sauvette n'avait jamais fait d'expertise d'aucune sorte et ne savait pas à quoi s'attendre, encore moins ce qu'on attendait d'elle. Elle avait accepté en se disant qu'une telle requête pourrait sans doute lui rapporter un bon pactole, et comptait sur son intérêt passionné pour le tatouage et ses différents symboles pour accomplir sa tâche au mieux. Elle n'avait apparemment rien à perdre, même si ça sentait le bizarre tout ça...

On frappa à sa porte alors qu'elle sortait ses derniers "outils" du stérilisateur. Un peu nerveuse mais surtout très curieuse de voir enfin l'objet de son agitation, elle alla ouvrir, sans défaire la chaîne de sécurité, plus par habitude que par crainte réelle.

" Bonjour. Liza Krüger. C'est bien vous mademoiselle Lovelace ? "

Une belle femme aux traits racés et au port distingué se tenait sur le seuil, entourée d'une aura subtile qui n'était pas étrangère à la jeune femme. Son look rétro lui donnait l'air d'un célèbre modèle sorti d'une photographie sépia, il y avait dans son maintient et son regard l'assurance et la sagesse de ceux qui ont beaucoup vécu, et pourtant, elle ne devait pas avoir plus de trente, trente-cinq ans si l'on en jugeait par les apparences...
Seulement depuis qu'elle connaissait Daniel Hopes, Ashe ne pouvait se tirer de l'esprit que celles-ci étaient parfois encore plus trompeuses qu'on ne le croit, et précisément, cette femme d'un autre temps lui rappelait énormément son compagnon.

" Oui c'est bien moi, bonjour Mme Krüger, fit-elle, souriante, par l'entrebâillement. Excusez-moi, je vous ouvre tout de suite. "

Elle referma la porte, ôta la chaîne et ouvrit de nouveau en s'effaçant à demi pour laisser entrer sa visiteuse. Elle désigna le petit salon où elle avait disposé son matériel avant de reprendre.

" Je vous en prie, entrez, installez-vous. Vous aimeriez boire quelque chose, ou préférez-vous qu'on commence tout de suite? "

Getchen fut agréablement surprise quant à mademoiselle Lovelace. C'était une jeune fille polie, et son appartement/salon de tatouage semblait bien tenu. En fait, elle venant dans ce genre de milieux, elle s'attendait plutôt à rencontrer une femme grossière habitant dans un taudis. Voilà qui contrastait assez avec l'environnement extérieur du quartier.

" Je vous en prie, entrez, installez-vous. Vous aimeriez boire quelque chose, ou préférez-vous qu'on commence tout de suite? "

Gretchen sourit intérieurement. C'était drôle que la jeune femme lui propose de boire quelque chose, car le docteur était justement en train de penser qu'elle devait être en bonne santé et qu'elle aimerait bien goûter un peu de son sang. Elle s'abtint tout de même d'en parler.

"Non merci. J'aimerais que nous commencions tout de suite. Nous verrons ensuite..."

Elle enleva son imperméable, révélant sa robe de soie cramoisie laissant nues ses épaules d'une blancheur d'ivoire. Elle posa le manteau sur un accoudoir du canapé et alla s'asseoir dans le fauteuil mis à sa disposition.

"Bien. Alors je vais vous montrer le fameux tatouage dont il est question. Je vous demanderais juste de ne parler à personne de ce que vous allez voir."

Elle préférait aller droit au but. et dans le pire des cas elle pourrait toujours liquider la tatoueuse une fois le travail terminé. Elle préférerait cependant ne pas avoir à faire disparaître un corps aujourd'hui.
Elle leva son bras gauche et montra son aisselle à Ashe. La tatoueuse put voir un numéro de matricule à huit chiffres tatoué sur la peau blanche. Ce matricule, il avait été tatoué sur le corps de chaque membre de la SS, y compris Himmler.

"Je souhaiterais faire disparaître ce tatouage, il ne pourrait m'attirer que des ennuis. J'aurais pu aller me le faire enlever dans une clinique, mais on m'aurait probablement dénoncée. Et je n'ai vraiment pas besoin qu'on ouvre une nouvelle enquête sur moi. Je me suis adressée à vous parce que vous n'avez pas de licence, que vous n'êtes pas officiellement tatoueuse, et que je pense que vous saurez garder le silence."

Elle inspira.

"Je voudrais que vous me le fassiez disparaître. Enlevez-le moi si c'est possible, sinon dessinez-moi quelque chose par dessus."

Invité

Ashe acquiesça et laissa son étrange cliente prendre possession d'un fauteuil, avant de refermer la porte et de la rejoindre, prenant place sur le canapé. Un rapide coup d'œil à la robe qu'elle portait sous son très beau manteau lui indiqua qu'elle devait avoir pour habitude de se trimballer avec beaucoup plus de dollars sur le dos que la jeune tatoueuse ne pourrait se le permettre en un an.

Avant de vraiment faire attention au tatouage, celle-ci s'attarda sur l'aspect de la peau ivoirine qui s'offrait à sa vue, et se dit que c'était certainement l'une des plus belles peaux qu'il lui serait jamais donné de prendre pour support. C'était presque surnaturel, cette finesse du grain, cette régularité... à peine humain à vrai dire. Elle semblait parfaite, sans exagération.

Mais il était difficile de ne pas être intriguée davantage encore par cette suite de chiffres qui barrait la superbe blancheur se sa carnation.
Il y avait un certaine nombre de tatouages de ce type, correspondant tous à des époques et des situations géographiques différentes, remplissant des fonctions différentes. La jeune femme avait lu beaucoup de livres et écouté beaucoup de passionnés lui parler du tatouage dans l'Histoire, et ce genre-là ne lui était pas inconnu, de moins cela lui rappelait quelque chose (une chose à laquelle elle ne s'était manifestement pas assez intéressée).
Seulement, elle n'était pas suffisamment sûre d'elle et de sa culture pour affirmer de quoi il retournait.

" Je souhaiterais faire disparaître ce tatouage, il ne pourrait m'attirer que des ennuis. J'aurais pu aller me le faire enlever dans une clinique, mais on m'aurait probablement dénoncée. Et je n'ai vraiment pas besoin qu'on ouvre une nouvelle enquête sur moi. Je me suis adressée à vous parce que vous n'avez pas de licence, que vous n'êtes pas officiellement tatoueuse, et que je pense que vous saurez garder le silence. "

Là en revanche, c'était plus clair dans son esprit.
Cette Mme Krüger était de toute évidence une criminelle, mais si l'impression de la tatoueuse était vraie, elle trainait cette marque depuis un bail. L'encre avait d'ailleurs beaucoup bleui, signe qu'elle s'était délavée avec le temps.
Ce genre de tatouages, on en faisait durant la seconde guerre mondiale, elle s'en souvenait maintenant parce qu'elle faisait mieux le rapprochement entre ses soupçons sur l'âge réel de sa cliente et ce matricule coupable. Ç'aurait pu être tout autre chose, mais la forme et la situation sur le corps n'étaient pas courantes et même si ses souvenirs étaient confus, elle savait qu'on lui avait déjà parlé de ce genre de matricules.

Elle réfléchit un instant, son expression restant neutre.

Cette femme était en train de lui demander de devenir complice de choses qui avaient eu lieu soixante-dix ans auparavant, et elle n'en paraissait que trente. C'était nécessairement une mutante, et l'étendue de ses pouvoirs pouvait être largement supérieure à celle d'un mutant moyen. Le fait qu'elle ait traversé les décennies depuis la grande guerre en Europe sans qu'on la retrouve prouvait qu'elle savait s'y prendre pour rester en vie et incognito.
Si c'était bien une membre de la SS, elle avait sans doute tué ou fait tuer des tas de gens, directement ou indirectement, et avait la conscience suffisamment tâchée pour ne plus se formaliser de la mort d'une personne devant laquelle elle avait mis sa liberté en péril. Car, précisément, elle voulait échapper à la condamnation, ce qui n'était pas vraiment le signe du repentir.

Pourtant, il n'y avait pas que cette crainte de voir ses jours finir pour une histoire d'intégrité morale qui occupait les pensées de la jeune anglaise. En fait, elle était plutôt du genre à rester impartiale devant les actes commis par les autres. Il y avait aujourd'hui beaucoup de victimes des affrontements entre les mutants et les humains dits normaux. Ces clivages l'impliquaient puisqu'elle était mutante. Pour autant, elle préférait considérer que les raisons de chacun n'étaient pas infondées, mais juste inadaptées. Il était souvent bien plus difficile de revoir sa position que de porter des œillères, mais ce n'était pas à elle de décider qui avait raison ou tort.
C'était la même chose ici. Ces choses qui avaient été perpétrées soixante-dix ans plus tôt, elle doutait qu'elles l'aient été par mauvaise foi et cruauté - même si certains devaient bien y prendre un plaisir malsain. "L'Enfer est pavé de bonnes intentions", certes, mais elle se considérait comme déjà damnée et il ne lui appartenait pas de départager le Bien et le Mal.

" En effet, je ne divulguerai rien qui vous cause du tort. Je ne suis absolument pas le genre de personne à s'engager dans des considérations orientées d'une manière ou d'une autre. J'ai conscience que la majorité trouverait extrêmement grave et immorale l'aide que je vais vous apporter, mais je n'en ai tout simplement rien à foutre. Vous êtes une cliente et je n'ai pas à vous demander pourquoi vous étiez de ceux qui ont porté ces chiffres. Permettez... "

Elle s'approcha pour tester l'élasticité de la peau, et fut encore une fois étonnée de voir qu'elle était parfaitement adaptée à l'opération malgré l'âge réel avancé de sa propriétaire. Elle examina un peu mieux le tatouage en lui-même pour se donner une idée de la réaction que pourrait avoir l'encre au contact d'une autre sur le plan de la coloration, et la façon dont elle avait imprégné la peau.

" Je ne peux pas vous l'enlever, je ne sais pas faire ça et ça risquerait de laisser des traces. Par contre, comme vous l'avez suggéré, je peux faire un autre tatouage pour masquer l'ancien. "

Elle se recula pour faire de nouveau face à Frau Krüger. Son visage affichait une sincère réceptivité, elle semblait tout à fait disposée à procéder comme pour n'importe quel autre client.

" Cela dit, je n'aime pas tatouer n'importe quoi, c'est contraire aux principes de mon "travail" et je préfère son aspect artistique à son côté mercantile. Je ne doute pas que votre intention soit surtout de vous débarrasser d'un détail gênant, mais puisque vous me demandez quelque chose de délicat, je serai délicate. Je veux respecter l'esprit de l'art que je pratique.
Pour ce qui est du motif, c'est donc vous qui en déciderez, vous êtes bien placée pour savoir qu'on en garde la trace toute sa vie. Mais j'aimerais autant qu'il signifie quelque chose pour vous, qu'il parle de vous. "

" En effet, je ne divulguerai rien qui vous cause du tort. Je ne suis absolument pas le genre de personne à s'engager dans des considérations orientées d'une manière ou d'une autre. J'ai conscience que la majorité trouverait extrêmement grave et immorale l'aide que je vais vous apporter, mais je n'en ai tout simplement rien à foutre. Vous êtes une cliente et je n'ai pas à vous demander pourquoi vous étiez de ceux qui ont porté ces chiffres. Permettez... "

Gretchen se sentit un peu rassurée. Cette fille possédait un bon sens qui se faisait trop rare à cette époque.

"C'est une mentalité que je respecte."

La tatoueuse jeta un oeil au tatouage. Gretchen regarda droit devant elle.

" Je ne peux pas vous l'enlever, je ne sais pas faire ça et ça risquerait de laisser des traces. Par contre, comme vous l'avez suggéré, je peux faire un autre tatouage pour masquer l'ancien. Cela dit, je n'aime pas tatouer n'importe quoi, c'est contraire aux principes de mon "travail" et je préfère son aspect artistique à son côté mercantile. Je ne doute pas que votre intention soit surtout de vous débarrasser d'un détail gênant, mais puisque vous me demandez quelque chose de délicat, je serai délicate. Je veux respecter l'esprit de l'art que je pratique.
Pour ce qui est du motif, c'est donc vous qui en déciderez, vous êtes bien placée pour savoir qu'on en garde la trace toute sa vie. Mais j'aimerais autant qu'il signifie quelque chose pour vous, qu'il parle de vous. "

Ce dernier détail posait plus de problèmes à Gretchen, elle n'y avait pas réfléchi une seconde. Jamais elle n'avait été portée sur la mode des tatouages. Une dame du monde n'avait guère besoin d'une rose dessinée sur l'apaule. Elle avait juste prévu de laisser la tatoueuse tracer ce qu'elle voudrait. Le motif n'avait aucune importance, là où il était, du moment qu'il couvrait la honteuse suite de chiffres qui risquait de la trahir. Elle réfléchit à la chose, un doigt posé sur le menton.

"Mmh... Je pensais à un nom. Dieter. En lettres gothiques, et si ça ne couvre pas assez, rajoutez des formes, des arabesques, étoffez à votre manière."

Dieter, la seule personne qu'elle avait jamais aimé avant de devenir la mécanique froide et insensible qu'elle était aujourd'hui.

Invité

Il était rare qu'on ne houspille pas Ashe pour sa façon de penser qui se voulait la plus impartiale possible. Encore plus qu'on lui dise que l'on respectait sa mentalité. Les mots de l'Allemande lui avaient arraché un sourire franc même si elle s'était vite remise dans une ambiance de travail. Finalement cette femme n'était peut-être pas si hautaine et froide qu'on aurait pu le penser.

La jeune fille fronça très légèrement les sourcils en entendant le souhait de sa cliente.

" Dieter? Attendez... "

Elle approcha un crayon à papier et une feuille d'imprimante qui trainaient, pour les mettre devant Liza.

" Je suis désolée, je suis très loin d'être experte en langues étrangères... Je n'aimerais pas écorcher ce nom. Si vous pouviez l'écrire vers le centre de la feuille, ce serait parfait. "

Elle eut un regard d'excuse en lui tendant le crayon. Elle reprendrait le papier et la mine ensuite, pour commencer à dessiner les arabesques voulues selon ce que lui dirait ensuite la belle ivoirine.

" Je promets de ne pas avoir l'indiscrétion de fouiller votre vie privée afin de recueillir des choses sur vous. Mais ça m'aiderait à imaginer le tracé si vous m'en disiez un peu plus sur la façon dont vous perceviez votre relation avec cette personne. Pas nécessairement les détails, juste ce que vous ressentiez. "

Ceux qui lui avaient appris à graver l'épiderme lui avaient toujours dit qu'un tatouage vraiment réussi était un dessin guidé par l'âme, des lignes qui racontaient une histoire, un motif inspiré à l'écoute de celui qui en deviendrait le porteur le temps d'une vie. C'était précisément ce qui l'avait amenée à cette activité, et ce après quoi elle courait chaque jour de sa vie.

Gretchen écrivit le nom sur le papier, en gothique puisque c'était ce qu'elle voulait. Dieter avec une faute ? Impensable pour quelqu'un qui se faisait le devoir d'être parfaite en tous points.

" Je promets de ne pas avoir l'indiscrétion de fouiller votre vie privée afin de recueillir des choses sur vous. Mais ça m'aiderait à imaginer le tracé si vous m'en disiez un peu plus sur la façon dont vous perceviez votre relation avec cette personne. Pas nécessairement les détails, juste ce que vous ressentiez. "

Gretchen réfléchit. Elle n'aimait pas beaucoup s'étendre sur sa vie, mais si ça avait vraiment de l'importantce... De toutes façons, cette fille savait déjà que Gretchen était un ex-nazie, ce qu'elle saurait de plus sur elle ne pourrait pas l'incriminer plus devant un tribunal...à condition qu'elle parvienne à le rapporter sans y perdre la vie.

"Dieter, ce cher Dieter... C'était mon grand frère. Enfants, nous passions des après-midi entières à jouer dans la campagne. Nous grimpions aux arbres, nous allions à la mare attrapper des têtards, tout ce que nos parents nous interdisaient de faire... Les autres enfants ne m'aimaient pas beaucoup, car j'étais différente. Dieter me protégeait, il fut mon seul ami."

Ses yeux froids furent traversés l'espace d'une seconde par une lueur d'humanité.

"Et puis la Grande Guerre est arrivée. Il s'est engagé volontairement. Il nous est revenu six mois plus tard avec une jambe et une main en moins. Malgré tout il a continué de s'occuper de moi, perdant peu à peu son rôle de grand frère à mesure que je devenais une femme. En 1922 je l'ai quitté pour faire mes études à Berlin. C'est la dernière fois que je l'ai vu, car il a attrappé la gangrène en été 1924 et il en est mort."

Aucune larme de coula du coin de ses yeux. à peine eut-elle prononcé le dernier mot que ses yeux reprirent leur froideur habituelle.

"Voilà, c'est à peu près tout."

Invité

Alors qu'elle écoutait la réponse à sa requête, la jeune tatoueuse lisait les micro-expressions, les mimiques, les réactions de la belle Allemande, les détails infimes comme les battements de ses cils, les intonations de sa voix, ses gestes les plus insignifiants comme la position de ses mains, celle de ses jambes, de ses épaules...
Elle se faisait ainsi une idée du personnage de Dieter, qui se construisait en formes tantôt brèves et intenables, malicieuses, tantôt en grandes et sobres lignes d'une élégante finesse. Cependant elle ne fit rien d'autre qu'être pleinement attentive et observer sa vis-à-vis pendant que celle-ci lui parlait.

Elle avait étudié la calligraphie depuis la fac comme une extension de ce qu'elle avait appris en matière de dessins en tous genres, le style gothique ne lui posaient pas de problème au tracé, et elle se voyait ajouter tout cela de manière naturelle et contigüe aux lettres.

Il y avait tant d'émotion, même si elle n'était qu'à peine palpable, dans l'évocation de Dieter que cette distance-même, cette volonté manifeste de rester toujours absolument inatteignable, frappaient d'autant plus l'artiste.
Cette femme était comme une sorte de flamme vivace enfermée dans un diamant limpide : on pouvait la voir clairement, divisée en autant de facettes, mais il était impossible de toutes les appréhender, et paraissait inimaginable de l'atteindre elle-même.
Ashe la trouvait particulièrement fascinante, et ressentait un profond respect envers elle comme devant une œuvre virtuose, dont la clarté aveuglante faisait de la découverte un challenge aussi difficile qu'excitant.

" Voilà, c'est à peu près tout.
- Merci. Merci beaucoup ", souffla-t-elle dans un sourire reconnaissant et sincère.

Elle se pencha alors sur le papier avec dans ses prunelles cette lueur presque heurtante de professionnalisme, le témoin de ce contrôle total qu'elle avait sur elle-même et sur son univers, quand elle avait le crayon en main et le support comme catalyseur de ces énergies obscures et inconnues qui l'habitaient.
Elle refit par dessus l'écriture de sa cliente les lettres du prénom pour se les approprier, et durant quelques secondes sa main fila sur le papier autour de ce centre originel d'où naissaient et s'épanouissaient en arcs noirs éclaboussant la blancheur du papier vierge, les fleurs offertes par son monde à la mémoire de cet homme qui resterait pour elle un éternel étranger.

Le motif s'étirait, abstrait, en formant des pointes et des courbes douces, enrobant sans lourdeur la forme brute des lettres gothiques et leur octroyant même une légèreté nouvelle, empreinte de froideur et d'une rigidité certaine qu'atténuaient les détours incongrus qu'il prenait. Il y avait certainement autant de regards que d'interprétations de ces formes, mais on pouvait certainement y voir, sur un des côtés, quelque chose comme une aile unique, brisée.
Ashe dut attraper une autre feuille de papier pour aller au bout de ce que lui inspirait cette ébauche d'aile dont elle ne complexifierait pas la forme, afin de poursuivre son travail vers ce qui se rapprocherait de la taille, voire de la hanche de sa cliente. Une unique ligne, aventurière, ambitieuse, partant seule à la conquête du corps, à la recherche de la perfection de ses formes.
Une autre qui avait été sa soeur se détachait d'elle un peu plus haut, comme pour signifier le renoncement délibéré à un autre destin. Elle décrivit une boucle, et vint s'y poser, criant de vérité, un corbeau tranquille qui tendait le coup vers le défunt frère.

La tatoueuse se recula un instant, replaçant mieux les feuilles, puis après les avoir considérées d'un peu plus loin, elle reporta son attention sur Frau Krüger.

" Bon, je ne vous cache pas que d'habitude l'élaboration d'un motif se fait sur quelques jours au moins, histoire que la personne qui le reçoit ait le temps de murir la forme et les autres détails; mais si vous veniez dans le but précis de ne pas ressortir sans que votre matricule ait disparu, on peut voir tout ça en express, je fais des retouches maintenant avec vous et on pourra commencer. Autrement, il vous est toujours possible de revenir. "

Elle n'avait pas annoncé son tarif au téléphone puisqu'elle ne s'attendait pas à ce que son interlocutrice lui demande précisément de la tatouer - il ne s'agissait au départ que d'une expertise. Aussi se dit-elle que c'était le moment où jamais.

" J'en profite pour vous avertir que vois mes prix à l'heure, comme les autres tatoueurs. Si le motif reste comme il est là, ça prendra quelque chose comme... deux heures et demie, trois heures. La nature de votre demande ne change rien, je prends 40 dollars de l'heure sans faire payer la consultation sur le dessin ni les éventuelles pauses. "

La jeune femme avait visiblement honte de demander de l'argent pour ce qu'elle faisait, cela se lisait sur son visage. Mais son prix restait dans la moyenne de ceux proposés par la plupart des autres tatoueurs de NY - si l'on exceptait les moins préoccupés par la qualité d'exécution et le soin apporté à l'hygiène - et après tout, il fallait bien qu'elle vive de quelque chose.

"Bon, je ne vous cache pas que d'habitude l'élaboration d'un motif se fait sur quelques jours au moins, histoire que la personne qui le reçoit ait le temps de murir la forme et les autres détails; mais si vous veniez dans le but précis de ne pas ressortir sans que votre matricule ait disparu, on peut voir tout ça en express, je fais des retouches maintenant avec vous et on pourra commencer. Autrement, il vous est toujours possible de revenir."

"Non, allons-y maintenant. J'ai pris ma journée pour venir ici, mais je suis en général très occupée."

"J'en profite pour vous avertir que vois mes prix à l'heure, comme les autres tatoueurs. Si le motif reste comme il est là, ça prendra quelque chose comme... deux heures et demie, trois heures. La nature de votre demande ne change rien, je prends 40 dollars de l'heure sans faire payer la consultation sur le dessin ni les éventuelles pauses."

"Aucune importance, l'argent n'est pas un problème. Vous aurez votre dû. Ma parole est d'or."

Avec ce qu'elle avait pu récupérer du trésor de guerre nazi, n'importe-qui aurait été à l'aise jusqu'à la fin de ses jours. Elle n'en était donc pas à 40 dollars près.
Elle se redressa sur le fauteuil et leva le bras.

"Bien. Nous commencerons quand vous serez prête."

Invité

Dans l'ordre habituel des choses, Ashe avait le temps de s'imprégner un peu mieux de ce qu'elle allait incruster dans la peau d'autrui. Elle n'aimait pas trop la façon dont les choses se précipitaient ici, mais elle comprenait un peu l'empressement de la (supposément) dénommée Liza.
C'était le problème de ces choses qu'on supporte longtemps. On peut penser que vu l'ancienneté de la plaie, on peut l'endurer encore un peu, que ça ne changera rien d'attendre encore quelques temps. A l'inverse on peut se dire qu'on en a que trop goûté l'acide et qu'il est définitivement temps de s'en débarrasser. C'était ce qui semblait prédominer chez elle, en tout cas la tatoueuse le prenait comme tel et ne chercherait pas à la convaincre de revenir une autre fois. Ses habitudes prenaient le pas sur les désirs des clients.

" Je le suis. Si vous avez une préférence sur la couleur, c'est le moment de m'en faire part. "

Elle lui proposa ensuite plusieurs teintes, du noir (nécessaire pour masquer le matricule mais qu'on pouvait agrémenter d'autres encres pour les motifs), du bleu, du rouge, et quelques autres.
Elle regarda l'heure, la nota sur un coin de papier se mit ensuite au travail, en respectant les souhaits de sa "victime" et en suivant à la lettre la marche à suivre canonique, moyennant un déshabillage partiel imposé par la taille du dessin qui n'avait évidemment rien de voyeur.

Comme toujours, elle y mit beaucoup d'elle-même, et le temps passa pour elle sans qu'elle en ait la moindre notion. Elle fit une pause toutes les heures, à la fois pour se reposer les yeux et pour permettre à sa cliente de voir l'avancement du travail par le biais d'un miroir et de donner des directives si elle le souhaitait, mais celles-ci étaient d'assez courte durée, et bien qu'elle ait estimé le temps total de réalisation du tatouage un peu en deçà de ce qu'il fut vraiment, l'ouvrage prit moins de quatre heures.
Au dehors, la lumière du jour déclinait peu à peu, et on arriva à la soirée lorsqu'elle appliqua la compresse de rigueur.

Elle avait remarqué au passage que la peau de Liza ne saignait pratiquement pas, chose assez inhabituelle qui, à force de repasser dessus, avait fini par l'intriguer. Elle était portant sûre de bien s'y prendre, sans appliquer l'encre trop en surface... Sans doute y avait-il des personnes réagissant de cette façon, après tout elle n'avait pas une expérience très longue. Mais il se pouvait également que ceci ait à voir avec cette personne en particulier. Elle ne parvenait pas à se sortir de l'esprit qu'un pouvoir qui immuniserait son détenteur des blessures était à la fois extrêmement enviable et véritablement redoutable pour celui qui s'attaquerait à la mutante.

" Voilà. C'est terminé, vous pouvez vous rhabiller. J'espère ne pas y avoir été trop fort. Prenez votre temps, ne brusquez pas votre peau ni vous-même. "

Endurer une si longue séance de torture donnait souvent le tournis ou une impression de malaise à ceux qui s'y prêtaient, et Ashe ne voulait surtout pas donner le sentiment à la belle Allemande qu'il était maintenant temps de cracher la monnaie avant de déguerpir.

Elle attendit que celle-ci ait terminé en mettant à part ce qu'elle avait utilisé afin de mettre le tout au stérilisateur ou de jeter ce qui devait l'être, puis jeta un coup d'œil à l'heure et vérifia celle du début, ainsi que les pauses qu'elle devrait soustraire. N'ayant pas pour politique de faire payer les minutes sous la barre du quart d'heure, elle fit un calcul en gros en rabaissant aux dernières quinze minutes.

" Alors, moins les pauses on va dire trois heures et demie, ce sera cent-quarante dollars, s'il vous plaît. "

C'est avec une mauvaise humeur assez tenace que le professeur grimpait les marches de l'escalier menant dans l'antre de sa compagne. Son rendez-vous avec une jeune recrue n'avait pas tourné exactement comme il l'aurait voulu. Le climat de défiance envers les mutants se faisait de plus en plus pesant chaque jour, la haine devenait quasiment palpable et préfigurait, à qui savait le voir, des orages d'une violence sanglante en devenir.
Le dénommé Andrew avait bien eu du mal à se montrer réceptif à ses arguments même si il fallait souligner que Hopes n'avait pas fait montre d'une grande patience non plus. L'incident ayant éclaté après son départ était révélateur de ce manque flagrant de pragmatisme qui pourtant était une des qualités premières du Time Tricker.
Il avait cloué à la table à coup de lame un humain un peu trop belliqueux et avait terrorisé toute l'assistance du bar. Ces méthodes violentes et expéditives n'avaient pas place dans le discours policé de l'Institut. Il faisait écho à des méthodes bien plus extrémistes que le maitre du magnétisme n'aurait pas renié pour sa part. Cependant pour le coup, Hopes savait la leçon retenue définitivement. Cette approche pouvait se montrer bien plus efficace que les belles paroles qu'il aurait pu prononcer pour en appeler à la raison.
Mais seulement, raisonne t-on avec les bêtes ?
Les failles dans les actes et les réflexions concernant le crédo du professeur commençaient à être véritablement visible.
Lui qui n'était que contradictions, il n'aurait pu en être autrement.

Une chose plus matérielle lui assombrissait l'âme encore plus. L'Humain l'avait éclaboussé de son sang. Ses mains en étaient tachées ainsi que sa veste. Il lui tardait donc d'en faire disparaitre toute trace afin de tourner définitivement la page de cet incident malheureux. Il le sentait véritablement souillé et la perspective d'un bain en compagnie de la douceur d'Ashe lui apporterait sans doute le repos du corps et celui de l'âme.

Il stagna un instant devant la porte et frappa dans son style avec une lenteur calculée. Geste qu'il avait à présent l'habitude de faire puisque ses visites étaient devenues quotidiennes, seule la durée en variait. Après un léger temps d'attente de convenance, il poussa la porte pour entrer se faisant une fois de plus la remarque de parler à la jeune femme de son manque de prudence avéré vis à vis du danger urbain. A New York, il était suicidaire de laisser une porte ouverte, mais Ashe savait se défendre;..si on en lui laissait le temps.

L'appartement était un peu plus éclairé qu'à l'accoutumé, son ange avait du travailler aujourd'hui à ses œuvres. D'ailleurs sa toile était toujours là. Il chercha Ashe du regard n'ayant pas véritablement pris le temps d'observer qui était sa visiteuse.

"Je le suis. Si vous avez une préférence sur la couleur, c'est le moment de m'en faire part."

"Noir et rouge, uniquement."

En la voyant, on n'avait aucun mal à comprendre que le noir et le rouge étaient ses couleurs préférées. Elle semblait sortie d'un film en noir et blanc dont on n'aurait colorisé que les nuances de rouge.
Gretchen ôta la bretelle de sa robe, laissant son sein à découvert puisqu'elle ne portait pas de soutien-gorge, et la tatoueuse se mit au travail. Elle travailla rapidement, quoique la mutante se serait bien passée des heures de pause. Quand ce fut enfin fini, elle regarda dans le miroir et c'est avec une satisfaction non-dissimulée qu'elle constata le résultat. Bien sûr c'était une scientifique qui ne croyait qu'au concret, mais elle ne restait pas insensible devant l'art, fut-il imprimé sur sa peau.

"Pas mal..."

Elle se rhabillait quand la porte de l'appartement s'ouvrit. Un homme entra. Sur le coup il ne sembla pas remarquer Gretchen, mais elle ne le manqua pas. Elle avait déjà vu ce type...mais en 1938. Ce ne pouvait pas être lui, à moins que comme elle il ne soit un mutant, ce qu'il lui avait caché à l'époque. Enfin, c'était de bonne guerre puisqu'elle-même ne lui avait rien dit. Il ne semblait pas la reconnaître, et peut-être valait-il mieux qu'il en soit ainsi.

Invité

Il était clair, à voir l'expression de Liza Krüger, qu'elle était satisfaite du résultat, et son plaisir était tout particulièrement communicatif : Ashe ne pouvait espérer mieux. Ce genre de réaction nette valait tous les billets qu'elle pouvait engranger par la suite, et c'est avec un visage radieux qu'elle l'accueillit, non sans exprimer elle aussi son contentement quant à cette approbation de son travail.

Elle mettait le stérilisateur en route quand elle entendit les coups à la porte, mais elle n'eut que le temps d'avoir un mouvement de recul et de se dévisser le cou pour vérifier où en était sa cliente de la remise en place de son vêtement, avant que la porte ne s'ouvre sur un visage et une voix grandement rassurants.
En effet, quelle idiote elle avait été de ne pas fermer cette satané porte alors qu'elle tatouait une femme dénudée... Elle se maudit silencieusement en se redressant, avant d'aller accueillir son compagnon.

" Tu fais encore la gueule à ton portable... "

Elle stoppa net son pas à quelques mètres de Daniel, s'intercalant sans l'avoir prémédité entre lui et la femme derrière elle.

" ... à c'que j'vois - Daniel qu'est-ce que c'est que ça? " fit-elle vivement sur un ton dur, en jetant un regard angoissé, les sourcils froncés, aux tâches de sang qu'arboraient ses vêtements.

Elle avait annoncé le prix de la séance à Frau Krüger mais sur le moment, qu'elle la paye effectivement ou pas était un problème qui lui était totalement sorti de l'esprit.

Ahhhh Ashe...C'était véritablement tout un poème, il n'y avait qu'elle pour l'accueillir avec une telle désinvolture et telle charme naturel. Il aimait sa rudesse qui cachait bien souvent une réelle sensibilité. Il la savait amoureuse et liée. Il l'était tout autant, respectant ses mystères. Ce qui lui plaisait avant tout restait surtout le fait que Ashe Lovelace était la seule personne capable d'user avec un réel talent de l'acidité et du tranchant des mots sans que le professeur ne ressente cette terrible envie d'entrer dans une joute verbale et fratricide. Sa sœur de cœur et d'âme en avait elle seule, sans en avoir réellement conscience, le privilège.
Daniel laissa naitre un léger sourire et commenta dans un murmure.

Tybalt, les raisons que j'ai de t'aimer me font excuser la rage qui éclate par un tel salut.

Il la laissa venir à lui se concentrant d'abord sur celle qui, rien dont la façon dont elle traversait l'espace, savait trouver les silences et la grâce pour l'apaiser. Son visage cependant refléta l'inquiétude provoquant une fois de plus chez le Time Tricker un élan d'affection envers elle qui réprima par excès de flegme.

Ce n'est rien, mon ange, j'ai eu des "imprévus professionnels"..ce sang répandu est de mon fait mais pas le mien cependant...il vivra. J'aurai du te prévenir de mon passage, je suis navré..j'étais un peu...disons..décontenancé.

C'est alors qu'il porta le regard sur sa cliente. Peut-être Ashe qui commençait à véritablement le connaitre pu voir une légère ombre passer dans ses iris bleus-grises, manifestation d'une surprise sincère. Mais Daniel n'en laissa rien paraitre de plus. Il se contenta de retirer sa veste tachée et de la poser sur un dossier de chaise avant de se diriger vers l'évier de la cuisine afin de purifier ses mains souillées.
Tout a l'ouvrage il se contenta d'adresser à la visiteuse des paroles lourdes de signification.

Bonjour, Frauleïn, parcourez-vous toujours les salons mondains de la Grande Allemagne ou les temps modernes vous ont-ils poussé à la prudence ?....tant de changements en 70 ans...pas sur vous en tout cas.

Elle n'avait pas changé depuis ce soir là, lui peut-être paraissait-il 6 ou 8 ans de plus, rien de flagrant.

"Bonjour, Frauleïn, parcourez-vous toujours les salons mondains de la Grande Allemagne ou les temps modernes vous ont-ils poussé à la prudence ?....tant de changements en 70 ans...pas sur vous en tout cas."

Il était maintenant évident que c'était bien lui, et qu'il la reconaissait. Gretchen se tordit un peu la lèvre avant de reprendre son sourire affable.

"Vous semblez vous aussi en grande forme pour votre âge. Petit cachottier. Votre sait-elle que vous faites plus jeune que vous ne l'êtes ?"

Elle jeta un oeil à Ashe.

"Bien sûr qu'elle le sait. Tenez mademoiselle. Voici pour votre excellent travail."

Elle ouvrit son portefeuille et en tira cent-cinquante dollars qu'elle tendit à la tatoueuse. Il y en avait plus que demandé, mais Gretchen savait se montrer généreuse quand elle était satisfaite.
Ceci étant fait, elle en retourna à Ghinzu.

"Et pour vous répondre, oui, j'ai dû renoncer aux mondanités. Mais je suis encore loin de devoir me cacher. En tout cas, vous ne semblez pas non plus avoir changé. Qu'êtes-vous devenu depuis Nuremberg ?"

Invité

Pas vraiment rassérénée par les dires du Time Tricker, Ashe en était cependant rassurée. Elle n'allait pas lui demander des détails sur l'altercation tant que sa cliente serait encore là, mais au moins son regard soucieux reprit-il un peu de tranquillité. Elle avait pleine confiance en Daniel et ne s'alarmerait pas de ce qu'il semblait prendre avec autant de calme.

Mais les choses n'en restèrent pas là puisque, chose incongrue, son compagnon salua Liza Krüger comme une vieille connaissance. Manifestement, ils s'étaient rencontrés à l'époque de la seconde guerre mondiale... Cette pensée, à bien y regarder, était complètement hallucinante, et la jeune femme en fut troublée. Mais au moins, cela prouvait que son intuition était juste : cette femme était bien plus âgée qu'elle en avait l'air, et, parce qu'Ashe connaissait Daniel Hopes par cœur et qu'il était doté d'un pouvoir similaire, elle ne s'était pas trompée devant l'impression de sagesse et de puissance de l'âge qui se dégageait notamment des prunelles de la belle Allemande, mais aussi de son allure - celle d'une femme figée dans le temps en ses plus belles heures, évoluant comme l'incarnation d'un souvenir charmant au milieu des simples mortels.

Cependant ces salutations n'avaient pas grand chose de vraiment chaleureux, Ashe sentait bien qu'il y avait des non-dits qu'elle n'était pour l'heure pas autorisée à dévoiler. Elle se tint alors en retrait, marchant jusqu'à la colonne du bar de la cuisine, et s'y adossant pour attendre qu'ils développent à leur aise leurs singulières retrouvailles.

Les mots de l'Allemande la plaçaient radicalement à part du binôme qu'ils formaient, mais la jeune Anglaise n'en fut pas blessée, bien qu'il aurait été plus que facile de se sentir rabaissée comme un vulgaire meuble ou un enfant encombrant.
Le fait était que l'élégance d'un autre temps qui émanait de cette femme l'excusait de bien des choses. Elle ne sortait pas de nulle part, elle avait vécu bien des choses et était parvenue jusqu'ici apparemment sans déchoir de la grâce. Ashe ne se sentait pas vraiment inférieure à elle, juste différente, comme lorsqu'on rencontre un confrère plus expérimenté. Mais il y avait ce respect, qui lui était imposé par la prestance de cette femme, et la déférence qui allait avec - cela, ajouté au fait qu'elle n'avait pas un ego très sensible, la laissaient observatrice enveloppée d'un silence poli.

Elle accueillit avec beaucoup de reconnaissance la petite rallonge faite au tarif convenu. Dix dollars, ce n'était rien, et elle aurait pu trouver cela ridicule. Elle aurait aussi pu croire que sa cliente s'était trompée par inattention, ou qu'elle n'avait que de grosses coupures sur elle (ça c'était tout à fait possible...), et aurait pu vouloir lui rendre les dix dollars de trop. Mais le regard entendu de cette dernière lorsqu'elle lui remit la somme ne laissait supposer que c'était de l'argent en trop. C'était une sorte de petit cadeau symbolique témoignant de sa gratitude.
Ashe aurait été intéressée par l'argent, elle aurait pensé que quitte à lui offrir quelque chose, cette vieille rombière pouvait bien lui cracher plus que dix dollars, mais rien que s'imaginer dire ce qu'elle voyait comme une petite farce lui faisait en fait honte. Elle avait rendu un service en plus de faire normalement son travail, et c'était loin d'être un service que tout le monde aurait accepté de rendre, certes. Cela dit, Ashe l'avait fait avant tout par respect de ses convictions, pas dans un esprit mercantile.
Elle accepta donc les dix dollars comme elle en aurait accepté un, avec un sourire entendu mais toujours très expressif, pensant qu'en plus, dix dollars payaient au moins un repas supplémentaire pour elle ou pour un autre, et que c'était d'autant mieux.

" Merci beaucoup my lady ", souffla-t-elle pour que le son de sa voix n'entrave pas le dialogue entamé entre Daniel et la mystérieuse dame d'ivoire.

Son détachement face à la scène était surprenant, mais comme Liza l'avait tout de suite deviné, Ashe avait été mise au parfum de ce qui caractérisait le Time Tricker, chose qui permettait de comprendre son attitude tranquille face à un tel spectacle.

Comme la conversation semblait reprendre, la jeune femme s'éclipsa pour ne pas garder l'argent en mains. Elle alla le mettre en réserve quelque part dans sa chambre, et s'affaira silencieusement dans son espace de travail un peu à part des deux autres mutants, afin de ne pas gêner l'échange qui devait se faire tout en se tenant prête à saluer convenablement le départ de sa cliente.

Daniel s’essuya méticuleusement les mains tout en pestant une fois de plus sur le fait d’avoir taché son vêtement, une des choses qui l’exaspérait le plus au monde. Paradoxalement, il était assez désordonné mais prenait grand soin de sa garde robe plaçant l’élégance comme une qualité incontournable. Il adressa un demi sourire à sa compagne pour lui signifier une fois de plus qu’elle n’avait aucun soucis à se faire sur les évènements qu’il venait de traverser, ni sur l’étrange présence de la demoiselle intemporelle. Il reporta son attention sur la visiteuse tout en se tenant non loin de Ashe.

- Ohhh moi vous savez, je vais, je viens. Pendant longtemps je n’ai fais qu’observer : ce n’est plus le cas à présent. J’ai décidé de prendre part aux événements plutôt que de les subir. C’est amusant, je vous avais dis lors de notre rencontre que Aigles Impériaux pataugeraient tôt ou tard dans le sang avant de s’y noyer…je ne m’étais pas trompé finalement.
Je n’étais pas aussi au fait des mutations à l’époque, je ne connaissais que les grandes lignes d’un pouvoir naissant. Ce n’est plus le cas à présent.
Tout cela pour dire simplement que je sens que votre don n’est pas d’une nature chronopathique, comme le mien. D’une part je le sentirai au fond de mon être, d’autre part je suis aux commandes d’une machinerie capable de traquer les mutants de cette nature…vous devez votre apparence juvénile à autre chose, j’en suis certain…
Resterons-nous, Mademoiselle Lovelace qui partage notre nature, et moi même dans l’ignorance complète ou allez vous nous en dire d’avantage.

Il s’adossa au mur tout en croisant les bras.

-N’ayez aucune crainte à mon contact, j’en ai fini avec les derniers partisans du régime que nous avons vu se rependre comme la peste sur la Vieille Europe depuis 1946. C’est du passé.

"Certes. Et bien en ce qui me concerne, vous avez raison, mes pouvoirs n'ont rien à voir avec la maîtrise du temps. Aux femmes qui voudraient connaître le secret de ma jeunesse, je leur conseillerais de boire cinq litres de sang humain par semaine...mais je doute que ce soit aussi efficace sur quelqu'un d'autre que moi. Permettez..."

Elle s'approcha de lui et posa sa main sur sa chemise souillée. Aussitôt, les taches d'hémoglobine qui avaient commencé à coaguler redevinrent liquides et se mirent à converger la main du docteur. Les gouttes ruisselèrent sur la main d'ivoire et finirent par pénétrer l'épiderme. Lorsque Gretchen retira sa main, la chemise de Ghinzu était propre.

"Je ne dois mon exceptionelle longévité qu'à une chose, une chose présente chez chacun et qu'il me faut voler. Le sang. Plasma, érythrocytes, leucocytes, thrombocytes. Un liquide qui représente la base de la vie et qui peut prolonger la mienne."

Le sang qui coulait sur la main de Gretchen se rassembla en une grosse goutte sur le bout de son index. Elle le porta à sa bouche et suça la goutte. Elle leva les yeux en faisant mine de réfléchir comme si elle goûtait un grand cru.

"Mmmmh... Un humain de sexe masculin...de race blanche...bien bâti... L'avez-vous tué ? Oh, je serais bien mal plaçée pour vous en blâmer. Juste par curiosité. Vous n'êtes pas sans savoir que je suis de nature curieuse."

Daniel esquissa un sourire en contemplant l'efficacité redoutable du pouvoir de la "jeune" mutante. Il pencha la tête en constatant que sa veste était à nouveau propre. Efficace et plus économique qu'un pressing ! Il s'adonna à quelques touches d'humour.

Si vous avez encore faim, il reste la veste, je vous en pris...elle est à vous.
Pour l'homme, pas d'inquiétude...il vivra. Cependant il aura un peu de mal à se servir de sa main quelques temps. Je suis certain que vous savez combien cette partie de la main peut saigner lorsqu'on la transperce...

Il s'approcha de Ashe se postant cette fois ci à ses cotés au point que leurs épaules se côtoyaient.

Vous êtes donc un genre d'Elizabeth Bathory des temps modernes ? C'est assez intéressant comme particularité. Le Régime Nazi a du vous abreuver à souhait non ? C'est étrange...vous avez garder cette aspect d'alors...vous refusez d'évoluer dans ce monde ou avez vous juste peur de lui ?

Son regard se fit un peu plus mélancolique.

Nous avons du traverser les mêmes sentiments durant cette longue traversée du désert..vos yeux me laisse craindre le pire. Vous vous êtes fermée au monde n'est-ce pas ? plus rien ne vous touche ? Je crois que personne d'autre que vous et moi pouvons savoir de quoi je veux parler cette fois ci...

Invité

C'était étrange d'assister à une telle scène en n'y prenant pas part. Ashe se sentait comme une spectatrice dans un théâtre, aux premières loges.

Le pouvoir de Liza la fascinait purement et simplement. La jeune anglaise avait toujours été très attirée par le sang, sa symbolique, ses métamorphoses, les mythes qui s'étaient construits sur lui. Il n'était pas difficile de comparer la belle Allemande à l'un des personnages de ces mythes, et elle avait elle aussi pensé à la comtesse hongroise Erzebeth Bathory - une femme dont l'histoire, très certainement romancée, la passionnait toujours. Mais Liza aurait tout aussi bien pu être de ces vampires modernes que l'on croise au détour des pages des livres ou des pellicules des films, elle en avait la classe, l'intemporalité et portait le mystère comme une seconde peau, à la manière des plus singuliers d'entre eux.

Elle était à elle seule un objet d'admiration pour la jeune femme, qui posait sur elle ses yeux blêmes avec une expression éloquente.

Ne voulant plus rien perdre de leurs échanges, tout en continuant de se faire discrète et en gardant le silence, celle-ci adapta par réflexe son attitude à celle de Daniel; à demi masquée par sa silhouette elle remit à leur place les esquisses qu'elle examinait, posa une main sur le dossier de sa chaise où elle s'appuya, et laissa l'autre courir avec délicatesse dans le dos de son compagnon comme pour canaliser les émotions qu'elle sentait poindre chez lui, son visage affectant un vif intérêt pour la suite de la conversation...

L'"Elizabeth Bathory" des temps modernes. La comparaison amusa Gretchen.

"Ce n'est pas un choix. Je bois du sang pour vivre, et tant que je boirais du sang je ne vieillirais pas. Mais de toutes manières, rester jeune est plutôt une bonne chose. J'aurais bien du mal à continuer mes recherches si j'étais une vieille dame perclue de rhumatismes et à la mémoire rongée par une maladie d'Alzeihmer précoce. Et puis, j'imagine que c'est le rêve de toutes les femmes."

Elle rajusta la bretelle se sa robe.

"Et pour répondre à votre question, oui, le Reich a parfaitement répondu à mes besoins. Je sais ce que vous devez penser de moi, mais je n'ai jamais cru au national-socialisme, ni à la guerre. Mais en acceptant de travailler pour l'état Allemand, j'ai eu un laboratoire tout équipé, des assistants qualifiés, des fonds quasi-illimités, des cobayes comme s'il en pleuvait, et autant de sang que je le désirais. Avouez que c'est tentant pour une scientifique comme moi."

Elle enfila son imperméable et referma les boutons un à un avec lenteur, commençant par celui du bas et finissant par celui du haut.

"Le monde n'a plus rien à m'apporter, maintenant c'est à moi d'apporter ma contribution au monde, et je touche au but. L'évolution, mon cher, l'évolution est la clé de l'avenir. Ne vous l'avais-je pas déjà dit lors de notre dernière rencontre ? Les mutants ont été le premier pas, mais autre chose doit venir après."

Elle se tourna vers Ashe.

"Et vous ? Qu'en pensez-vous ?"

Elle ne pensait pas qu'Ashe soit bête, mais c'était tout de même une question rhétorique, puisque Gretchen ne s'imaginait pas la tatoueuse comprendre ces histoires d'évolution et de génétique. Et quand bien même elle essaierait d'y répondre, ce serait aussi cocasse qu'un serpent qui essaierait de jouer de la flûte traversière.

Invité

L'intéressée adressa un regard interloqué à l'Allemande.
Ça commençait à faire un peu trop.

Elle voulait bien avoir la bonne composition de considérer les dix dollars de trop comme un cadeau maladroit, et non comme un indice de mépris ou comme de la simple bêtise bourgeoise. Cependant, les récidives ont rarement le même succès.

Elle était certaine que sa cliente avait parié pour une réponse idiote, plate, commune, quelque chose de complètement insipide qui renverrait les tentatives de Daniel pour intégrer sa compagne à la conversation au placard. Cette femme était intelligente, à n'en pas douter, et la jeune artiste ne voyait pas trop pour quelle raison elle lui tendait une perche aussi ingrate. La prenait-elle pour une bouffonne, tout juste bonne à amuser la galerie en déblatérant des idioties?

Soit. Telle le bouffon du roi, elle exprimerait la vérité sans la dire, un sourire affable étirant ses lèvres avec une politesse très légèrement sarcastique.

" Je pense que la science et le recul sur tout cela ne m'ont malheureusement pas été enseignés au cours de mes vingt pauvres années, et que je suis bien plus douée pour réaliser des tatouages qui plaisent, plutôt que pour dire des bêtises quand une question risque de m'y conduire. "

Un large sourire étira le visage du Time Tricker.

Il connaissait Ashe lovelace et savait d'elle que c'était femme à ne pas se laisser faire, même pas par lui. C'est sans doute ce refus de concessions et ce dialogue sans far et sans compromis qui entre autre lui plaisait énormément. Sa réponse n'appelait pas de commentaires de sa part, il la défendrait si elle avait besoin d'être défendu, ce qui n'était visiblement pas le cas. Dans l'art de la répartie, elle se posait souvent en égale.
Les propos de Gretchen le plongea dans un abîme de réflexion.

D'abord sur la jeune allemande en elle même qui visiblement avait perdu complètement son humanité, seule son obsession semblait à présent la maintenir en ce monde. Il aurait aimé lui dire qu'un peu de science éloigne du divin et que beaucoup l'y ramène et cette divinité présente en chaque épiphénomène qu'est un être humain devait s'apprécier plutôt que se disséquer en laboratoire. Elle était perdu pour sa propre existence. C'était devenu une sorte de coureur qui a tellement couru qu'il ne sait plus pourquoi il cour, où il va et surtout qu'il était autre chose qu'une personne qui courait...

Ensuite sur la dangerosité de telle recherche ce qui l'amena une fois de plus à repenser au cas de sa petite fille, Anna. Une chimère dont les pouvoirs ont été poussée à l'extrême : était-ca le visage de ce qui viendra, après ?

Vous êtes toujours ce rubis...mais..l'éclat s'est éteint. J'en suis douloureusement désolé pour vous...sincèrement.
Aurais-je au moins la chance de connaitre votre identité sans pour autant attendre 80 ans de plus ?

Gretchen sourit en entendant la réponse d'Ashe.

"C'est une réponse très satisfaisante. Préférer se taire plutôt que dire des bêtise représente la base de la sagesse."

Non, la tatoueuse n'avait pas dû faire de longues études, mais elle était loin d'être bête. Gretchen décela même du sarcasme dans sa voix. Retournant du côté de l'homme, elle reprit son sérieux.

"Ai-je perdu de la valeur à vos yeux ? Personnellement je ne pense pas qu'il faille être désolé pour moi. Depuis notre dernière rencontre je n'ai que plus de moyens et de connaissances. Et pour répondre à votre question, je suis le docteur Gretchen Anna Krauze. Mais pour la forme, je vous demanderais de m'appeller Liza Krüger, c'est ma dernière identité."

Invité

Un regard entendu répondit aux derniers mots adressés à Ashe, qui ne se départit pas de son sourire. Il y avait matière à être un peu vexée par une attitude aussi poseuse, celle de quelqu'un qui s'impose en pédagogue sans qu'on lui ait rien demandé... Heureusement la jeune femme était assez indulgente et lucide pour balayer ce sentiment d'un revers de la main.

Elle eut à nouveau un expression surprise à l'écoute de la révélation qui suivit. Gretchen Anna Krauze... Soit. Qu'elle ait menti sur son identité était tout à fait normal et la tatoueuse ne pouvait affirmer qu'elle n'avait pas eu de doutes dès lors qu'elle avait compris la signification du tatouage qui avait marqué la peau d'albâtre de sa cliente.

Elle garda le silence, mais se dit qu'elle irait faire quelques recherches sur ce nom-là, par simple curiosité de savoir à qui elle avait vraiment eu affaire, et si elle ne le livrait pas d'elle-même, sur quoi la fausse Liza Krüger avait travaillé. Elle s'imaginait déjà faire chou blanc, mais elle ne ferait pas de ces recherches une obsession non plus. C'était seulement histoire d'être moins ignare qu'elle en avait apparemment l'air...

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